Discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne
Un projet pour l’Europe très ambitieux
Par Jawad KERDOUDI, Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Le 26 Septembre 2017, Emmanuel Macron a prononcé à la Sorbonne un important discours intitulé « Initiative pour l’Europe : Pour une Europe souveraine, unie, démocratique ».
Le Président français propose une refondation de l’Union européenne basée sur six propositions. La première concerne les problèmes sécuritaires, du fait de l’accroissement du terrorisme en Europe. Les mesures préconisées sont la création d’une Académie européenne du renseignement et d’un parquet européen, ainsi que le renforcement de la lutte contre le financement et la propagande du terrorisme. Au niveau de la défense de l’Europe, et vu le désengagement des Etats-Unis, il propose la mise en œuvre d’une capacité autonome de défense devant aboutir à terme à un budget commun de défense.
La seconde proposition concerne les questions de souveraineté liées à la crise migratoire. Il explique cette crise par les inégalités profondes dues à la mondialisation, marque son accord pour accueillir ceux qui ont droit à l’asile, en les formant et en les intégrant dans la société d’accueil, mais en renvoyant les autres. Il préconise la maîtrise des frontières de l’Europe grâce à une police spécifique à cet effet. Mais il reconnaît que la réduction de la migration ne pourra se faire que par la stabilisation et le développement des pays d’origine. Dans ce sens, il considère que la politique étrangère doit donner la priorité à la Méditerranée, et que la France et l’Europe devront augmenter l’aide au développement aux pays émetteurs de migrants. Il considère comme troisième proposition que l’Afrique doit être un partenaire stratégique, avec une collaboration plus importante avec la société civile de ce continent, en ce qui concerne l’éducation, la santé et l’énergie.
La quatrième proposition concerne la transition écologique qui doit selon lui aboutir à un changement de modèle de la société. Il considère que l’Europe doit être à l’avant-garde en établissant notamment un prix du carbone pas moins de 25 à 30 € la tonne. Il préconise de favoriser les interconnexions entre pays européens avec un soutien aux véhicules propres. Il insiste également sur la sécurité et la souveraineté alimentaire, ainsi qu’une révision de la politique agricole commune qui doit permettre de faire vivre dignement les agriculteurs de leur revenu en les protégeant contre les aléas du marché.
La cinquième proposition concerne le numérique qui va entraîner une transformation profonde de l’économie et de la société. L’Europe doit prendre la tête de cette révolution par l’innovation totale et attirer des talents du numérique. Il préconise la création d’une Agence européenne pour l’innovation radicale, qui doit faire des recherches dans des domaines nouveaux comme l’intelligence artificielle. Il considère que le numérique n’a pas de normes et propose que l’Europe d’en définir le cadre de régulation. Les règles à définir doivent protéger les libertés individuelles et le respect du secret. Il propose de taxer les acteurs du numérique là où la valeur est créée, ainsi que les entreprises qui s’implantent hors de l’Europe dans le seul but d’échapper à l’impôt. La politique du numérique doit également avoir pour but de défendre les droits d’auteur.
La dernière proposition du Président Macron est de faire du cœur de l’Europe une puissance économique et industrielle autour de la monnaie unique l’euro, afin de faire concurrence à la Chine et aux Etats-Unis. Le but principal est la création d’emplois surtout pour les jeunes qui pâtissent d’un chômage de 20%. Pour cela la France a entamé des réformes importantes depuis sa présidence, et l’Europe a besoin d’un budget plus fort dans la zone euro. Les ressources de ce budget pourraient provenir des taxes européennes dans le domaine numérique ou environnemental, ainsi qu’une partie de l’impôt sur les sociétés. Le Président Macron propose un ministre des finances commun pour la zone euro, ainsi qu’une contrôle parlementaire exigeant. Il admet que l’Europe puisse évoluer à plusieurs vitesses, et que l’euro pourrait devenir la monnaie de tous les Etats de l’Union s’ils remplissent les critères.
En conclusion, Emmanuel Macron propose une vision globale et ambitieuse pour l’Europe. Cependant cette vision sera très difficile à mettre en œuvre, surtout que les dernières élections législatives allemandes n’ont pas donné à la Chancelière Merkel les coudées franches pour adopter toutes les propositions du Président français, sans parler des autres membres plus sceptiques de l’Union européenne. Les éléments positifs du discours du Président Macron en ce qui nous concerne sont l’engagement de former et d’intégrer les bénéficiaires du droit d’asile, de donner la priorité à la Méditerranée en politique étrangère, et de considérer l’Afrique comme un partenaire stratégique de l’Europe.
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