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L’imbroglio libyen
Situation explosive Ă  Tripoli

Par Jawad KERDOUDI
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

Depuis la chute du régime Kadhafi en Août 2011, la Libye vit une situation de grande instabilité et de chaos. L’espoir d’une transition démocratique sereine s’est envolé très rapidement. Après l’élection du Congrès général national en 2012, les affrontements ont commencé entre les islamistes et les nationalistes. Dès le Printemps 2014, la Libye s’est divisée en deux camps suite au lancement de l’opération « Dignité » par le Général Haftar. Alors que la communauté internationale a reconnu la légitimité de la Chambre des Représentants installée à Tobrouk, le Congrès général national de Tripoli s’est autoproclamé en contestant les élections.

En Septembre 2014, l’ONU a offert sa médiation qui a abouti à la signature entre représentants des différentes parties de l’accord inter-libyen du 17 Décembre 2015 à Skhirat. La Libye faisant partie de l’Union du Maghreb Arabe, le Maroc ne pouvait pas se désintéresser de ce pays frère, et a toujours tenté de contribuer à trouver une solution pacifique. L’accord de Skhirat a créé le Conseil présidentiel de neuf membres dirigé par le Premier ministre Fayez Sarraj qui s’est installé le 30 Mars 2016 avec son gouvernement à Tripoli.
Malheureusement, l’accord de Skhirat n’a pas été entièrement mis en œuvre du fait des affrontements qui se sont poursuivis au cours de l’année 2016, avec notamment la prise du croissant pétrolier par l’Armée nationale libyenne du Général Haftar. Afin de trouver une solution politique, le Représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU Mr Ghassan Salamé a proposé une feuille de route qui comprend l’amendement de l’accord de Skhirat, l’organisation d’une conférence nationale inclusive, et l’organisation d’élections. Dans ce cadre, la France a organisé une Conférence internationale sur la Libye le 29 Mai 2018 qui a réuni le Premier ministre du gouvernement d’union nationale, le Président de la Chambre des Représentants, le Commandant de l’Armée nationale libyenne et le Président du Haut Conseil d’Etat.
Les engagements de cette conférence internationale n’ayant pas été tenus, Ghassan Salamé a présenté au Secrétaire Général de l’ONU le 8 Novembre 2018 un nouveau plan d’action prévoyant l’organisation d’une conférence nationale inclusive à Ghadamès en Libye à la mi-Avril 2019.
Tous les efforts de l’ONU pour trouver une solution politique à la crise libyenne sont maintenant compromis par l’offensive armée du maréchal Khalifa Haftar pour prendre la capitale Tripoli. En effet, le Jeudi 4 Avril 2019, un convoi armé du maréchal Haftar a pris position à 27 Km de Tripoli. De violents combats opposent l’Armée nationale de libération aux forces loyales au gouvernement d’union nationale reconnu par la communauté internationale. A Dimanche 7 Avril, on déplore déjà 46 tués et 50 blessés à la suite des affrontements terrestres et aériens. Cette offensive du maréchal Haftar a eu lieu alors que le Secrétaire Général de l’ONU Antonio Guterres se trouvait en Libye. Ce dernier a adressé un appel ferme pour l’arrêt de tous les mouvements militaires, et a déclaré qu’il n’existe pas de solution militaire en Libye, et que la solution doit être politique. De leur côté plusieurs capitales : Washington, Paris, Londres, Rome et Abou Dhabi ont appelé toutes les parties libyennes à faire baisser immédiatement les tensions. Le Premier ministre Sarraj a accusé de son côté Haftar de provoquer « Une guerre sans gagnant » et de détruire les efforts des libyens et de la communauté internationale en vue d’une solution pacifique à la crise.
A l’heure où cette chronique est écrite, il n’est pas possible de savoir si le maréchal Haftar va poursuivre les combats pour prendre Tripoli, ou s’il va s’arrêter suite à la pression internationale. Au-delà de ces péripéties, on peut regretter que la France et le Royaume-Uni ont dépassé l’autorisation donnée par la Résolution du Conseil de sécurité de l’ONU N° 1973 du 17 Mars 2011, qui avait uniquement pour objectif de protéger la société civile. En effet, l’opération franco-britannique a donné lieu le 20 Octobre 2011 à l’assassinat de Kadhafi et à l’installation du chaos en Libye. On peut regretter également que l’ONU n’a pas prévu l’après-Kadhafi, puisque les forces d’intervention se sont vite retirées, laissant le pays aux mains des nombreuses milices superarmées.
Au niveau géopolitique la Libye présente deux intérêts : c’est un producteur assez important d’hydrocarbures et un lieu de passage pour les émigrés souhaitant se rendre en Europe. Aussi la question de la Libye sera âprement discutée, chaque pays étranger défendant tout d’abord ses intérêts. La solution idéale serait une réconciliation entre Sarraj et Haftar pour l’organisation d’élections libres et transparentes, ce qui semble pour le moment une issue qui a peu de chances de se concrétiser.

CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI

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