L’épidémie du Coronavirus
Quel impact sur la Chine et l’économie mondiale ?
Par Jawad KERDOUDI
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
C’est le 31 Décembre 2019 que la Chine a été alertée pour la première fois d’un cas de pneumonie d’origine inconnue à Wuhan dans le centre du pays. La Chine avait déjà été victime en 2002 et 2003 du SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère) qui avait tué 774 personnes. Au 10 Février 2020, le nouveau coronavirus a entraîné la mort de 908 personnes et 40.000 cas de contamination en Chine continentale. Une vingtaine de pays ont été touchés par l’épidémie mais dans des proportions faibles. A noter que l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) a décrété le 30 Janvier 2020 l’état d’urgence sanitaire à l’échelle internationale, pour éviter la transmission de la maladie par des personnes contaminées. Selon les scientifiques chinois, le coronavirus pourrait avoir été transmis à l’homme par le pangolin petit mammifère recouvert d’écailles consommé par les chinois.
Les conséquences de l’épidémie sont catastrophiques pour la Chine. C’est ainsi que des dizaines de millions de chinois sont touchés par des restrictions de déplacement, et qu’entre le 23 Janvier et le 3 Février 2020, 30% des vols domestiques et 26% des vols internationaux ont été annulés. Le 3 Février 2020, les Bourses de la Chine continentale ont chuté de presque 9% à la mi-journée, et se sont légèrement repris enfin de séance avec un repli de 7,72%. Pour rassurer les marchés, les autorités chinoises avaient pourtant le même jour injecté 156 milliards d’euros dans le système bancaire en plus de mesures de soutien aux entreprises en difficultés. Outre la chute des actions chinoises, les matières premières ont également chuté à Shanghai tels que le fer, le pétrole et le cuivre. Le pays fonctionne au ralenti avec prolongation des congés jusqu’au 10 Février. Tous ces facteurs vont impacter la croissance chinoise en 2020. Tout dépendra de la longueur de l’épidémie. Selon les experts, la croissance chinoise sera de 5,7% si l’épidémie est maîtrisée fin Mars 2020, 5,4% en Avril, et moins de 4,5% si elle se prolonge jusqu’en Juin 2020.
La baisse de la croissance chinoise en 2020 va certainement impacter la croissance mondiale. En effet, la Chine a représenté en 2019 15% du PIB mondial, 13% du commerce et 12% de la demande de pétrole. Cette épidémie pourrait coûter 0,2 point de la croissance mondiale estimée à 3,3% en 2020 par le FMI. Wuhan et la province de Hbei où est née l’épidémie, regroupent des centres névralgiques industriels : automobile, acier, télécoms, chimie, textile, aéronautique, électronique. La baisse de la production de ces centres va affecter aussi bien la consommation locale que le commerce international de la Chine. A noter que la consommation intérieure en Chine a représenté en 2019 50% de la croissance du PIB contre 28% en 2003.
Les pays qui seront touchés par la baisse de la croissance chinoise en terme de disruption de la chaîne de valeur seront Taiwan, la Corée du Sud, les Pays-Bas, la Hongrie et l’Indonésie. Les pays le plus exposés à la demande chinoise de biens finis sont Hong-Kong, le Japon, l’Allemagne, la Corée du Sud et les Etats-Unis. D’un point de vue des échanges commerciaux, l’Europe est la plus exposée avec 1,2% de PIB d’exports de biens vers la Chine, ce qui pourrait impacter la croissance de la zone euro en 2020. Le coût mondial de la précédente épidémie virale du SRAS en 2003 avait été de l’ordre de 50 milliards de dollars soit 0,1 point du PIB. Pour le coronavirus de 2020, comme déjà dit, tout dépendra de la longueur de l’épidémie et des mesures du gouvernement chinois pour relancer son économie.
En ce qui concerne notre pays le Maroc, aucun cas de contamination par le coronavirus n’a été constaté, et l’activité économique continue normalement. Malheureusement, alors que le Maroc a reçu 150.000 touristes chinois en 2019, et souhaitait doubler ce chiffre grâce à l’instauration d’une ligne directe Casablanca-Pékin, il a été constaté plus de 50.000 annulations depuis le début de l’année. La Royal Air Maroc comme beaucoup de compagnies internationales a dû suspendre ses vols sur Pékin à partir du 31 Janvier 2020. Concernant les échanges commerciaux et les investissements entre le Maroc et la Chine aucun impact n’a été constaté pour le moment. La baisse de la demande chinoise de pétrole pourrait faire diminuer son prix sur le plan international, ce qui présenterait un avantage pour le Maroc importateur de ce produit.
En conclusion, il faut espérer que cette épidémie soit maîtrisée le plus rapidement possible afin de permettre à la Chine, deuxième économie mondiale, de relancer ses activités pour son bien et celui de ses partenaires.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI