FIN DE L’ÉTAT ISLAMIQUE
PERSISTANCE DE SON IDÉOLOGIE
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
La création de l’Etat islamique remonte au 13 Octobre 2006 lorsque le Conseil consultatif des moudjahiddines en Irak proclame l’Etat islamique d’Irak. Après son extension en Syrie, est proclamé le 9 Avril 2013 l’Etat islamique en Irak et au Levant. Enfin le 29 Juin 2014, Abou Bakr Al-Baghdadi annonce le rétablissement du Califat dans les territoires sous son contrôle qui prend le nom d’Etat islamique. L’idéologie de l’Etat islamique puise ses sources dans le salafisme jihadiste, le panislamisme, l’anti-chiisme, et l’opposition à l’Occident. L’Etat islamique voit son influence s’étendre à plusieurs pays du monde musulman et reçoit l’allégeance de plusieurs groupes jihadistes notamment du Nigeria, de l’Egypte, de la Libye, et de l’Afghanistan.
En 2015 l’Etat islamique atteint son expansion territoriale maximale de la taille de la Grande-Bretagne avec la conquête de nombreuses villes en Irak et en Syrie, telles que Fallouja, Raqqa, Mossoul, Tikrit et Ramadi. Après avoir instauré la Charia dans toute sa rigueur dans les territoires conquis, l’Etat islamique appelé aussi "Daesh" pousse à la lutte armée, la guérilla, la prise d’otages, le terrorisme dont des attentats suicides au Moyen-Orient et dans le reste du monde. Il est aussi classé par de nombreux pays comme une organisation terroriste, et accusé par l’ONU d’être responsable de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de génocide et de destruction de vestiges archéologiques. Le financement de l’Etat islamique est assuré par les impôts, la contrebande, le racket, les rançons, le trafic d’êtres humains, et le pillage des banques et des sites archéologiques.
Face à cette conduite immonde, se sont dressés contre l’Etat islamique les forces armées des gouvernements d’Irak et de Syrie, les rebelles syriens, les milices chiites, les groupes kurdes, et diverses autres milices. S’est ajoutée à partir d’Août 2014 une Coalition internationale de vingt deux pays menée par les Etats-Unis. En Septembre 2015 la Russie est intervenue militairement à son tour aux côtés du régime de Bachar Al Assad.
Après avoir subi une première défaite à Kobané, l’Etat islamique commence à perdre ses conquêtes notamment Mossoul en Irak en Juillet 2017, et Raqqa en Syrie en Octobre de la même année. Le dernier réduit territorial situé à Baghouz dans l’est de la Syrie, a été reconquis le 23 Mars 2019 par les Forces démocratiques syriennes (FDS) constituées de groupes Kurdes et de l’armée syrienne libre, appuyées par les forces de la Coalition menée par les Etats-Unis. Après sa victoire, le porte-parole des FDS a annoncé l’élimination de l’Etat islamique et sa défaite territoriale totale.
Cependant malgré la fin physique du Califat et la perte totale de son territoire, on peut craindre que l’Etat islamique se transforme en organisation terroriste internationale en revenant à son statut d’avant 2014. En effet, ce n’est pas une capitulation classique en bonne et due forme, car le Califat a perdu son territoire mais pas son idéologie. En Irak, il y a des attentats quotidiens, des maquis se sont constitués à Kirkouk, et il y a toujours des combattants dans le désert syrien. La composante la plus dangereuse est celle des cellules dormantes qui peuvent commettre des attentats partout dans le monde. Un autre danger provient des combattants étrangers après leur retour dans leur pays d’origine. Les services de renseignements indiquent que Daesh dispose encore de financement à l’extérieur pour continuer ses opérations.
Aussi faut-il rester très vigilant car la guerre contre l’Etat islamique n’est pas terminée. Il faut également songer à reconstruire les villes et les régions en Irak et en Syrie dévastées par la guerre, pour assurer à la population des conditions de vie normale. Enfin, il y a lieu d’intégrer les sunnites au système politique en Syrie et en Irak où ils sont actuellement marginalisés. Le problème de la Syrie est très complexe du fait que le régime de Bachar Al Assad ne contrôle pas tout le territoire. D’autre part, le conflit syrien s’est internationalisé avec l’intervention des pays arabes, des puissances occidentales, de la Russie, la Turquie et l’Iran, chaque intervenant cherchant tout d’abord à défendre ses intérêts dans la région.
Notre pays le Maroc doit rester très vigilant car il a été également frappé par des attentats terroristes. Il faut à cette occasion saluer l’approche plurielle du Maroc dans la lutte contre le terrorisme. En effet, elle n’est pas seulement sécuritaire avec une très grande efficacité, mais également religieuse en prônant un islam modéré et tolérant. Elle s’appuie également sur le développement économique et social par la réforme de l’éducation et la création d’emplois pour les jeunes.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI