La COP22 de Marrakech et le Sommet Africain de l’Action : Quels résultats ?
Par Jawad KERDOUDI, Professeur de Relations internationales et Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Avec quelques membres de l’IMRI, j’ai eu le privilège de participer à la 22ème Conférence des parties qui s’est tenu à Marrakech du 7 au 18 Novembre 2016. Cette Conférence a connu un franc succès qui honore le Maroc et qui consolide sa crédibilité internationale. On ne peut que féliciter le Comité de pilotage, les autorités locales et territoriales, les forces de sécurité pour la bonne organisation de cet événement mondial dont notre pays peut être fier. Aussi bien la zone bleue qui était réservée pour les officiels, que la zone verte consacrée à la société civile, ont connu une activité intense pendant les douze jours de la conférence rassemblant des milliers de participants.
Le but de cette COP22 était d mettre en œuvre l’Accord de Paris adopté en décembre 2015 et entré en vigueur le 4 Novembre 2016 après sa ratification par 109 pays. Rappelons que l’objet de l’Accord de Paris est de limiter l’augmentation de la température de la terre à moins de 2°C d’ici 2100. Durant l’événement, l’élection du climatosceptique Donald Trump à la Présidence des Etats-Unis a suscité un malaise. La Conférence des parties sur le climat a cependant rappelé le caractère irréversible de l’Accord de Paris, qui a été confirmé par le Secrétaire d’Etat américain John Kerry présent à Marrakech. Elle a annoncé vouloir « continuer à tracer le Cap » en faisant appel au pragmatisme et à l’esprit d’engagement du nouveau Président américain.
Au-delà du problème de Trump, la COP22 a pris plusieurs mesures comme l’avancée à l’année 2018 au lieu de 2020 du « manuel d’opération » de l’Accord de Paris. C’est ainsi qu’il a été décidé que 2017 sera l’année des projets de grande envergure et de la mobilisation des financements et de l’accès aux services financiers. La Conférence a souligné la nécessité de mobiliser au plus vite le Fonds vert de 100 milliards de $ d’ici 2020. D’ores et déjà, 81 millions de $ ont été promis par les pays au Fonds pour l’adaptation dépassant ainsi son objectif pour l’année. Un autre engagement pris à Marrakech consiste à verser plus de 23 millions de $ au Centre et Réseau des technologies climatiques. Le Fonds vert pour le climat a approuvé en outre deux plans d’aide pour le Liberia et le Népal à hauteur de 2,2 millions de $ et 2,9 millions de $ pour l’adaptation. A été également lancé le Fonds d’investissements de Marrakech pour l’adaptation doté de 500 millions de $.
Des dizaines d’initiatives ont été également lancées dans les secteurs de l’énergie, les villes, les forêts, l’eau, les transports, les océans et l’agriculture. Le Maroc de son côté a présenté l’initiative « Ceinture bleue » qui vise à promouvoir une pêche durable, et mis en avant l’adaptation de l’agriculture africaine (appelée triple A). Cette initiative qui regroupe 27 pays africains vise à aider les agriculteurs à faire face aux aléas climatiques. De leur côté, les entreprises ont créé une coalition « We Mean Business » qui regroupe 471 unités ayant une capitalisation boursière de plus de 8000 milliards de $, et qui ont entrepris plus d’un millier d’engagements en faveur de l’action climatique. La Fondation Solar Impulse, célèbre pour son premier tour du monde en avion solaire, a lancé l’Alliance mondiale pour les technologies propres. Les deux Championnes pour le climat Hakima El Haiti et Laurence Tubiana ont créé la plate-forme « 2050 pathways » qui regroupe des pays, des villes et des entreprises qui s’engagent à n’émettre plus aucun gaz à effet de serre d’ici 2050. Enfin le Roi Mohammed VI a lancé le « Prix international pour le climat et l’environnement », doté annuellement d’un million de $ et qui vise à récompenser une action particulièrement innovante et à fort impact de changement, qui sera remis lors de la tenue de chaque COP.
On ne peut terminer cette relation sur la COP22 sans mentionner le « Sommet Africain de l’Action » qui a eu lieu sous le Haut Patronage du Roi Mohammed VI le 16 Novembre 2016 au Palais des Congrès à Marrakech, en présence d’une cinquantaine des Chefs d’Etat africains. Ont été présents également le Secrétaire Général de l’ONU Ban Ki-moon, le Président français François Hollande et les Hauts Représentants des Etats-Unis, la Chine, le Japon, l’Inde, le Conseil de Coopération du Golfe, l’Union européenne, la Banque mondiale et la BAD. Le Sommet a adopté une Déclaration en faveur d’une co-émergence continentale. Elle indique que les régions africaines ont volontairement lancé des initiatives en matière d’adaptation et d’atténuation. Elle rappelle les principes de Rio en particulier celui de « la responsabilité commune mais différenciée ». Elle veut encourager et faciliter la participation du secteur privé à la mobilisation de capacités de financements supplémentaires, pour relever les défis du changement climatique. Elle lance un appel aux pays développés d’apporter un appui efficace et concret à travers l’augmentation du financement public, la facilitée de l’accès au financement climatique, le rééquilibrage en faveur de l’adaptation, et le renforcement des capacités de transfert des technologies. Elle charge en fin le Roi Mohammed VI et le Président en exercice de l’Union africaine d’assurer la coordination et le suivi des initiatives prioritaires dans les domaines de la lutte contre les changements climatiques.
En conclusion, on ne peut que se féliciter de la bonne organisation de la COP22, et du rôle très important de la société civile dans la zone verte, mais les résultats concrets obtenus sont marginaux et au deçà des espérances. L’élection de Donald Trump en tant que Président des Etats-Unis constitue une ombre quant à l’avenir de la lutte contre le changement climatique. Certes, sur le plan juridique il lui faudra 3 à 4 ans pour dénoncer l’Accord de Paris, mais il pourra prendre des mesures internes pour favoriser les énergies fossiles et réduire les financements publics aux énergies renouvelables. Aussi la lutte contre le changement climatique est loin d’être terminée, et le monde entier doit faire pression sur Donald Trump pour l’empêcher de prendre des mesures à contre-courant. La COP23 qui sera organisée par les Iles Fidji à Bonn en Allemagne, et la COP24 en Pologne doivent d’ores et déjà multiplier les efforts pour continuer la lutte acharnée contre le changement climatique. Sur un autre plan, le Maroc grâce à l’organisation de la COP22 et le Sommet Africain pour l’Action a renforcé sa position diplomatique dans le monde et surtout en Afrique, et peut espérer une réintégration par le Haut à l’Union africaine lors du Sommet d’Adis Abeba de Janvier 2017.
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