La première année de présidence d’Obama
Quel bilan ?
Par Jawad Kerdoudi Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Elu triomphalement premier Président noir des Etats-Unis en Novembre 2008, Obama a pris effectivement ses fonctions le 20 Janvier 2009. Quel bilan peut-on faire de sa première année de présidence, alors que les sondages aux Etats-Unis ne lui accordent que 50 % de votes positifs.
Comme dans tout bilan, il y a les éléments positifs et négatifs. Au crédit d’Obama, il faut souligner tout d’abord l’amélioration de l’image des Etats-Unis dans le monde, après la désastreuse présidence de Bush. Les Etats-Unis sont maintenant considérés par la majorité des nations, comme un pays amical et généreux. La dernière illustration est l’aide massive apportée par les Etats-Unis à Haïti, après le terrible tremblement de terre qui a ravagé ce pays. Les Américains y ont été accueillis avec joie et gratitude. L’autre élément positif est la décision du président Obama de retirer toutes les troupes américaines d’Irak avant la fin de l’année 2011. Il faut ajouter aussi la main tendue aux adversaires des Etats-Unis, tels que Cuba, la Corée du Nord et l’Iran. Enfin, l’orientation nouvelle vis-à-vis du monde musulman telle que déclinée par le Discours du Caire de Juin 2009. Tout ceci a valu au Président Obama l’octroi du prix Nobel de la Paix en Octobre 2009. Sur le plan intérieur, le Président Obama a réussi à faire adopter par le Congrès en Décembre 2009, la réforme de la santé qui va permettre à 30 millions d’américains supplémentaires de bénéficier de la couverture médicale. Le Président a fait prendre également plusieurs mesures en faveur des minorités .Il a d’autre part proposé une nouvelle taxation des banques et une réforme bancaire tendant à réduire la taille des banques et le risque bancaire. C’est ainsi qu’il propose une séparation nette entre les banques de détails et les banques d’affaires. Les banques commerciales ne pourront plus investir dans les fonds de capital investissement ou dans des fonds spéculatifs.
Le bilan est beaucoup plus mitigé concernant le taux de chômage qui s’élève toujours à 10 % de la population active, malgré l’important Plan de relance de 787 milliards de $ qui a été lancé en Février 2009. C’est ainsi que 4,6 millions d’emplois ont été détruit en 2009, et que 54 % de la population américaine estime que le Président Obama n’a pas suffisamment agi vis-à-vis des classes moyennes. Certes, le système financier américain a été stabilisé, mais non moralisé puisque les anciennes pratiques telles que les énormes bonus sont revenus au galop. Sur le plan extérieur, les résultats de la présidence sont également maigres. La Conférence de Copenhague de Décembre 2009 sur le changement climatique a été un échec, puisqu’aucune mesure concrète de réduction des émissions de gaz à effet de serre n’a été prise. D’une façon inattendue, le Président Obama s’est allié à la Chine pour contrecarrer les propositions audacieuses de l’Europe et des pays Africains. Le conflit Israélo-Palestinien n’a pas bougé d’un pouce, malgré les efforts de la diplomatie américaine, qui n’a pas obtenu d’Israël le gel de la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem. En Afghanistan, après des élections frauduleuses qui ont permis la réélection de Hamid Karzaï, le Président Obama a été contrait d’envoyer 30.000 soldats américains supplémentaires, pour faire face à l’offensive des Talibans. En Irak, la situation est loin d’être calme, et les attentats se poursuivent et se multiplient. Sur la question du nucléaire Iranien et Nord-Coréen, il n’y pas eu de progrès sensibles, malgré les multiplies réunions internationales consacrées à ce sujet et les menaces de sanctions. La prison de Guantanamo, symbole de l’illégalité de la présidence Bush, n’est toujours pas fermée. Enfin, le terrorisme international est de retour le 26 Décembre 2009 suite à une tentative d’explosion d’un avion transatlantique par un Nigérian, qui a été entrainé par Al Qaida au Yemen. Le terroriste a pu échapper à tous les contrôles des nombreuses Agences de sécurité des Etats-Unis. Enfin pour compléter ce sombre tableau, les dernières élections sénatoriales au Massachusetts du 19 Janvier 2010, fief des démocrates, ont permis la victoire d’un républicain, réduisant le nombre des sénateurs démocrates à 59, et permettant au sénateurs républicains d’utiliser le droit d’obstruction vis-à-vis de la réforme de la santé.
En conclusion, il faut reconnaître que la « realpolitik » n’a pas permis au Président d’Obama de réaliser ses objectifs. Dans une démocratie avancée, les pouvoirs ne sont pas du seul ressort de l’exécutif pour réaliser les réformes. Le législatif, et notamment le Congrès des Etats-Unis, a une grande influence sur la gestion intérieure et extérieure du pays. Les lobbys exercent également aux Etats-Unis un rôle déterminant pour orienter la politique du pays. Enfin, l’opinion publique alimentée par des médias totalement indépendants, constitue une force dont il faut tenir compte. On peut citer à titre d’exemple, la puissance aux Etats-Unis du lobby pro-israélien, qui empêche la présidence américaine de prendre toute sanction à l’égard d’Israël. Au niveau de la politique étrangère, le monde est devenu multipolaire, et les Etats-Unis seuls ne peuvent imposer leur prééminence. On l’a bien vu sur la question iranienne, où la Russie et la Chine agissent selon leur propre registre. L’exemple de l’Irak et de l’Afghanistan montrent à leur tour, la grande difficulté d’instaurer la démocratie dans des pays en développement. Mais il est trop tôt pour faire un bilan de la présidence Obama avec à peine une année d’exercice. Les trois années à venir vont nous permettre d’évaluer plus sereinement cette présidence, à laquelle nous souhaitons plein succès.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI