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Anniversaire de la Révolution islamique iranienne : Une dérive dictatoriale

Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

Le 11 Février 2010, l’Iran a fêté le 31ème anniversaire de la Révolution islamique. C’est en effet le 11 Février 1979, que l’Ayatollah Khomeiny de retour en Iran, a déclaré la fin de la monarchie des Pahlavi. La République islamique d’Iran est née le 1er Avril 1979, et a suscité un enthousiasme populaire extraordinaire, et de grands espoirs après la fin du régime dictatorial de Mohammed Reza Shah.

Cependant dès la promulgation de la Constitution de 1979, est apparue la nature réelle du nouveau régime. Il s’agit en fait de l’établissement d’une théocratie, où l’Etat est officiellement chiite, basé sur le concept (Velayet-e faqih) à savoir que le pouvoir émanant de Dieu réside entre les mains du Clergé. Certes la souveraineté populaire est reconnue, puisque la Constitution prévoit l’élection au suffrage universel du Président de la République, des députés, et des membres de « l’Assemblée des Experts ». Mais là où le bât blesse, c’est que toutes les personnes éligibles doivent obtenir au préalable l’autorisation des instances islamiques. Le pluralisme politique est donc interdit, et tous les candidats doivent appartenir aux factions islamistes. De plus, le Guide de la Révolution qui est en fait le Chef suprême de l’Etat, n’est pas élu au suffrage universel, mais par l’Assemblée des Experts pour une période indéterminée. Le Guide de la Révolution supervise la politique générale du pays, commande en Chef les armées, et peut démettre de ses fonctions le Président de la République. Ce dernier est élu au suffrage universel pour une durée de quatre ans, renouvelable une fois. Mais les candidats à la présidence doivent être autorisés à se présenter par le Conseil des Gardiens de la Révolution. Le pouvoir législatif appartient au Majless, composé de 290 membres élus pour quatre ans au suffrage universel, mais dont les candidats doivent être également autorisés par le Conseil des Gardiens de la Révolution. Le Guide de la Révolution nomme le Chef du pouvoir judicaire, qui nomme à son tour le Chef de la Cour Suprême et le Procureur Général. Pour compléter le tableau du système politique en Iran, il faut noter le dédoublement de tout l’appareil de l’’Etat par des structures révolutionnaires, dépendant directement du Guide de la Révolution. Le dédoublement concerne l’armée, la justice, et les pouvoirs locaux des provinces.



La pratique de la République islamique d’Iran a été marquée par deux Guides de la Révolution : Khomeiny de 1979 à 1989, et Ali Khamenei de 1989 à ce jour. Elle a été également marquée par cinq Présidents dont deux Réformateurs Hachmi Rafsandjani (1989-1997) et Mohammed Khatami (1997-2005). Les autres Présidents ont été des conservateurs, dont Mahmoud Ahmadinejad, ultra conservateur élu en 2005 et réélu en 2009. La République islamique a été marquée également par la douloureuse et inutile guerre Irak-Iran qui a duré huit ans (1980-1988), et qui a causé des milliers de morts de part et d’autre. Les deux Présidents réformateurs ont tenté de libérer et d’ouvrir le système politique iranien, mais n’ont pas réussi sous les coups de butoir des conservateurs.



Aussi le pays vit dans une situation où sont gravement atteint les Droits de l’homme. Selon Amnesty International, l’Iran est le pays avec le plus fort taux d’exécutions sommaires, où les tortures et viols sont monnaie courante, où la liberté d’expression est restreinte tant au niveau de la presse écrite qu’au niveau des médias audio-visuels. Les femmes sont obligées de porter le voile, et doivent obtenir l’autorisation de leur mari pour travailler ou pour voyager à l’étranger. Les jeunes de leur côté subissant des contraintes morales, ont peu de perspectives d’avenir, et souffrent du chômage.



La politique étrangère de la République islamique d’Iran est basée sur trois principes : l’opposition systématique aux Etats-Unis et Israël, la promotion du pays en tant que puissance régionale, et le rapprochement avec les pays émergents : Inde, Chine, Russie. L’opposition aux Etats-Unis est maintenue malgré la main tendue du Président Obama, qui tente de réconcilier le monde musulman avec les Etats-Unis. Quant aux menaces répétées de destruction de l’Etat d’Israël, elles donnent un argument au gouvernement ultra-conservateur israélien pour se positionner en tant que victime, et réclamer aux occidentaux une attaque militaire contre l’Iran, ou du moins l’aggravation des sanctions. Pour atteindre leurs objectifs, les dirigeants iraniens tentent d’exporter la révolution hors de leurs frontières, en soutenant moralement et matériellement les mouvements chiites au Liban (Hizbollah), en Palestine (Hamas), mais également en Irak, à Bahreïn, en Arabie Saoudite, en Afghanistan, et même en Algérie et au Maroc. D’ailleurs, le Maroc a dû rompre ses relations diplomatiques avec l’Iran le 8 Mars 2009, suite à la revendication en tant que province iranienne de Bahreïn par un haut dirigeant iranien, et du fait de l’activisme de l’Ambassade d’ Iran à Rabat. L’autre moyen d’asseoir sa puissance régionale, est la volonté de l’Iran de se doter de la puissance nucléaire. C’est ainsi que le Président Ahmadinejad a déclaré le 11 Février 2010 que l’Iran est devenu « une nation nucléaire », et qu’il a décidé de tripler sa production d’uranium enrichi à 3,5 %, et d’entamer l’enrichissement à 20 %. Pour se rapprocher des pays émergents, surtout la Chine, l’Iran multiplie les concessions et les livraisons de pétrole et de gaz.



L’Iran est en effet le quatrième producteur de pétrole du monde et le deuxième exportateur de l’OPEP. Il est le sixième producteur de gaz naturel du monde, et possède les plus grands réserves après la Russie. Cependant malgré ces richesses, l’économie iranienne n’est pas prospère, du fait de la forte intervention de l’Etat, de structures commerciales inefficientes, et de la prédominance du secteur pétrolier et gazier. C’est ainsi que le secteur agricole ne couvre que 10 % du PIB, que l’industrie manque cruellement de raffineries, ce qui oblige le pays à importer un tiers de ses besoins en carburants. Le secteur tertiaire souffre d’une baisse de tourisme, et le secteur financier d’une modernisation insuffisante. D’énormes ressources budgétaires, au lieu d’être consacrées au développement économique et social, sont affectées aux dépenses militaires pour les importations et la production de matériel militaire (hélicoptères, blindés, missiles). Le budget de défense de l’Iran a été estimé à 5 milliards de $ en 2003.



Le plus grave dans cette situation, est la radicalisation du régime après la réélection en Juin 2009 de Mahmoud Ahmadinejad. En effet, cette réélection a été contestée, et de grandes manifestations ont eu lieu tant à Téhéran que dans les autres villes du pays. Elles ont été réprimées avec violence par les autorités et les milices gouvernementales, qui ont procédé à des milliers d’arrestations. Le point d’orgue de cette détérioration du système politique iranien, a été la pendaison le 28 Janvier 2010 de deux jeunes opposants au régime après un simulacre de procès. Il est à craindre que le régime iranien pour se maintenir, ne glisse vers une véritable dictature, et que les espoirs nés de la Révolution de 1979 soient totalement déçus. Les pays Arabes et musulmans doivent réfléchir à l’exemple de l’Iran, et se prémunir contre les mouvements islamistes radicaux, qui tentent de s’emparer du pouvoir pour établir une République islamique à l’image de celle de l’Iran.

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