Sommet de la CEDEAO contre le terrorisme
Quel rĂ´le pour le Maroc ?
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Un Sommet de la CEDEAO contre le terrorisme a eu lieu le 15 Septembre 2019 à Ouagadougou au Burkina Faso. Ont participé à ce Sommet les 15 pays de la CEDEAO plus quatre pays invités : Maroc, Cameroun, Mauritanie et Tchad (A noter que l’Algérie n’a pas été invitée). Le but de ce Sommet est de parvenir à une plus grande mobilisation des Etats membres de la CEDEAO contre le terrorisme, notamment au niveau des ressources financières et matérielles.
En effet, l’Afrique de l’Ouest et surtout la zone Sahélo-saharienne a connu ces dernières années une recrudescence des attentats terroristes jihadistes. Le bilan est effrayant : 2200 attaques ces quatre dernières années, 11500 morts, des milliers de blessés et des millions de déplacés. Alors qu’il n’y avait qu’un seul mouvement terroriste en 2000 (AQMI), ils sont actuellement plus de douze. Le plus virulent Boko Haram a commis 3.400 attaques causant 36.000 morts. Les causes du terrorisme sont à la fois politiques (clivages communautaires), économiques et sociales (précarité et chômage) et même environnementales (assèchement du Lac Tchad). Il s’en suit une situation catastrophique sur le plan humanitaire avec l’augmentation des inégalités, l’accentuation de la migration et le trafic en tous genres.
Les forces actuelles pour lutter contre le terrorisme au Sahel et au Sahara sont la force française Barkhane lancée en 2014 et composée de 45OO hommes, ainsi que le G5 Sahel constitué de cinq Etats (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) et disposant de 5000 hommes. Il faut ajouter la MINUSMA (Mission Internationale de Soutien au Mali). Or toutes ces forces par manque de moyens financiers et matériels n’ont pas pu juguler le terrorisme dans la région.
C’est pour celà que le Sommet de Ouagadougou a pris une décision forte concernant l’élaboration d’un plan 2020-2024 d’un milliard de dollars pour la lutte contre le terrorisme. Ce plan d’action sera adopté par le Sommet de la CEDEAO en Décembre prochain à Abuja. Ce plan prévoit notamment la mutualisation et la coordination des efforts de tous les Etats membres de la CEDEAO pour la lutte contre le jihadisme, le partage direct des renseignements, la formation et l’équipement des acteurs devant mener la lutte contre le terrorisme. Le Sommet a décidé de renforcer le G5 Sahel et la Force multinationale mixte du bassin du Lac Tchad. Il a annoncé également le ciblage du financement du terrorisme, notamment le trafic de drogue. Outre les mesures sécuritaires, le Sommet a décidé de mener un programme d’investissement prioritaire dans les zones fragiles, car la solution finale ne peut être qu’économique et sociale. Le budget de un milliard de dollars sera prélevé sur le plan interne, et sera complété par une demande de financement complémentaire de la communauté internationale, de la Banque mondiale et du FMI. Enfin le Sommet de la CEDEAO exhorte le Conseil de Sécurité de l’ONU de renforcer la MINUSMA pour qu’elle soit plus efficace.
Dans son discours au Sommet de Ouagadougou, le Ministre des Affaires étrangères Monsieur Nasser BOURITA a relaté en détails l’approche marocaine en matière de lutte contre le terrorisme. Elle est basée sur la coopération afin d’organiser « une riposte collective au terrorisme », et privilégie le triptyque sécuritaire, développement humain et formation. La dimension sécuritaire marocaine est reconnue et appréciée à l’échelle régionale et internationale. Le développement humain est basé sur l’investissement socio-économique par des projets structurant à impact direct sur les populations. Enfin la dimension formation consiste à promouvoir un islam authentique, tolérant et du juste milieu. Le Maroc est prêt à partager son expérience avec la CEDEAO par des mesures concrètes. C’est ainsi qu’il va apporter son soutien au Collège de défense du G5 Sahel à Nouakchott, qu’il réserve un grand nombre de places aux Africains dans les Etablissements militaires marocains, et qu’il peut mettre des officiers marocains à disposition. De même l’Institut Mohammed VI de formation des Imams est ouvert à tous les ressortissants de la CEDEAO intéressés par cette formation.
En conclusion, il est absolument nécessaire d’éradiquer le terrorisme dans l’Afrique de l’Ouest, un fléau qui entraîne des pertes humaines insupportables, et qui empêche tout développement économique et social de la région. On ne peut que se féliciter des décisions fortes du Sommet de Ouagadougou contre le terrorisme, en espérant qu’elles puissent être mises en application dès 2020. Le Maroc de par son expérience dans la lutte contre le terrorisme peut jouer un grand rôle pour aider la CEDEAO dans ce domaine. La coopération sécuritaire va permettre au Maroc d’avancer vers son intégration à la CEDEAO.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI