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Le Sommet des BRICS à Johannesburg
L’économie mondiale à la croisée des chemins.

Par Jawad KERDOUDI
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)


Rappelons tout d’abord que les BRICS sont un groupe de cinq pays : Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud. Ce groupe ne comprenait que les quatre premiers pays en 2009, et a été rejoint par l’Afrique du Sud en 2011. Les BRICS pèsent actuellement 45% de la population de la planète, près de 25% de sa richesse, et les deux tiers de sa croissance. Depuis 2011, les BRICS se réunissent en Sommets annuels. Le dixième Sommet a eu lieu à Johannesburg du 25 au 27 Juillet 2018 avec pour thème la croissance inclusive et la prospérité partagée.



C’est surtout le contexte de guerre commerciale lancée par le Président américain Donald Trump qui a donné le ton à ce Sommet. Les dirigeants des BRICS sont déterminés à s’entendre sur une coopération accrue dans un environnement économique international perturbé. En effet, après l’émergence d’un monde multipolaire et le fiasco occidental du dernier G7, l’offensive du Président Chinois XI Jinping est frontale en accusant les Etats-Unis de déstabiliser l’ordre mondial, et en déclarant « qu’une guerre commerciale doit être rejetée parce qu’elle n’aurait aucun vainqueur ». Il faut en effet admettre que partant de son slogan de campagne « America First », le Président Donald Trump n’a cessé de prendre depuis son élection des mesures protectionnistes contre la Chine, le Japon, l’Union européenne et la Russie. La mesure la plus emblématique a été l’instauration le 1er Juin 2018 de 25% de droits de douane pour les importations d’acier, et 10% pour les importations de l’aluminium, ainsi que la menace d’une imposition de 20 à 25% des importations d’automobiles européennes. Bien plus, suite au retrait des Etats-Unis de l’Accord nucléaire avec l’Iran, Donald Trump a décidé de sanctionner les entreprises mêmes non américaines qui commercent ou investissent en Iran. Comme il fallait s’y attendre, les pays concernés ont pris à leur tour des contre-mesures, ce qui effectivement peut déclencher une guerre commerciale et une baisse de la croissance mondiale.

Cependant, suite certainement à la pression des agriculteurs et des industriels américains, le Président américain semble accepter une trêve dans la guerre commerciale qu’il a lui-même déclenchée. En effet, à la suite de sa rencontre avec Jean-Claude Juncker Président de la commission européenne le 25 Juillet 2018, des décisions ont été prises pour désamorcer la crise de la guerre commerciale.



Tout d’abord, il n’y aura pas de taxes douanières sur le secteur automobile européen pendant les négociations entre Washington et Bruxelles. D’autre part, a été mis en avant la volonté commune d’aller à terme vers « Zero tarif douanier » dans les échanges industriels. Le Président américain a en outre promis de résoudre la question des tarifs douaniers de 25% sur l’acier et 10% sur l’aluminium mais sans fixer de date. En contrepartie, l’Union européenne s’engage à acheter plus de soja et de gaz naturel liquéfié en provenance des Etats-Unis. Le problème de l’accès aux marchés publics américains a été également soulevé, car ils sont par le nomment largement fermés aux entreprises européennes. Enfin les Etats-Unis et l’Union européenne se sont mis d’accord pour réformer l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Il s’agit de s’attaquer aux pratiques commerciales déloyales, notamment le non-respect de la propriété intellectuelle, le transfert forcé des technologies, les subventions industrielles, les distorsions créées par les entreprises d’Etat et la surcapacité. C’est la Chine qui est visée principalement par toutes ces questions.



On ne peut que se réjouir de cette trêve de la guerre commerciale qui aurait pu avoir des conséquences graves pour l’économie mondiale, et pour tous les pays y compris le Maroc. Cependant il ne faut pas crier victoire, car les négociations vont à peine commencer entre les Etats-Unis et l’Union européenne. D’autre part, il ne faut pas négliger la réaction des autres puissances commerciales et industrielles du monde, à savoir la Chine, le Japon, le Brésil, et la Russie. Enfin il faut espérer que Donald Trump ne change pas à nouveau d’avis, comme il nous a habitué depuis son élection.



Il faut noter la présence à ce Sommet de Johannesburg du Président Turc Recep Tayyib Erdogan qui n’est pas anodine. Il a été invité en tant que Président de l’Organisation de la Coopération islamique (OCI), mais surtout parce qu’il a pris ses distances avec l’Occident, et qu’il peut être un atout pour les BRICS dans leur confrontation avec l’Europe et les Etats-Unis. Enfin le Sommet ayant lieu dans un pays africain, la coopération Afrique/BRICS a été largement débattue, notamment par le Président sénégalais Macky Sall qui a souhaité une gouvernance mondiale plus juste, plus équitable et plus inclusive. Il a insisté pour un partenariat entre l’Afrique et les BRICS pragmatique et mutuellement bénéfique. Il a cité comme domaines prioritaires entre l’Afrique et les BRICS les infrastructures, l’agricultures, l’énergie, la formation des ressources humaines, les TIC, la finance et les investissements.



En conclusion ce Sommet de Johannesburg montre les profondes mutations internationales en cours, et l’éclosion d’un nouveau monde dont il faut inventer les règles de gouvernance.

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