La Chine
Une ascension économique fulgurante
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Le 20 Mars 2017 a été inauguré par le Roi Mohammed VI un important investissement chinois dans la région de Tanger. Cet investissement est implanté à Ain Dalia et va couvrir une superficie de 2000 ha. Il va être réalisé par la société chinoise HAITE en partenariat avec BMCE Bank et la région Tanger-Tetouan-Al Hoceima. L’investissement au départ est de 1 MM de $ et va atteindre 10 MM de $ à terme dans dix ans. Cet investissement va procurer 100.000 emplois dont 90.000 en provenance de la région. Y seront implantées dans une décennie 200 compagnies chinoises dans les secteurs de l’automobile, l’aéronautique, les pièces de rechange, l’électrique, les textiles et les machines. L’investissement prévoit une zone industrielle, commerciale, et résidentielle avec une population de 300.000 habitants. La ville sera intelligente, c'est-à-dire respectant l’écologie, l’habitabilité, et profitant des innovations les plus évoluées. Cette ville sera reliée aux réseaux nationaux d’autoroutes et de chemin de fer. Il est prévu à terme un chiffre d’affaire de 15 MM de $, et des recettes de 300 M de $ en impôts et taxes. L’intérêt économique pour les sociétés chinoises qui vont s’implanter à Ain Dalia, provient de la stabilité politique de notre pays, des conditions favorables du Doing Business, et aussi du positionnement du Maroc qui se situe au carrefour de l’Europe, de la région Mena, et de l’Afrique Subsaharienne. Ceci d’autant plus que notre pays a signé de nombreux Accords de libre-échange avec l’Union européenne, l’Afrique Subsaharienne, la Turquie et l’Accord d’Agadir qui regroupe outre le Maroc, la Tunisie, l’Egypte et la Jordanie.
Cet important investissement au Maroc n’a été possible que par l’ascension fulgurante de l’économie chinoise. Cette économie n’a connu que des phases de stagnation pendant les trois décennies 1950 à 1970 dans le cadre de l’autarcie sous la présidence de Mao Tsé Toung. Après sa mort en 1976 et à partir des années 1980, Den Xiao Ping a lancé « l’événement économique chinois » qui a consisté à l’ouverture sur le marché, la modernité, la connaissance et la technologie. L’économie chinoise a connu une croissance supérieure à 10% pendant les trois décennies 1980 à 2000. Elle est devenue la principale source de la croissance mondiale avec d’importants excédents financiers notamment au niveau du commerce extérieur. Le modèle de développement pendant cette période était basé sur des salaires bas et sur l’exportation. La Chine a également contribué au développement des pays du Sud, dont notamment l’Afrique, du fait de ses importations de matières premières et de ses investissements colossaux. Pendant la période 1980-2015, la Chine a sorti un milliard de personnes de l’extrême pauvreté, et est devenue la deuxième puissance économique mondiale après les Etats-Unis. L’économie chinoise a bien résisté à la grave crise financière 2008-2009 en lançant un plan de relance gigantesque de 350 milliards de $. En 2016 quatre des cinq premières banques mondiales sont chinoises. Le XXIème plan quinquennal prévoit un doublement du PIB entre 2010 et 2020 pour atteindre 14.300 milliards de $ et 10.000 $ par habitant. Certains économistes prévoient que la Chine deviendra la première puissance économique mondiale en 2040.
Il faut cependant atténuer cette vision très optimiste de l’avenir de la Chine. Déjà du fait de la baisse de la demande mondiale, l’économie chinoise n’a connu qu’une croissance de 6,5% en 2016. De plus à partir de 2013, la Chine a changé de modèle de développement. Il est basé maintenant sur la hausse des salaires et le développement du marché intérieur au détriment de l’exportation. Sur le plan politique, un énorme défi conditionne l’avenir. La Chine pourra-t-elle maintenir indéfiniment un système communiste centralisé, alors que la classe moyenne se développe de plus en plus et qu’elle aura nécessairement des revendications de plus démocratie et de liberté. Cependant, on ne peut que saluer avec respect ce pays de plus d’un milliard d’habitants qui est passé du sous-développement au début du XXème siècle à la première puissance mondiale en ce début du XXIème siècle.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI