Responsabilité et reddition des comptes : A quand l’application du principe ?
Par Abdelhafid OUALALOU Vice-Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Le discours royal du 29 juillet 2017 de la fête du Trône a été un discours de vérité, évoquant la situation politique actuelle, l’action des partis et surtout les dysfonctionnements de notre administration malade de sa bureaucratie, de ses procédures lourdes et complexes et de son coût très élevé par sa masse salariale et ses avantages.
La réforme administrative a été et demeure depuis toujours une urgence comme celle de la justice, du système éducatif et de santé et ce malgré plusieurs tentatives de réformes administratives et du statut de la fonction publique. Le Souverain avait appelé à plusieurs reprises cette réforme dans ses discours et même devant le parlement en demandant aux députés de traduire cela dans une Charte de la décentralisation et de la déconcentration ainsi que la mise en œuvre de la régionalisation avancée annoncée depuis 2013.
Et dont les textes d’application tardent à venir surtout ceux relatifs aux budgets de la région. Il convient de revoir le mode de recrutement des fonctionnaires, leur formation continue et mesures de leur motivation afin de renforcer les compétences de l’administration marocaine qui doit servir le citoyen et non l’inverse. Le statut du fonctionnaire à vie est révolu.
Contrôler, évaluer, informer...
Il devient urgent de renforcer les mécanismes de contrôle, d’évaluation des politiques publiques par le parlement et par la société civile de façon régulière et d’informer l’opinion publique de ses résultats et de ses enquêtes sur des dysfonctionnements au niveau de la gestion de la chose publique et des dépenses publiques et même de prévoir des sanctions selon la loi et de la constitution 2011 qui stipule le principe de lier la responsabilité à la reddition des comptes.
Il serait nécessaire de renforcer les pouvoirs de la Cour des comptes au niveau national et régional et la doter de moyens humains et logistiques afin de veiller au respect de la loi pour la bonne maîtrise des dépenses publiques. Comme il serait nécessaire de renforcer les prérogatives des institutions de la bonne gouvernance que stipule la constitution, en premier celle de la lutte contre la corruption et la concurrence déloyale.
Dans son discours, SM le Roi a même parlé de trahison pour ceux qui bloquent les projets par manque de responsabilité et d’esprit civique. Heureusement, la majorité de nos fonctionnaires accomplissent leurs missions avec honnêteté et abnégation même dans des conditions difficiles comme par exemple chez les enseignants et les professionnels de santé. Il est temps de motiver les meilleurs en améliorant leurs situations matérielles tout en rendant obligatoire leur formation continue pour accompagner le Maroc numérique.
Pour en finir avec le clientélisme, il serait nécessaire de procéder différemment pour les nominations des hauts fonctionnaires, des ambassadeurs et des directeurs d’entreprises publiques. Ces choix doivent répondre à des critères de compétences et d’intégrité et non à des calculs et intérêts partisans. Aussi faudrait-il ouvrir ces candidatures aux compétences de la société civile et aux jeunes diplômés des universités et écoles supérieures.
Transparence financière
SM le Roi avait aussi manifesté son inquiétude quant à l’action politique en pointant du doigt des partis politiques, ceux qui ont brillé par leur absence dans l’encadrement des populations comme le stipule la Constitution. Les événements surtout à Al Hoceïma ont bien montré cette incapacité.
Une réforme de la Constitution 2011 serait souhaitable pour combler certaines lacunes observées et clarifier davantage les prérogatives du gouvernement ainsi que les conditions de sa formation dans des délais réglementés pour éviter tout blocage.
Pour gagner la confiance des jeunes dans les institutions représentatives, des partis et dans les différents processus électoraux, il convient aussi de respecter et de renforcer l’indépendance des partis dans leur prise de décisions politiques comme dans toute construction d’alliance gouvernementale ou autres.
L’indépendance réelle des partis vis-à-vis des centres de décisions politiques, comme de certains lobbying suppose aussi une transparence financière des partis comme des ONG qui reçoivent des subventions publiques pour leur fonctionnement comme pour les campagnes électorales.
Le citoyen doit être au centre de tout projet de développement social et durable et de toutes les politiques publiques. L’administration doit être à son service et non le contraire.
Le changement des mentalités rétrogrades au sein de notre société incombe en premier à notre système éducatif qui doit former des générations nouvelles capables de construire le Maroc émergent de demain sans oublier le rôle des médias, de la société civile et des partis. Une révolution culturelle pacifique est à l’ordre du jour pour changer ces mentalités archaïques et pour promouvoir une culture de citoyenneté et de respect des lois par tous.
Tourner la page de l’impunité
Dans son discours, le Souverain a rappelé que le citoyen doit être au cœur des projets sociaux qui ne doivent plus servir des intérêts partisans ou électoraux et que ceux qui sont incapables d’assumer leurs responsabilités doivent démissionner. Il faudra donc tourner la page de l’impunité. La commission d’enquête créée par le Roi pour investiguer sur les manquements de certains ministres, élus et responsables administratifs concernant les projets bloqués ou inachevés sera amenée à publier ses résultats et ses conclusions afin de définir les responsabilités de chacun.
Rupture avec la gouvernance actuelle
La réforme du code électoral est une condition indispensable pour le choix des candidats aux élections locales, régionales et législatives sur la base de la compétence, de l’intégrité et de la disponibilité en mettant fin aux candidats opportunistes et sans compétence. Ce nouveau code qui mettra fin au cumul des responsabilités en clarifiant les incompatibilités entre les fonctions de chef de parti et de ministre ou de maire des grandes villes. Aussi, au nom de l’égalité des chances il serait utile de supprimer les fameuses listes nationales des femmes et des jeunes pour mettre fin au clientélisme dans les partis.
Il serait également utile de réduire de moitié le nombre des membres de la chambre des députés comme cela a été décidé dans la constitution pour la chambre des conseillers fixé à 120 membres en veillant à plus de coordination et de complémentarité entre les deux chambres. Ces réformes constitutionnelles nécessitent la rupture dans la gouvernance actuelle responsable de nombreux déficits sociaux et de dysfonctionnement de notre administration héritée du passé.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI