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Le G2 en difficulté
Tension entre la Chine et les Etats-Unis

Par Jawad Kerdoudi

Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

Peu du temps après son élection à la présidence des Etats-Unis Obama avait déclaré « La relation entre les Etats-Unis et la Chine déterminera le XXIème siècle ». En effet, le G2 (Etats-Unis-Chine) constitue le tiers du PIB mondial, et aura donc une influence déterminante dans le siècle qui commence. Nous allons assister à un nouvel ordre mondial, et la période de transition sera marquée par des tensions entre les grandes puissances de la planète. C’est le cas des relations actuelles entre les Etats-Unis et la Chine, qui sont marquées par un lourd contentieux tant sur le plan politique qu’économique.

Sur le plan politique, la visite du Président Obama en Chine en Novembre 2009 n’a pas donné lieu à des gestes de bonne volonté de la Chine, et le discours d’Obama devant des étudiants chinois a été même boycotté par la télévision chinoise. Mais c’est surtout au début de cette année 2010, que les difficultés ont commencé à apparaître. Il s’agit tout d’abord de la décision de vente d’armes américaines à Taiwan. On sait que cette ile est revendiquée par la Chine, qui condamne tout appui de l’étranger à ce territoire qu’elle considère comme le sien. Aussi, la Chine a-t-elle protesté et menacé de suspendre toute coopération militaire avec les Etats-Unis, et de s’en prendre aux entreprises américaines exerçant en Chine, et notamment Boeing pour ses ventes d’avions. Le deuxième contentieux concerne le Tibet, région de la Chine où les bouddhistes réclament une certaine indépendance vis-à-vis de la Chine. Le Dalai Lama, Chef spirituel des bouddhistes tibétains a reçu la promesse d’être reçu par le Président Obama lors de sa prochaine visite aux Etats-Unis qui débute le 16 Février 2010. Un autre contentieux est né à propos de la liberté d’Internet, du fait que le portail américain « Google » installé en Chine, a fait l’objet de censure de la part des autorités chinoises. Ce différend rejoint le problème plus général des droits de l’homme en Chine, où le régime communiste maintient une politique de non respect des libertés fondamentales. Pour compléter ce tableau du contentieux sino-américain, il faut citer le peu d’empressement de la Chine à aider la résolution du problème nucléaire tant en Iran qu’en Corée du nord. Enfin, le problème du changement climatique, où la Chine a fait très peu d’efforts à Copenhague pour s’engager à limiter ses émissions de gaz à effet de serre.



Sur le plan économique le contentieux entre les Etats-Unis et la Chine n’est pas moins lourd. Il faut rappeler que le déficit commercial des Etats-Unis vis-à-vis de la Chine a été de 208 milliards de $ en 2009. D’après les américains, ce déficit est en grande partie dû à la sous-évaluation de la monnaie chinoise (le yuan), qui permet aux exportations chinoises d’être très compétitives sur le marché américain. Alors qu’il était basé sur un panier de devises, le yuan a été indexé sur le dollar à l’été 2008, et subit en conséquence la dévaluation continuelle du dollar depuis cette date. Malgré les pressions américaines et européennes, la Chine refuse toute réévaluation du Yuan, et réplique que c’est grâce à un yuan stable, qu’elle a pu contribuer à la relance de l’économie mondiale en 2009. L’Occident n’en continue pas moins d’accuser la Chine de dumping, et a porté régulièrement plainte devant l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Les économistes américains estiment que les Etats-Unis ont perdu 1,4 millions d’emplois du fait de la politique de changes et de contrôle des capitaux de Pékin. Enfin, les Etats-Unis et l’Europe reprochent à la Chine le manque d’ouverture de son économie, notamment en matière de finance et de services. Ils menacent la Chine de mesures protectionnistes contre les produits chinois, et c’est dans ce cadre que le Président Sarkozy a proposé lors du dernier Forum économique mondial de Davos, l’instauration d’une taxe carbone pour non respect de l’environnement, qui vise particulièrement les produits chinois.



Tenant compte de ces éléments, peut on parler d’une vraie crise entre les Etats-Unis et la Chine, avec une possibilité d’escalade dangereuse ? Pour ma part, je ne le pense pas, car il y a une grande interdépendance entre les Etats-Unis et la Chine. Il ne faut pas oublier que la Chine finance le déficit américain, et se trouve depuis 2008 avec 585 milliards de $, la première nation détentrice des bons du trésor américain devant le Japon. Aussi bien les Etats-Unis que la Chine n’ont intérêt à une escalade dangereuse de leurs relations. De même, la Chine a besoin des entreprises occidentales et des marchés développés pour écouler ses produits. Elle n’a pas intérêt à aller trop loin, pour ne pas risquer des mesures protectionnistes de la part des Etats-Unis et de l’Europe. C’est pour cela qu’après cette montée de fièvre en ce début d’année 2010, il faut espérer qu’à moyen terme les relations entre les Etats-Unis et la Chine vont se normaliser. Tout le monde y a intérêt : l’économie mondiale, mais aussi les pays en développement qui reçoivent une aide substantielle aussi bien des Etats-Unis que de la Chine.

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