UNION EUROPEENNE
PAS D’ACCORD SUR LE BUDGET 2021-2027
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Rappelons tout d’abord que le Maroc est lié à l’Union européenne sur le plan institutionnel par l’Accord d’association euro-méditerranéen de 1976 qui a instauré la zone de libre-échange entre les deux partenaires, et qu’il a obtenu en 2008 le « statut avancé ». Ce statut a pour but d’élargir le partenariat aux relations politiques, l’intégration réglementaire, et le renforcement des échanges culturels, éducatifs et scientifiques. C’est ainsi que l’Union européenne joue un rôle de premier plan dans notre commerce extérieur, les investissements directs et le tourisme.
Aussi est–il nécessaire de suivre l’évolution de l’Union européenne et de s’intéresser à son financement. Le budget de l’Union européenne est négocié tous les sept ans dans un cadre financier pluriannuel. Pendant la période qu’il recouvre, chaque budget annuel doit s’y conformer. Ce budget pluriannuel est proposé par la Commission européenne, amendé et adopté par le Conseil européen qui regroupe les Chefs d’Etat et de gouvernement, et voté par le Parlement européen. Le budget de l’Union européenne est alimenté à 70% par les contributions des Etats membres, le reste par des ressources propres provenant de la TVA et des droits de douane perçus sur les importations en provenance des pays tiers. Les Etats membres sont classés en contributeurs nets : ceux qui reçoivent moins que ce qu’ils donnent comme l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Autriche. Les autres sont des bénéficiaires nets, c'est-à-dire qu’ils reçoivent plus qu’ils donnent comme la Pologne, la Grèce, la Hongrie et la Roumanie.
La Commission européenne a proposé de fixer le budget pluriannuel (2021-2027) à 1,114% du revenu national brut des 27 Etats membres, soit 1135 milliards d’euros. Cette augmentation de 5% par rapport au budget pluriannuel précèdent (2014-2020) sert à compenser la contribution du Royaume-Uni qui a quitté l’Union. La Commission propose de privilégier les dépenses comme la lutte contre le changement climatique, la gestion des migrations, l’équipement des armées et Erasmus (Echanges des étudiants et professeurs entre pays européens). Elle propose également de diminuer de 5% les montants alloués à la PAC (Politique agricole commun) et de 6% les « fonds de cohésion ». Le Parlement européen refuse de diminuer les budgets accordés à l’agriculture et à la cohésion, et propose de fixer le budget annuel à 1,3% du revenu national brut soit 1.324 milliards d’euros.
Pour trancher cette question budgétaire, un Sommet extraordinaire de l’Union européenne s’est réuni à Bruxelles les 20 et 21 Février 2020. Dès le début des négociations, les quatre Etats membres contributeurs nets (Autriche, Danemark, Pays-Bas, Suède) ont déclaré qu’il n’est pas question de dépasser le plafond de 1% du revenu national brut. Les pays bénéficiaires des politiques communes, représentés par les pays de l’Est et du Sud de l’Europe, ont refusé toute diminution du développement régional et de cohésion. La France et l’Irlande entendent préserver la politique agricole commune et sont contre toute diminution. A noter que les « fonds de cohésion » et la politique agricole commune représentent 67% du budget total de l’Union européenne. L’Allemagne, premier contributeur au budget de l’Union européenne, a demandé de privilégier les dépenses pour la lutte contre le dérèglement climatique, la gestion des flux migratoires, et l’économie numérique. De plus, elle ne veut pas renoncer à son rabais du fait qu’elle bénéficie moins de la politique agricole commune. Le Président du Conseil européen Charles Michel a tenté d’obtenir un compromis en proposant une contribution des Etats membres à 1,074% du revenu national brut, qu’il a diminué par la suite à 1,065%. Malgré ses efforts, il n’y a pas eu d’accord entre les 27 sur le budget de l’Union européenne. Il faudra un ou deux autres Sommets pour parvenir à un accord.
L’élaboration du budget de l’Union européenne est toujours un problème très compliqué, dans la mesure où chaque Etat membre défend d’abord ses intérêts. De plus, le développement régional et la politique agricole commune ont une part trop importante par rapport aux autres postes : investissements stratégiques, sécurité et défense, migration et gestion des frontières. Enfin l’action extérieure ne représente que 10% du budget général, et ne permet pas à l’Union européenne de remplir un rôle d’envergure vis-à-vis de ses voisins de l’Est et du Sud qui ne font pas partie des Etats membres.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI