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Où va le Maroc politique ?

Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)


Notre confrère le Centre Lahcen Lyoussi a organisé Vendredi dernier à Casablanca une Conférence-Débat sous le thème « Le Maroc politique en questions » à laquelle j’ai eu l’honneur d’assister. Etaient invités les leaders des neuf partis politiques les plus importants, ainsi qu’une Association de la société civile. Les débats fûrent très animés et les opinons exprimées avec beaucoup de liberté et de sincérité. Le constat général est que si le Maroc a fait durant la dernière décennie de très grandes avancées sur le plan économique, sur le plan politique le bilan est très mitigé. Certes, des progrès ont été réalisés concernant la régularité et la transparence des élections, le champ des libertés publiques s’est considérablement élargi, les droits de l’homme sont mieux respectés, et les Associations se sont multipliées. Mais la très faible participation des citoyens aux élections, montre une désaffection de la société marocaine vis-à-vis du politique. L’impression partagée par l’ensemble des participants, est que le Maroc n’a pas réussi jusqu’à maintenant sa transition démocratique.

Aussi bien les intervenants que l’assistance se sont préoccupés des raisons de cette situation. Le champ politique marocain a été pris à partie en premier lieu. D’abord le nombre des partis politiques : plus d’un trentaine. Le comportement des responsables politiques a été également critiqué : l’achat de voix, l’absentéisme au Parlement, la transhumance d’un parti vers un autre, la recherche du profit personnel au lieu de l’intérêt général, l’absence de relève des leaders historiques par les jeunes, enfin les alliances contre-nature. Le mode d’élection a été également critiqué dans la mesure où il ne permet pas l’éclosion d’une majorité gouvernementale cohérente. Cette situation est aggravée par la nomination de ministres technocrates qui n’appartiennent à aucun parti, ou qu’on intègre pour la bonne cause dans un parti politique. A été également mentionné le non respect par certains partis de la loi sur les partis politiques, et le rôle encore trop important de l’argent et du trafic d’influence dans les campagnes électorales. Ce qui fait qu’un cadre marocain, même de très haut niveau, n’a aucune chance de remporter une élection. Ce qui repose le problème de financement des partis politiques. D’autres critiques ont été portées contre les candidats qui sont présentés par certains partis politiques, et qui sont parfois de faible moralité, sinon des mafieux. Les moyens audio-visuels publics ont été également critiqués, dans la mesure où ils ne se sont pas ouvert sur la population, et restent régis par des méthodes et des orientations surannées. L’ensemble de l’assistance à cette conférence a jugé que la situation est dangereuse pour l’avenir du pays, et qu’il est indispensable d’effecteur des réformes avant les prochaines élections législatives de 2012, qui vont être fondamentales. Que faire alors ?



Comme les autres pays qui ont réussi leur transition démocratique, il faut une approche globale, et ne pas porter la responsabilité uniquement sur les partis politiques. L’Etat doit manifester par des actes concrets sa volonté de démocratisation du système politique marocain. La mesure fondamentale à prendre est la réforme du mode d’élections, qui doit permettre l’éclosion d’une majorité forte, et la marginalisation des petits partis politiques. C’est ce qui s’est passé en Espagne, où deux partis politiques le PSOE, et le Parti Populaire se sont octroyés plus de 80% des voix. L’Etat doit également s’engager à former un gouvernement politique issu des élections.



Les partis politiques doivent également se réformer, et changer complément leur comportement s’ils veulent s’assurer une nouvelle crédibilité. Ils ne doivent présenter comme candidats aux élections, que des personnes en dehors de tous soupçons, et doivent exclure du parti tout membre ayant failli. La transhumance entre partis doit être interdite, et l’absentéisme au Parlement lourdement sanctionné. Les vieux leaders des partis doivent laisser la place aux jeunes. Les partis politiques doivent se doter de programmes électoraux précis et chiffrés, et ne pas se contenter de considérations générales. Cette condition doit être obligatoire pour participer aux élections. L’Etat doit assurer des élections transparentes et propres, en ne se contentant pas d’être spectateur, mais en sanctionnent durement tout usage de l’argent et du trafic d’influence. La loi sur les partis politiques doit être intégralement appliquée. Le financement des partis publics doit être révisé, afin de permettre à des cadres désargentés de se présenter aux élections avec quelque chance de succès. Les moyens audio-visuels publics doivent être réformés, s’ouvrir plus largement sur la société, et prendre part longtemps à l’avance à la préparation des élections, en organisant notamment des débats contradictoires. Enfin, la presse doit être dotée d’un nouveau Code qui garantit sa liberté et fixe ses responsabilités.



En conclusion, le Maroc a réussi cette dernière décennie un décollage économique que tout le monde reconnaît. Il lui reste à parachever sa transition démocratique, d’autant plus qu’il a obtenu le Statut avancé de la part de l’Union européenne. L’instauration de la démocratie ne peut se faire sans une approche globale de tous les acteurs de la vie sociale : l’Etat, les partis politiques, et la société civile. Seule la démocratie peut assurer l’avenir de notre monarchie constitutionnelle à laquelle tout le pays adhère. Puisse le temps qui nous sépare de 2012 être utilisé à bon escient pour parvenir à ce noble objectif.



CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI

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