Coup d’Etat militaire au Soudan
Quelles perspectives ?
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
C’est le 19 Décembre 2018 qu’un soulèvement populaire a débuté au Soudan suite au triplement du prix du pain. Le Président du Soudan Omar El-Bechir a tenté de réprimer le soulèvement en proclamant l’état d’urgence le 22 Février 2019. Les protestations populaires non seulement ne se sont pas arrêtées, mais se sont amplifiées sous l’impulsion de l’Alliance pour la liberté et le changement, qui réclame le départ de Omar El-Bechir. La répression des manifestations a causé 49 morts, ce qui a poussé le 11 Avril 2019 l’armée soudanaise à renverser Omar El-Bechir, et à proclamer la création d’un Conseil militaire de transition pour une période de deux années. Ce Conseil présidé par l’ancien ministre de la Défense Awad Ahmed Benawf a décidé la dissolution du gouvernement et du parlement, l’état d’urgence pour une durée de trois mois, et un couvre-feu d’un mois de 22h00 à 4h00.
Rappelons que Omar El-Bechir est arrivé au pouvoir au Soudan après un coup d’Etat militaire en 1989. En 1991, il a instauré la Charia et donné l’asile à Oussama Ben Laden jusqu’en 1996. Après avoir dissous le Conseil militaire, Omar El-Bechir s’est fait élire à la présidence de 1996 à 2015. A partir de 2003, il a réprimé durement les rebelles du Darfour région à l’ouest du Soudan, ce qui lui a valu en 2009 un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Après un conflit sanglant, Omar El-Bechir a du reconnaître en 2011 l’indépendance du Soudan du Sud, peuplé majoritairement de chrétiens et disposant des deux tiers de la production pétrolière. En 2018, pour se faire réélire à la présidence Omar El-Bechir a tenté de changer la Constitution. Mais s’est surtout les protestations de masse contre la cherté de la vie qui ont provoqué son renversement par l’armée.
Pour revenir au coup d’Etat militaire du 11 Avril 2019, les manifestants ont continué les sit-in devant le Quartier Général de l’armée en rejetant le Conseil militaire de transition, et en demandant le transfert du pouvoir aux civils. Les réactions internationales se sont inscrites dans le même sens, notamment l’Union africaine qui considéré que la prise de pouvoir par l’armée n’est pas la réponse appropriée à la demande du peuple soudanais. L’ONU, les Etats-Unis et l’Union européenne ont demandé également l’intégration des civils au gouvernement. Devant cette situation, le Conseil militaire de transition a remplacé à sa tête Awad Ahmed Benawf qui incarnait l’ancien régime, par Abdel Fattah Al-Burhane, un militaire de carrière qui n’a pas de sensibilités politiques. Les dirigeants du Conseil ont déclaré que leur rôle est de protéger la sécurité et la stabilité du pays, et qu’ils ont l’intention d’ouvrir un dialogue avec les partis politiques pour la constitution d’un gouvernement civil.
Ce qui se passe actuellement n’est que la continuation du Printemps arabe, où la population s’est soulevée contre des régimes autoritaires. Cependant, les conséquences politiques ont été différentes d’un pays à l’autre. Dans le cas de l’Egypte, le Président Moubarak a été chassé du pouvoir, a été remplacé par un gouvernement civil islamiste, et a connu par la suite le retour d’un régime présidé par un militaire. La Tunisie est parvenue avec beaucoup de difficultés à un régime civil démocratique. La Libye est tombée dans le chaos, où les civils et les militaires se disputent encore aujourd’hui le pouvoir avec au moins 121 morts au sud de Tripoli. Quant à l’Algérie et le Soudan, les semaines et les mois à venir vont nous indiquer qui prendra le pouvoir : l’armée ou les civils.
En conclusion, on ne peut regretter l’évolution de la plupart des pays arabes depuis leur indépendance. Par manque d’éducation et développement, ce sont les militaires qui ont pris le pouvoir en le maquillant par des élections factices et non transparentes. Ils ont muselé les partis d’opposition et mis en place des services spéciaux chargés d’éradiquer toute contestation du régime. Sur le plan économique, ils se sont accaparés une bonne partie des richesses du pays. Sur le plan social l’éducation n’a pas été érigée en priorité et les inégalités se sont amplifiées. La leçon à tirer pour l’avenir est l’impérieuse nécessité d’éduquer les peuples arabes pour en faire des citoyens œuvrant pour l’instauration d’une véritable démocratie. La seconde leçon est l’instauration d’une politique économique à même de réduire les inégalités sociales et territoriales.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI