Les Îles Canaries : Un modèle politique et économique à suivre
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Ayant séjourné cet été 2018 aux Iles Canaries, je voudrais partager avec les lecteurs mes impressions sur ce voyage. La surface totale des Iles Canaries est de 7447 km2 et est constituée de 13 îles volcaniques qui font face dans l’Océan Atlantique au Sahara marocain. Les 7 îles les plus importantes sont Fuerteventura, la Gomera, Gran Canaria, El Hierro, Lanzarote, la Palma et Tenerife. La population totale des Iles Canaries est de 2,2 millions d’habitants.
Commençons par un peu d’histoire, les Iles Canaries tirent leur nom de mot espagnol « Canes » qui veut dire chiens, du fait que les premiers explorateurs européens découvrent sur l’île des grands chiens sauvages. Appelée « Iles fortunées » dans l’Antiquité, les premiers habitants, étaient des aborigènes d’origine berbère d’Afrique du Nord-Ouest dénommés « Guanches ». La première expédition européenne vers les Iles Canaries en 1335 a été portugaise, suivie en 1402 par le français Jean de Bhétancourt, et en 1464 par l’Espagne. Après plusieurs batailles avec les Guanches, les Iles Canaries ont été reconnues comme possession espagnole en 1479 par le Traité d’Alcáçovas.
En 1492, Christophe Colomb en route sur ce qu’il pensait être l’Asie, fit escale dans l’actuelle Las Palmas capitale de Gran Canaria pour s’approvisionner en eau et nourriture. On peut visiter à Las Palmas « La Casa de Colón » où figurent les prototypes des trois navires de Colomb (Santa Maria, Pinta, Niña) et son journal de bord. Durant ses trois autres expéditions en 1493, 1498 et 1502, Christophe Colomb fit escale à chaque fois aux Iles Canaries.
Sur le plan administratif, les Iles Canaries constituent une communauté autonome espagnole. Le pouvoir exécutif est exercé par le Président du gouvernement et son gouvernement. Le pouvoir législatif est confié au Parlement des Canaries, le pouvoir judiciaire revient au Tribunal supérieur de justice qui relève de la justice de l’Etat. L’archipel a deux capitales : Santa Cruz de Tenerife et Las Palmas de Gran Canaria. Les îles Canaries sont divisées en deux provinces : Las Palmas et Santa Gruz de Tenerife. Il n’y a pas de gouvernement et d’administration provinciale (Deputación Provincial). En effet, le pouvoir politique local est décentralisé au niveau de chaque île qui dispose d’un « Cabildo », dont les membres sont élus au suffrage universel direct des citoyens de chaque île.
Sur le plan économique, l’industrie est surtout développée dans les activités portuaires et le raffinage de pétrole (la raffinerie de Santa Gruz de Tenerife est la plus grande raffinerie d’Espagne). Le Port en Santa Gruz de Tenerife est spécialisé dans la pêche, le commerce, les croisières, et les sports. Il a été classé en 2016 troisième port mondial dans le trafic des croisières après Southampton et Honk Kong. Quant au Port de La Palmas de Gran Canaria, il exerce les mêmes activités que le Port de Tenerife, et traite 1,2 million de containeurs chaque année, du fait de sa position stratégique en tant que carrefour entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique. L’élevage est caractérisé par une race bovin endémique la Palmera et l’agriculture est constituée de céréales, vigne, tabac, bananes, tomates et fruits tropicaux, qui sont essentiellement exportés vers l’Espagne et l’Union européenne. Mais la plus grande réussite économique des Iles Canaries est le tourisme qui représente 80% de PIB, alors que treize millions de touristes visitent chaque année les Iles Canaries. Les clés de cette réussite s’appuient sur plusieurs paramètres. D’abord les transports, avec les ports de Tenerife et de Las Palmas qui reçoivent des millions de croisiéristes, et les Aéroports : chaque île est dotée de son aéroport. Le deuxième paramètre concerne les infrastructures touristiques : parc hôtelier considérable avec une qualité de services inapprochable, autoroutes, centres commerciaux pour le shopping. Les loisirs ne sont pas de reste : terrains de golf, sports nautiques, cyclisme, aquapark, croisières entre les îles, randonnées dans les montagnes, visite des monuments historiques. A celà , il faut ajouter un prix abordable pour l’hôtellerie (100 euros par nuit pour une chambre double dans un hôtel 4 étoiles au bord de la mer), pour la restauration à toute heure de la journée et de la nuit (12 euros le repas), et pour le shopping (les Iles Canaries bénéficient de deux zones franches : Gran Canaria et Santa Gruz). Enfin de vastes campagnes de promotion touristique sont organisées par les Iles Canaries avec un ciblage des pays nordiques européens : Scandinave, Allemagne, Royaume Uni.
Le Maroc a intérêt à transposer avec les adaptations nécessaires le modèle des Iles Canaries à nos Provinces du Sud. Sur le plan politique, un transfert de plusieurs pouvoirs au plan local. Sur le plan fiscal, mettre en place un système incitatif notamment par la création de zones franches. Sur le plan logistique, agrandir ou déplacer hors ville les aéroports de Laayoune et surtout celui de Dakhla. Il y a lieu également de commencer la construction du port de Dakhla Atlantique. Il faut multiplier les infrastructures touristiques et de loisirs pour attirer un maximum de touristes, tout en assurant une bonne qualité des services, sans oublier la promotion en ciblant notamment comme les Iles Canaries l’Europe nordique. Certes beaucoup a été fait jusqu’à maintenant pour nos Provinces du Sud, mais il y a lieu de faire un saut qualitatif et quantitatif pour assurer leur plein développement.
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