Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
La crise de l’Union européenne
Faut-il s’en inquiéter ?
Par Jawad KERDOUDI
L’Union européenne a été confrontée cette dernière décennie à plusieurs crises qui ont failli saper ses fondements. Ce fût d’abord la grave crise économique 2008/2009 qui a fait augmenter en flèche les dettes souveraines des pays européens de la zone euro. C’est de justesse que la Grèce n’est pas sortie de la zone euro. C’est grâce aux interventions massives de la BCE, des fonds de solidarité européenne et de l’Union bancaire, que la zone euro a été sauvée. Malgré tous ces efforts la croissance reste faible et le chômage élevé dans l’Union européenne.
En 2003, ce fût la crise ukrainienne suite au refus du gouvernement ukrainien de signer l’Accord d’association avec l’Union européenne. Il s’en est suivi des grandes manifestations et des affrontements armés dans le pays, qui ont abouti à la perte de la Crimée récupérée par la Russie. Aidés par les Russes, des mouvements séparatistes à l’Est de l’Ukraine veulent proclamer leur indépendance. Après plusieurs péripéties, un Accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne a été signé et ratifié par tous les pays de l’Union européenne sauf les Pays-Bas. Par référendum du 6 Avril 2016, le non l’a emporté alors que cet accord est fortement soutenu par l’Allemagne et la France. Rappelons que le 3 Décembre 2015 un référendum en Danemark a été également négatif pour la coopération policière entre ce dernier pays et l’Union européenne.
Mais c’est la grande vague migratoire qui a déferlé sur l’Europe en 2015 qui a mis le plus en lumière les divergences au sein de l’Union européenne. Venus d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient, surtout des Syriens en provenance de Turquie, le nombre des réfugiés en Europe s’est élevé à plus d’un million. C’est ainsi que les pays de l’Est de l’Europe notamment la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie, se sont opposés au système du quota qui consiste à repartir les migrants dans les différents pays de l’Union. La Hongrie a prévu une référendum entre Août et Décembre 2016 sur cette question du quota de migrants. Plusieurs entraves à la libre circulation dans la zone Shengen ont eu lieu, notamment l’Autriche qui lors du Sommet de Vienne en Février 2016 a décidé de fermer la route des Balkans via la Hongrie et le Slovaquie. La solution qui a finalement été trouvée pour éviter l’augmentation des réfugiés en Europe, a été un accord avec la Turquie pour refouler vers ce pays tout migrant clandestin moyennant une importante contribution financière.
L’Union européenne a été confrontée également à un vague de terrorisme djihadiste qui a frappé Paris le 13 Novembre 2015 et Bruxelles le 22 Mars 2016. Les attentats de Paris ont fait 130 morts et 413 blessés, et ceux de Bruxelles 32 morts et 94 blessés. Ces attentats ont été revendiqués par « l’Etat islamique » Daesh. D’après l’enquête qui est toujours en cours c’est la même cellule de terroriste forte d’une trentaine de membres qui aurait commis les attentats de Paris et de Bruxelles.
Enfin pour compléter les crises qui frappent l’Union européenne, il nous faut mentionner le Brexit qui est une abréviation de « British Exit » évoquant l’hypothèse d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Lors de sa campagne pour briguer un second mandat, le Premier ministre David Cameron avait promis d’organiser un référendum sur le maintien ou non du Royaume-Uni dans l’Union européenne. Ce référendum aura lieu le 23 Juin 2016. Le 15 Novembre 2015 le gouvernement britannique a présenté quatre exigences au Président du Conseil européen, et un accord a pu être trouvé lors du Conseil européen des 18 et 19 Février 2016. Valeur d’aujourd’hui l’issue de ce référendum est inconnue.
On voit d’après cette succession de crises et la multiplication des référendums nationaux que l’âge d’or européen est révolu. Les eurosceptiques reprochent à l’Union son manque de succès sur le plan économique : faible croissance et chômage élevé. Ils trouvent que la construction européenne après l’élargissement à 28 Etats est très complexe, et entraîne une perte de souveraineté pour les pays membres. De leur côté, les partisans de l’Union affirment que les difficultés actuelles proviennent d’une faible intégration sur le plan politique et économique. Sur le plan politique l’Union européenne ne peut parler d’une seule voix, et ne dispose pas d’une force militaire capable de rivaliser avec les grandes puissances : Etats-Unis et Russie. Sur le plan économique, c’est le manque d’intégration qui a entraîné la crise de l’euro. En tout cas, la date du 23 Juin 2016 est très importante pour l’Union européenne car le résultat du Brexit sera décisif pour son avenir.
Le Maroc qui est très lié avec l’Union européenne puisqu’il a obtenu le statut avancé en 2008, a eu la mauvaise surprise d’apprendre le 10 Décembre 2015 l’annulation par le Tribunal européen de l’Accord agricole qu’il a signé et ratifié avec l’Union européenne. Suite à la réaction vigoureuse du gouvernement marocain, le Conseil européen a interjeté un pourvoi le 29 Mars 2016 devant la Cour de justice européenne contre l’arrêt du Tribunal européen. Le problème n’est toujours pas réglé à ce jour. Compte tenu de ces crises à répétition qui frappent l’Union européenne, le Maroc a tout intérêt à diversifier son économie vis-à-vis d’autres partenaires en Afrique, Amérique et Asie.
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