Résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU
Pour une trêve humanitaire en Syrie.
Par Jawad KERDOUDI, Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Sur la proposition de la Suède et du Koweït, le Conseil de Sécurité de l’ONU a adopté le 24 Février 2018 une résolution après trois jours des négociations acharnées, pour que toutes les parties en Syrie cessent les hostilités sans délai au moins 30 jours consécutifs en vue d’une pause humanitaire durable.
Rappelons que le conflit syrien a débuté en Mars 2011 dans le contexte du Printemps arabe par des manifestations majoritairement pacifiques en faveur de la démocratie contre le régime bassiste dirigé par le Président Bachar Al Assad. Réprimé brutalement par le régime, le mouvement de contestation se transforme peu à peu en une rébellion armée. De nombreux belligérants participent au conflit : l’opposition politique syrienne en exil, l’armée syrienne libre, les brigades islamistes sunnites. Les mouvements rebelles sont soutenus par les pays du Golfe et l’Occident. Le régime syrien bénéficie quant à lui de l’appui du Hizbollah, des brigades chiites ainsi que du soutien militaire de l’Iran et de la Russie. A ces forces s’ajoutent les kurdes et les salafistes jihadistes représentés principalement par le Font Al Nosra branche syrienne d’Al Qaida et l’Etat islamique. Ce dernier entre en guerre contre tous les autres belligérants à partir de 2014 et devient la cible d’une campagne de frappes aériennes effectuées par une coalition arabo-occidentale menée par les Etats-Unis.
En son prolongement dans le temps, le conflit syrien est devenu à la fois une guerre civile, une guerre confessionnelle et une guerre par procuration. Le bilan humain est très lourd : 500.000 morts, des attaques à l’arme chimique, de nombreux massacres, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. On déplore également entre 70.000 et 200.000 personnes disparues dans les prisons de régime, tandis que la moitié de la population a été déplacée et que entre cinq et six millions de Syriens ont fui le pays.
Le conflit syrien n’a pas trouvé à ce jour de solution ni politique ni militaire, du fait du grand nombre de belligérants et des intérêts des puissances impliquées notamment la Russie qui soutient inconditionnellement le régime de Bachar Al Assad.
Pour revenir à la résolution du Conseil de sécurité de 24 Février 2018, encore faut-il qu’elle se concrétise sur tout le territoire syrien et en particulier dans l’enclave rebelle de la Ghouta orientale dont le 400.000 habitants sont soumis à un déluge de feu de la part du régime syrien ayant fait 500 morts. D’où le scepticisme de diplomates qui considèrent la résolution comme une première étape, et que le texte n’a rien d’un accord de paix puisqu’il est purement humanitaire. Ceci d’autant plus que la Russie a mis beaucoup de conditions pour ne pas exercer son droit de véto. C’est ainsi qu’elle a obtenu que le début de la trêve n’intervienne plus dans les 72 heures mais « sans délai ». Cette formulation peut laisser le temps au régime syrien de terminer son offensive militaire sanglante sur la Ghouta orientale. L’objectif de cette résolution qui est à caractère humanitaire est de permettre la livraison régulière d’aides humanitaires, de services, et l’évacuation des malades et des blessés. Les deux principales factions rebelles de la Ghouta orientale ont soutenu l’adoption de la résolution et ont promis de protéger les convois humanitaires. La résolution doit permettre l’acheminement de l’aide à 5,6 millions de Syriens en situation d’urgence.
On ne peut que déplorer que malgré la résolution du 24 Février 2018 du Conseil de sécurité, l’armée syrienne a continué ses attaques contre la Ghouta orientale. Le conflit syrien est devenu inextricable et il faudra beaucoup de temps et d’efforts pour ramener la paix dans ce pays meurtri.
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