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Le Statut Avancé Maroc-Union Européenne : Quel diagnostic à la veille du Sommet de Grenade ?

Par Jawad Kerdoudi

Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

Le Maroc a une longue coopération avec l’Union européenne, qui a débuté en 1969 par l’Accord Commercial, suivi en 1976 par l’Accord de Coopération, et en 1996 par l’Accord d’Association. Le Maroc a également adhéré en 2004 à la Politique Européenne de Voisinage, et a obtenu en Octobre 2008 le Statut avancé. Ce statut permet au Maroc de bénéficier de toutes les attributions d’un pays membre, sauf la participation aux institutions politiques de l’Union européenne. L’objectif recherché étant l’accès à terme du Maroc au marché unique européen. Les moyens pour atteindre cet objectif sont : un dialogue politique renforcé, un appui à la modernisation de l’économie marocaine, et une assistance financière notamment par l’appui aux réformes structurelles. Quel bilan peut-on faire après une année d’existence du Statut avancé ?



Les programmes concrets lancés en 2009 pour un budget de 290 millions d’euros ont concerné les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’énergie, la mise en œuvre de l’Accord d’Association, l’appui aux recommandations de l’IER, les investissements et exportations, et enfin l’appui au tramway de Rabat. Sur ce programme 204 millions d’euros ont été décaissés par l’Union européenne, dont 136 millions pour l’appui aux réformes, et 68 millions pour des projets plus classiques, dont les routes et le tramway de Rabat. On ne peut que se féliciter de ces réalisations qui placent le Maroc comme premier partenaire du voisinage de l’Union européenne, et celui qui reçoit le plus d’assistance financière des pays du Sud de la Méditerranée. Mais l’année 2009 n’a été que la continuité des années précédentes, sans une véritable avancée de la coopération entre le Maroc et l’Union européenne. En fait le Statut avancé n’est qu’une Feuille de route, et beaucoup d’efforts doivent être faits par le Maroc et par l’Union européenne pour concrétiser les objectifs ambitieux qui ont été fixés.



Le Maroc doit accélérer les réformes politiques, économiques et sociales. D’ailleurs, Monsieur Eneko Landáburu, le nouveau Chef de la Délégation de l’Union européenne à Rabat a déclaré « Le Statut avancé entre le Maroc et l’Union européenne présente des perspectives intéressantes et ambitieuses, mais cela exige du Maroc d’importants changements ». Il a émis des demandes pressantes pour la mise en place de structures organisationnelles de suivi et d’analyse, sur la convergence réglementaire et normative de l’acquis communautaire. En fait, c’est là la clé de la réussite du Statut avancé. En se rapprochant le plus possible de l’acquis communautaire, le Maroc pourra bénéficier d’une assistance technique et financière accrue de la part de l’Union européenne. Il pourra surtout, à l’instar des pays de l’Est de l’Europe, qui ont intégré l’acquis communautaire dans leur législation, attirer un maximum d’investissements privés européens. Car en effet, ce qui a fait la prospérité récente de la Pologne, la République Tchèque ou la Hongrie, ce sont principalement les investissements ouest-européens dans ces pays, après leur adhésion à l’Union européenne. Par l’intégration de l’acquis communautaire, le Maroc pourra également accéder au marché intérieur européen.



L’Union européenne de son côté, pour donner un contenu concret au dialogue politique, doit renforcer son appui au Maroc concernant la question du Sahara. Elle doit en outre accroitre son aide financière au Maroc, à la fois pour mettre en œuvre les réformes structurelles, et pour développer ses régions défavorisées. L’Espagne a reçu plus de 100 milliards d’euros de fonds structurels pendant la période 1993-2006 soit en 13 ans, alors que le Maroc n’a reçu que 2,5 milliards d’euros en 30 ans (1976-2006). Il faudrait également dans la future coopération Maroc-Union européenne, privilégier davantage les secteurs sociaux, qui sont les véritables leviers du développement, à savoir l’éducation et la santé. Des efforts doivent également être faits par l’Union européenne conjointement avec le Maroc, pour promouvoir davantage d’investissements européens au Maroc. Plus généralement, la région sud-méditerranéenne ne reçoit que 3 % des investissements mondiaux (1,5 % si on exclut la Turquie et Israël).



La coopération entre le Maroc et l’Union européenne ne peut produire tous ses effets sans une plus grande mobilité des personnes. Aussi, est-il nécessaire de revoir le système de visas pour faciliter la circulation des personnes venant du Maroc, pour donner un sens au Statut avancé. L’immigration entre le Maroc et l’Union européenne doit également être gérée d’une façon concertée et non choisie. Il est inconcevable que l’Europe puisse choisir les meilleurs éléments dont le Maroc a justement un grand besoin. Enfin, il faudrait faire ratifier rapidement l’Accord qui vient d’être signé concernant les produits agricoles, et surtout apporter un appui substantiel à la modernisation de l’agriculture marocaine dans le cadre du Plan Vert. Quant à la libération des services, elle doit être concertée et progressive, le tissu marocain des services est encore fragile, et ne pourrait supporter une ouverture brutale.



En conclusion, l’orientation stratégique du Maroc vers l’Europe est bénéfique pour notre pays. Son renforcement permettra au Maroc d’avancer dans le progrès et la modernité. Mais, les rapports entre le Maroc et l’Union européenne doivent connaître dans les années à venir un saut qualitatif, à même de donner un contenu réel au Statut avancé. Toutes ces questions de fonds doivent être soulevées lors du prochain Sommet Maroc-Union européenne qui aura lieu le 7 Mars prochain à Grenade.

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