Donald TRUMP
Un Président Transgresseur
Par Jawad KERDOUDI, Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Le 21 Janvier 2018 Donald Trump a achevé sa première année à la présidence des Etats-Unis. Tout au long de 2017, il s’est avéré un président transgresseur tant sur le plan interne qu’externe. Ce président atypique s’est livré à des attaques tous azimuts, des insultes personnelles, des affabulations. Le Washington Post a compté 2000 déclarations mensongères à ce jour. Tout cela s’est fait à partir de Tweets quasi-quotidiens, et a fait baisser sa côte de popularité à 32%. Le parti républicain dont il fait partie ne le soutient qu’à 80%, alors que 90% des démocrates sont contre lui. Son action a fracturé politiquement les Etats-Unis.
Malheureusement, il ne se contente pas de paroles mais les fait suivre d’actes. Il s’est d’abord attaqué à « l’Etat profond » concentré à Washington. Son objectif est de rétrécir le gouvernement fédéral en réduisant le nombre de fonctionnaires, en supprimant 19 agences fédérales, et en laissant vacant plusieurs postes de direction administrative. Quant aux candidats qu’il présente, leur profil est le plus souvent idéologique et ne répond pas aux compétences nécessaires. C’est ainsi que la rotation des effectifs de la Maison blanche est de 34%, soit trois fois plus que la norme de ses prédécesseurs. Le budget qu’il a proposé au Congrès préconise des coupes drastiques dans tous les postes avec trois exceptions : la défense, la sécurité intérieure et les anciens combattants. Il ne croit pas au changement climatique, en conséquence l’Agence de protection de l’environnement EPA a perdu 31% de ses crédits et doit licencier 3200 personnes soit 20% de ses effectifs. Toutes ces mesures ont rendu l’Administration américaine bancale et démoralisée.
Le second front attaqué par Donald Trump est la dérégulation pour « libérer la capitalisme de ses chaînes ». Il a ordonné au gouvernement de supprimer le maximum de contraintes afin de réduire les formalités et les contrôles. La dérégulation affecte plus particulièrement les domaines de l’énergie, de la protection sociale, et de la sécurité au travail. C’est ainsi qu’a été annulé le Clean Power Act pierre angulaire de la lutte contre la pollution, notamment celle des centrales électriques à charbon. Une autre décision a permis de rouvrir une grande partie des parcs nationaux et des eaux territoriales à l’exploitation d’hydrocarbures. Non seulement la vente d’armes reste librement autorisée, mais il a annulé un projet de loi consistant à inscrire sur un fichier national les personnes traitées pour maladie mentale afin de mieux les contrôler.
Le troisième front de Donald Trump consiste à s’attaquer au Département de la justice qui joue un très grand rôle aux Etats-Unis. Il a pu installer un juge conservateur à la Cour Suprême, et a nommé 73 autres juges fédéraux dont 22 ont été confirmés. Cette initiative a été prise par se venger du pouvoir judiciaire, qui avait cassé plusieurs décrets, notamment concernant l’interdiction de visas aux ressortissants des pays musulmans. Donald Trump veut des juges favorables à un ordre social traditionnel, au droit d’être armé, à « la sacralité de la vie » plutôt qu’à la liberté d’avorter, et à un contrôle plus sécurisé de l’immigration.
Les transgressions de Donald Trump ont été également nombreuses en politique étrangère. Il se positionne nettement contre la mondialisation. C’est ainsi qu’il s’est retiré de l’Accord de partenariat pacifique (TPP), a stoppé les négociations commerciales Etats-Unis/Europe, a renégocié l’Alena avec le Canada et le Mexique, et a menacé de retirer les Etats-Unis de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). L’immigration n’est pas en reste, puisqu’il a interdit l’entrée des réfugiés aux Etats-Unis ainsi qu’aux citoyens de six Etats musulmans, et veut construire un mur à la frontière mexicaine. Donald Trump a retiré les Etats-Unis de l’Unesco et de l’Accord de Paris concernant le changement climatique, et menace de dénoncer l’Accord sur le nucléaire iranien. Il exerce un chantage sur le plan de l’aide financière américaine à tous les Etats qui ne se plient pas à ses décisions, notamment au niveau de l’ONU. Ce fût le cas ou il a reconnu unilatéralement Jérusalem comme capitale d’Israël. C’est ainsi qu’il a réduit la cotisation financière des Etats-Unis à l’ONU et à la Palestine au travers l’UNRWA. Suite à ses lancements de fusées balistiques, Donald Trump a menacé de détruire entièrement la Corée du Nord.
Quelle évaluation peut-on faire de la politique menée par Donald Trump à l’issue de sa première année de présidence des Etats-Unis ?
Il est incontestable que cette politique a considérablement réduit le prestige dans le monde des Etats-Unis, qui ne jouissent plus du rôle de leadership sur la planète. Cette politique a permis aux autres puissances : la Chine, la Russie et l’Union européenne de renforcer leur influence sur la scène internationale. Il faut cependant reconnaître que la réforme fiscale qu’il a fait adopter par le Congrès, la déréglementation et le démantèlement progressif du régime de santé, ont effectivement relancé l’embauche, les hausses de salaires et de pouvoir d’achat, ainsi que l’investissement. Dans ces conditions, il est difficile de prévoir l’avenir de Donald Trump pour le reste de son mandat, ou pour sa réélection pour un second mandat. Les élections législatives de mi-mandat en Novembre 2018 constitueront un test révélateur.
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