L’élection de Donald TRUMP
Quelles conséquences pour la politique étrangère américaine ?
Par Jawad KERDOUDI, Professeur de Relations internationales et Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
A la surprise générale, Donald Trump a été élu le 8 Novembre 2016 Président des Etats-Unis avec 306 Grandes délégués contre 232 pour Hillary Clinton. Cette dernière a obtenu plus de 500.000 voix de plus que Trump, mais le suffrage indirect des élections présidentielles américaines datant du XVIIIème siècle est toujours en vigueur. Pour gagner la présidence, Donald Trump a utilisé un langage populiste anti-système qui a séduit une majorité d’Américains blancs de la classe moyenne, alors que Hillary Clinton s’est appuyé sur l’Establishment et les minorités noires et hispaniques.
Le programme tel que décliné par Trump pendant sa campagne électorale est très inquiétant sur le plan extérieur. D’abord en ce qui concerne l’immigration, il a proposé de construire un mur entre les Etats-Unis et le Mexique, d’expulser plus de 3 millions d’immigrés criminels, et de condamner à 2 ans de prison minimum tout immigrant clandestin expulsé et qui retournerait aux Etats-Unis. Après avoir déclaré interdire l’entrée des musulmans sur le sol américain, il a atténué sa menace en voulant suspendre l’immigration des régions enclines au terrorisme. En tout cas, il est décidé à mettre en place des contrôles extrêmes aux frontières. Il a promis également de renégocier les Accords de libre-échange signés par les Etats-Unis notamment le NAFTA (Accord de libre-échange Nord-Américain) et de se retirer les Etats-Unis du TPP (Partenariat Transpacifique). Il se prononce pour le protectionnisme afin d’éviter la perte d’emplois aux Etats-Unis et la délocalisation des entreprises américaines à l’étranger.
Il ne croit pas que le changement climatique est dû aux activités humaines. Il a aussi déclaré que le « concept de réchauffement climatique a été créé par et pour les Chinois pour rendre l’industrie américaine non-compétitive ». Il se propose de dénoncer l’Accord de Paris et de lever les restrictions à la production d’énergies fossiles. Dans ce sens, il relancera le projet d’oléoduc Keystone XL entre le Canada et les Etats-Unis, et annulera les milliards de dollars de paiement prévus aux Nations-Unies pour les programmes visant à lutter contre le changement climatique.
Plus globalement, Donald Trump penche vers une position isolationniste en déclarant « La guerre et l’agression ne seront pas mon premier instinct ». Cependant, il ajoute qu’il est prêt à déployer des forces armées chaque fois qu’il n’y aura pas d’autre alternative. En faisant allusion à l’OTAN, il déclare « Les pays que nous défendons doivent payer pour le coût de leur défense ». En ce qui concerne les relations avec la Russie, il a loué les qualités de « Dirigeant » de Vladimir Poutine, et souhaite avoir une très bonne relation avec le Chef du Kremlin. Celui-ci lui rend bien en le traitant « d’Homme brillant et plein de talent ». En Octobre 2015, Trump a jugé positive les frappes aériennes de la Russie contre l’Etat islamique. Va-t-il établir un dialogue avec la Russie pour la lutte contre l’Etat islamique ? En tout cas, sa stratégie vis-à-vis de l’Irak et de la Syrie n’est pas claire. Tantôt Il privilégie l’attentisme, tantôt le déploiement de troupes américaines au sol.
Au Moyen-orient, Donald Trump a déploré l’abandon de l’Egypte de Hosni Mubarak, et les mauvaises relations d’Obama avec Israël. Il sera certainement un Président américain pro-israélien, puisqu’il envisage de transférer l’Ambassade des Etats-Unis en Israël de Tel Aviv à Jérusalem. Il se montre opposé au contrat sur le nucléaire signé par Obama avec l’Iran qu’il juge calamiteux. Enfin, il reproche à l’Administration Obama de n’avoir rien fait pour défendre les Chrétiens du Proche orient. Durant sa campagne, Donald Trump n’a que très peu mentionné l’Afrique qui ne doit pas faire l’objet de ses priorités. Pour ce qui est de notre pays le Maroc, les relations avec les Présidents républicains ont toujours été bonnes. On peut espérer qu’avec l’Administration Trump elles seront améliorées.
En conclusion, le programme électoral de Donald Trump marque un rupture de la politique étrangère des Etats-Unis et un danger pour les relations internationales. Lui-même a déclaré « Je veux être imprévisible ». Pour y voir plus clair, il faut attendre la mise en place des principaux responsables : le Secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, le Ministre de la Défense, et le Conseiller spécial à la Sécurité. On peut cependant prévoir qu’en face des réalités et de la sagesse du Congrès, Donald Trump ne pourra pas mettre totalement en application son programme. D’ores et déjà, la nomination du Vice-Président Mike Pence comme coordinateur de la transition est quelque peu rassurante puisqu’il a été membre de la Chambre des Représentants de 2001 à 2013.
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