Visite du Roi Mohammed VI en Chine
La nouvelle politique étrangère du Maroc
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Le Roi Mohammed VI accompagné d’une forte délégation a terminé sa visite en Chine qui a débuté en 11 Mai 2016. Cette visite s’inscrit dans le cadre de la nouvelle politique étrangère du Maroc qui a été déclenchée depuis trois ans. Cette nouvelle politique consiste essentiellement à diversifier la base des alliances internationales du Maroc.
Après l’indépendance du Maroc en 1956, la diplomatie marocaine était orientée principalement vers l’Occident. C’est ainsi que la coopération avec l’Union européenne a été progressivement renforcée aboutissant à la conclusion de plusieurs accords d’Association et au Statut avancé accordé au Maroc en 2008. Avec les Etats-Unis d’Amérique, un Accord de libre échange a été signé et mis en vigueur en 2006, et un partenariat stratégique a été formellement établi entre cette grande puissance et le Maroc. Cependant, de nouveaux facteurs sont apparus tant sur le plan politique qu’économique. Depuis 1975, le Maroc est confronté à la non-reconnaissance internationale de sa souveraineté sur les Provinces sahariennes. L’édification du Maghreb est bloquée par le différent entre l’Algérie et le Maroc sur la question du Sahara. Sur le plan économique, et après l’intronisation du Roi Mohammed VI, l’accent a été mis sur le développement accéléré du pays dans tous les domaines.
Sous l’impulsion du Roi Mohammed VI et afin de faire face aux nouveaux défis du pays, la diplomatie marocaine s’est orientée vers une diversification de la base des alliances internationales. Trois axes ont été ciblés par cette nouvelle politique étrangère : l’Afrique subsaharienne, les pays Arabes du Golfe, et les pays émergents : Chine, Inde, Russie. Cette nouvelle politique poursuit deux objectifs principaux : l’accélération du règlement de la question du Sahara, et le développement économique du pays par la coopération Sud-Sud. En effet sur la question du Sahara, la position des Etats-Unis n’a pas toujours été favorable au Maroc. C’est ainsi qu’en 2013 c’est une proposition américaine qui a tenté d’élargir le mandat de la Minurso au contrôle des droits de l’homme dans les Provinces sahariennes. Plus récemment en Avril 2016, le premier draft de la résolution du Conseil de Sécurité rédigé par les américains a été franchement hostile au Maroc. C’est grâce aux vrais amis du Maroc : France, Sénégal, Egypte que ce draft a été largement amendé en faveur du Maroc. Sur le plan économique, l’Union européenne principale partenaire du Maroc vit depuis la crise économique internationale 2008-2009 une période de régression ou de faible croissance. L’Accord de libre-échange du Maroc avec les Etats-Unis n’a eu que de faibles résultats pour le Maroc.
La nouvelle politique étrangère du Maroc ne se contente pas de discours et de paroles. Pour la mettre concrètent en œuvre des moyens puissants ont été mis en place. Ce sont d’abord les visites Royales toujours accompagnées de forte délégation comprennent outre les politiques, les représentants des grandes Groupes économiques publics et privés. C’est ainsi que le Roi Mohammed VI a entrepris plusieurs tournées en Afrique, dont la dernière en Mai 2015 lui a permis de visiter le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Gabon et la Guinée-Bissau. Lors de ces visites, plusieurs conventions ont été signées et des investissements marocains réalisés dans les domaines de l’agriculture et de la pêche, de la banque, des télécommunications, de l’énergie, et des industries de transformation. Toujours dans l’année 2015, le Roi Mohammed VI a participé au mois d’Octobre au Sommet Inde/Afrique permettant de resserrer les liens du Maroc avec ce grand pays asiatique. L’année 2016 a connu les visites Royales en Russie au mois de Mars, dans les pays Arabes du Golfe au mois d’Avril, et enfin en Chine au mois de Mai. Partout dans ces visites, de nombreuses conventions ont été signées et des projets économiques initiés. C’est ainsi qu’a été prise la décision d’exempter les chinois du visa pour l’entrée au Maroc. Pas moins de 13 conventions ont été signées avec les partenaires chinois portant sur des projets concrets : Parc industriel et logistique à Tanger, transport des eaux Nord-Sud, extension de la Centrale thermique de Jerada, accord sur le tourisme, chauffe-eau solaires, cellules photovoltaïques, cimenterie, pièces de rechange aéronautiques, automobiles et ferroviaires, financement de projets en Afrique.
Les autres moyens mis en œuvre par la nouvelle politique étrangère du Maroc a été sur le plan intérieur le développement des infrastructures autoroutières, ferroviaires, et portuaires. C’est ainsi que le réseau autoroutier et le LGV entre Tanger et Casablanca dans une première étape, sont des facteurs d’attrait des IDE au Maroc. Le port de Tanger-Med a permis l’installation de Renault avec la production et l’exportation de 400.000 véhicules par an. Les Provinces sahariennes ne sont pas oubliées et bénéficient du programme d’investissements de 77 milliards de dirhams. D’ores et déjà, des hommes d’affaires saoudiens et turcs se sont rendus à Laâyoune et Dakhla. Le développement des énergies renouvelables, éolien et solaire, a également attiré beaucoup d’investissements étrangers notamment dans la plus grande station solaire du monde à Ouarzazate. Le Maroc s’est aussi beaucoup impliqué dans la question du changement climatique en organisant la COP22 à Marrakech en Novembre 2016. Le Maroc propose également à ses alliés une coopération sécuritaire de premier plan, et militaire pour ce qui concerne les pays Arabes de Golfe. Enfin le volet religieux avec la promotion d’un Islam tolérant et modéré attire de nombreux pays pour la formation de leurs imams.
En conclusion, on ne peut que souscrire favorablement à cette nouvelle politique étrangère du Maroc marquée par l’efficacité et le dynamisme. Certes, il ne s’agit pas de se désolidariser de l’Occident auquel nous relient de relations historiques, économiques et culturelles centenaires. Mais devant la mondialisation et les menaces qui pèsent sur le monde actuel, le Maroc doit absolument élargir ses alliances internationales. Afin de consolider nos positions à l’extérieur, il faut aussi sur le plan intérieur poursuivre la protection des droits de l’homme, mettre en œuvre la régionalisation avancée, et intensifier le processus démocratique déclenché pour la nouvelle convention de 2011.
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