L’Après retour du Maroc :
Quelles perspectives pour l’Union africaine ?
Par Jawad KERDOUDI, Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
J’avais terminé ma précédente chronique sur le retour du Maroc à l’Union africaine en disant que cette victoire n’est pas une fin en soi, et n’est qu’un début d’une nouvelle page dans les relations entre le Maroc et son continent naturel. En effet il s’agit de définir une nouvelle stratégie pour tirer le maximum de fruits de cette victoire.
Le premier volet important est l’implication du Maroc dans les instituions de l’Union africaine. En effet, l’absence de notre pays de cette organisation depuis trente trois ans a éloigné le Maroc de cette institution, et a permis à nos adversaires de notre intégrité territoriale notamment l’Algérie et l’Afrique du Sud de dominer ses instances. Il s’agit donc de constituer une véritable Task force pour réussir cette implication, en nommant un diplomate aguerri en tant que Représentant permanent auprès de cette institution accompagné de profils hautement qualifiés. Vu l’importance de nos relations avec l’Afrique, il serait opportun de créer au sein du Ministère des Affaires Etrangères un Ministre Délégué aux affaires africaines.
Rappelons que les instances de l’Union africaine sont la Conférence composée des Chefs d’Etat et de gouvernement qui se réunit une fois par an, et qui est l’organe suprême de l’Union. En second lieu, le Conseil exécutif composé des ministres des affaires étrangères se réunit deux fois par an, et est chargé de la coordination et la prise de décision concernant les politiques dans les domaines d’intérêt commun. Non moins importante est la Commission qui constitue le secrétariat permanent de l’Union, et qui est chargé de la fonction administrative. Enfin, le Comité des représentants permanents est chargé de la préparation des travaux du Conseil exécutif.
Outre ces instances dirigeantes, les Commissions spécialisées jouent un grand rôle dans la préparation des décisions de l’Union. Le président de la Commission nouvellement élu le Tchadien Moussa Fakri Mohamed présenté durant la campagne électorale comme le candidat d’Alger, a placé le terrorisme à la tête de cette commission. Le Maroc par son expertise dans ce domaine pourrait lui apporter une aide substantielle, et empêcher la reproduction des dérives de l’ex-présidente sud-africaine. Une autre commission importante est celle de la paix et de la sécurité dont le président algérien Smail Chergui a été reconduit lors du 28ème Sommet. Le retour du Maroc doit signer la fin de la domination algérienne au sein de cette commission. Le Maroc pourrait apporter à cette commission son expérience dans la médiation dans les conflits entre Etats membres, la mise en place d’hôpitaux militaires, et la participation aux opérations de maintien de la paix. L’implication du Maroc sera plus facile dans la commission infrastructure et énergie du fait que le Maroc a une grande expertise dans les infrastructures et les énergies renouvelables. De plus, la présidente de cette commission l’égyptienne Amani Abou Zeid connaît bien le Maroc, puisqu’elle a dirigé pendant plusieurs années le bureau régional de la Banque africaine de développement à Rabat. Enfin, le Maroc pourrait s’impliquer aisément dans la commission commerce et induite présidée par le Zambien Muchenga Abbert M. et celle de la commission économie rurale et agriculture présidée par l’Angolaise Sacko Josefe.
Le second volet de la stratégie marocaine vis-à-vis de l’Union africaine consisterait tout d’abord à veiller à la bonne exécution tous les projets lancés lors des tournées africaines du Roi Mohammed VI. Ceci consisterait en un test pour l’efficacité de l’expertise marocaine, et donnerait confiance à tous les autres pays africains. En second lieu, le Maroc devrait continuer à tisser des relations bilatérales même avec les adversaires de notre intégrité territoriale. En effet l’Afrique du Sud, l’Angola, le Botswana, le Lesotho, le Mozambique, la Namibie, l’Ouganda et le Zimbabwe se sont opposés lors du 28ème Sommet de l’UA au retour du Maroc.
La troisième composante de la stratégie marocaine aurait pour objectif d’apporter une valeur ajoutée aux défis de l’Afrique qui sont nombreux, et ce grâce à l’expertise de notre pays. Ces défis concernant en premier lieu l’éducation et la formation des jeunes, afin de créer des emplois pour une population du continent qui atteindra 2 Milliards d’habitants en 2050. Le second défi est celui de la sécurité alimentaire pour nourrir convenablement cette population. La troisième défi est celui de l’industrialisation pour passer du modèle de l’exportation des matières premières à celui des produits transformés sur place avant d’être exportés. Le quatrième défi est celui de l’insécurité qui frappe plusieurs pays qui sont affaiblis par les conflits politiques, le terrorisme et l’extrémisme religieux. Enfin le cinquième défi est celui des conséquences dangereuses du changement climatique qui risque de frapper durement le continent si des mesures appropriées ne sont pas prises dans les plus brefs délai. Quant à la suspension ou l’exclusion de la RASD de l’Union africaine, le Discours du Souverain du 31 Janvier 2017 au 28ème Sommet de l’Union africaine laisse présager que ce n’est pas une priorité, en tout cas à court terme.
En conclusion, la nouvelle page qui s’ouvre au Maroc dans ses relations avec l’Afrique est exaltante, et appelle tous les acteurs de notre pays à agir rapidement et efficacement : gouvernement, parlement, partis politiques et société civile.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI