G8 et G20
Quelle gouvernance économique mondiale ?
Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Le G20 s’est réuni à Toronto (Canada) les 26 et 27 Juin 2010 après avoir été précédé d’une réunion du G8 dans la même ville. Rappelons que le G8 a été créé en 1975 à l’initiative du Président français Valery Giscard d’Estaing. Il ne comprenait à l’origine que six pays : Etats-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni et Italie. Le Canada a rejoint le G8 en 1976 et la Russie en 1998. Le G8 représente 68% de l’économie mondiale et traite à l’occasion des Sommets annuels de divers sujets : économie, finance, défense et sécurité internationale, éducation, développement. Représentent les pays les plus riches de la planète, le G8 a connu dès l’origine l’opposition des altermondialistes qui lui reprochent de vouloir diriger le monde et de faire valoir l’option libérale en économie.
Créé en 1999, le G20 regroupe 19 pays et l’Union européenne. Outre les membres du G8 , ont été intégrés au G20 : la Chine, le Brésil, l’Inde, l’Australie, le Mexique, la Corée du Sud, la Turquie, l’Indonésie, l’Arabie Séoudite, l’Argentine et l’Afrique du sud. Cet ensemble représente 90% du PIB mondial, et les 2/3 de la population et du commerce mondial. Cette composition ne correspond pas au classement établi par le FMI des pays à plus fort PIB dans le monde. En effet n’y figurent pas l’Espagne, les Pays-Bas, la Suisse et la Belgique, alors qu’ont été ajoutés l’Arabie Séoudite, l’Argentine et l’Afrique du Sud. Les critères de choix n’ont jamais été publiés, mais c’est certainement pour assurer un certain équilibre géopolitique que la composition actuelle du G20 a été établie. A noter également que seule l’Union européenne figure dans la liste en tant qu’Organisation internationale. Depuis la date de sa création le G20 s’est réuni au niveau des ministres, et ce n’est que le 15 Novembre 2008 à Washington qu’a eu lieu le premier Sommet du G20. Ce Sommet était dû à la grave crise financière internationale qui avait frappé l’économie mondiale en 2008, et qui a failli se transformer en crise systémique. Le Sommet du Washington a été suivi de Londres le 2 Avril 2009, de Pittsburgh les 24 et 25 Septembre 2009, et enfin celui de Toronto les 26 et 27 Juin 2010.
Les différents Sommets du G20 ont eu à traiter la nouvelle architecture financière internationale, la transparence des systèmes comptables, le renforcement du contrôle prudentiel, l’amélioration de la gestion des risques et de la supervision des marchés et de la régulation, enfin le renforcement de la capacité des institutions financières internationales. Mais c’est surtout le G20 de Londres qui a pris des mesures concrètes : octroi de 1.000 milliards de $ au FMI et à la Banque mondiale, liste noire des Paradis fiscaux, nouvelles règles de gouvernance des marchés financiers, notamment encadrement des salaires et des bonus des traders ainsi que des Hedge Funds. Le plus décevant des G20 a été certainement celui de Toronto où aucune décision concrète n’a été prise. Ce Sommet a en effet constaté que la sortie de crise n’a pas été uniforme en 2010 selon les régions. Alors que l’Asie caracole à + 8,7%, la croissance africaine est de 4,7% et américaine de 3,1%, et pour la zone Euro il n’est prévu qu’une croissance de + 1,6%. Le Sommet s’est trouvé devant le dilemme : soutenir la croissance sans aggraver la stabilité budgétaire et financière à moyen terme. C’est pour cela qu’il a préconisé des mesures à la carte : les pays qui le peuvent continueront à soutenir leur économie, les autres sont autorisés à réduire leur déficit budgétaire. C’est ainsi qu’il a été prévu une réduction de 50% des déficits budgétaires d’ici 2013, et une réduction de la dette publique avant 2016 exception faite pour le Japon. Quant à la taxation des secteurs bancaires proposée par l’Europe et les Etats-Unis, s’y sont opposés le Canada, le Brésil, l’Australie, l’Inde et la Russie. Cependant les pays qui souhaitent taxer leurs banques peuvent le faire. Pour ce qui est des taux de change, une formule vague a été adoptée, préconisant d’accroître la flexibilité des taux de change, sans une référence explicite au Yuan Chinois dont la sous-évaluation par rapport au dollar est estimée à 40%. Enfin pour des pays excédentaires (Chine, Allemagne) aucune mesure concrète n’a été préconisée, pour demander à ces pays d’accroître leur consommation intérieure au détriment des exportations.
Quelle évaluation peut-on faire de l’action du G8 et du G20 ?
On peut tout d’abord regretter que l’ONU ait été marginalisée quand à sa vocation économique. C’est en effet 19 pays et une Organisation internationale (Union européenne), qui veulent dicter leur loi aux autres 184 pays et Organisations internationales qui n’ont pas droit au chapitre dans le G20. Il aurait été plus légitime de réformer le Conseil de Sécurité de l’ONU, par une représentation plus équilibrée du monde, et lui conférer des pouvoirs politiques et économiques contraignants. D’autre part, les critères de choix des membres de G20 n’ont jamais été explicités, et le dernier Sommet de Toronto a montré son manque d’efficacité. Enfin, alors qu’on avait parlé d’une disparition progressive du G8, ses instigateurs ont au contraire déclaré qu’il restait « un catalyseur puissant de changement durable et de progrès », avec l’impression que le G20 ne fait qu’entériner les décisions du G8. Assurément, la gouvernance économique mondiale est à revoir.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI