La présidence d’Obama
Une ère nouvelle ?
Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI « Institut Marocain des Relations Internationales »
Assurément, l’élection d’Obama à la présidence des Etats-Unis ouvre une ère nouvelle pour son pays et pour le monde, après celle catastrophique de Bush. Cependant le Président Obama va être confronté à de véritables travaux d’Hercule, tant les problèmes sur le plan intérieur et extérieur sont nombreux et difficiles.
Sur le plan intérieur tout d’abord, la première tâche du nouveau Président est de sortir de la grave crise économique qui frappe son pays. En effet, le déficit budgétaire des Etats-Unis est estimé à 1.000 milliards de dollars, et le taux de chômage a atteint 7,6 % de la population active, soit le taux le plus élevé depuis 1992. Après plusieurs tractations au Sénat, le plan de relance d’un montant de 780 milliards de dollars sera finalement adopté. Ce plan tend à relancer le crédit, l’emploi et stimuler l’investissement et la consommation. Sur le plan intérieur, Obama doit également lutter contre les inégalités, notamment par la réduction des impôts frappant la classe moyenne, et par les aides attribuées au social. Il doit également réformer le système de santé en généralisent la couverture maladie, qui fait défaut actuellement à prés de 46 millions d’Américains. Un premier pas a été réalisé dans ce sens par la promulgation d’une loi élargissant le système d’assurance maladie aux enfants.
Les défis sur le plan extérieur sont également très importants. Joe Biden, Vice-Président des Etats-Unis a déclaré le 7 Février 2009 à la Conférence sur la sécurité à Munich « Nous allons pratiquer le dialogue, écouter et consulter ». Le Vice-président a ajouté « Nous allons instaurer un ton nouveau. L’Amérique a besoin du reste du monde ». Obama de son côté dans une interview accordée à la chaine de télévision Al Arabiya a déclaré qu’il sympathise avec le monde musulman dans sa quête de paix et d’une vie meilleure. C’est véritablement un changement par rapport à la présidence précédente. La politique extérieure des Etats-Unis repose ainsi sur de nouvelles bases.
Pour l’Iran, un dialogue sera ouvert, si ce dernier pays renonce à son programme nucléaire et au soutien au terrorisme. Pour l’Afghanistan, il est proposé une stratégie globale de Washington avec ses alliés, en traçant des objectifs clairs et réalisables, et en prenant en compte le Pakistan qui est incontournable pour la stabilisation de la région. En ce qui concerne la Russie, elle sera associée au problème de l’Afghanistan et à la défense anti-missile, sensée contrecarrer la capacité militaire grandissante de l’Iran. Pour l’Irak, les troupes américaines quitteront ce dernier pays dans seize mois. Pour le conflit israélo-palestinien, les Etats-Unis se disent prêts à œuvrer pour la paix, et pour la création d’un Etat palestinien viable en Cisjordanie et Gaza. Un bon signe lancé par Obama est la nomination de George Mitchell, connu par son objectivité, en tant qu’émissaire américain au Proche Orient. La prison de Guantanamo sera fermée dans un délai d’un an, et les Etats-Unis demandent la coopération des autres pays pour accueillir certains prisonniers. Enfin pour le réchauffement climatique, les Etats-Unis se disent prêts à donner l’exemple, et à agir énergiquement en imposant un plafonnement en ce qui concerne les émissions de CO2.
Toutes ces mesures annoncent une ère nouvelle. Encore faut-il une grande détermination de la part de l’Administration Obama et des circonstances favorables pour parvenir à des résultats concrets. En politique intérieure, les républicains vont mener une opposition dure à la nouvelle politique d’Obama. La preuve en est que le plan de relance approuvé pour un montant de 819 milliards de dollars par la Chambre de Représentants n’a été voté par aucun républicain. Au Sénat, il a fallu de longues tractations pour parvenir à un accord sur un montant de 780 milliards de dollars. Les républicains vont également s’opposer aux réductions d’impôts au bénéfice de la classe moyenne, aux aides sociales et à la réforme du système de santé.
En ce qui concerne la politique étrangère, les risques sont également élevés et dépendent de futures élections. En ce qui concerne l’Iran, il est certain que si Ahmedinejad est réélu aux prochaines élections présidentielles du 12 Juin 2009, la ligne dure continuera et l’Iran ne renoncera pas à l’arme atomique. Pour ce qui est du conflit israélo-palestinien, la victoire éventuelle de Likoud aux élections législatives du 10 Février 2009, va rendre l’action des Etats-Unis plus difficile vis-à-vis d’un parti qui a toujours refusé toute concession territoriale en faveur des Palestiniens. Obama devra tenir compte également du lobby pro-israélien aux Etats-Unis, puissant au Congrès, dans les médias, dans la société civile aussi bien la communauté juive que la droite chrétienne. En ce qui concerne l’Afghanistan, les pays européens sont peu favorables à l’envoi de troupes supplémentaires dans ce pays. La Russie de Medvedev et de Poutine reste très méfiante vis-à-vis Etats-Unis, et ne consentira à une véritable détente avec les Etats-Unis, que si l’OTAN renonce à intégrer en son sein la Géorgie et l’Ukraine, et si les Etats-Unis diffèrent les installations anti-missiles en Pologne et en République Tchèque. Les pays européens sont également réticents à accueillir les prisonniers en provenance de Guantanamo. Enfin, pour le retrait des troupes américaines d’Irak, Robert Gates, Secrétaire à la défense a récemment déclaré que le retrait d’ici seize mois est une option parmi d’autres, et dépend principalement de la capacité du gouvernement Irakien d’assurer la sécurité du pays après le départ des troupes américaines.
En conclusion, on peut affirmer que l’élection d’Obama à la présidence des Etats-Unis va apporter des changements tant dans la politique intérieure qu’extérieure de la première puissance mondiale. Mais des obstacles importants se dresseront devant l’Administration Obama, surtout en politique étrangère. Les mois à venir vont nous permettre de suivre les résultats concrets de l’ère nouvelle ouverte par l’élection du premier Président noir des Etats-Unis.
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