Epidémie du Coronavirus
Alerte sur l’économie mondiale et marocaine
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
L’épidémie du Coronavirus a concerné à ce jour 110.000 personnes dans 100 pays et 4000 décès. Outre des souffrances humaines considérables, elle a un impact sur l’économie mondiale. En effet des mesures de confinement ont été prises par plusieurs pays, notamment très importantes en Chine et en Italie. D’où une baisse de la production suite à la perturbation des chaînes d’approvisionnement, une chute des transports notamment aériens, une diminution des investissements du fait du manque de visibilité. On peut considérer que presque toutes les activités économiques ont été touchées, car la Chine est le pilier central des échanges internationaux et « l’usine du monde ».
Les conséquences les plus graves ont eu lieu le lundi 9 Mars 2020, où plusieurs bourses mondiales se sont effondrées. On peut citer à titre d’exemples Tokyo avec (-4,6%), Francfort (-7,94%), Londres (-7,69%) et Paris (-8,39%). Le même jour le prix du pétrole Brent a chuté à 35 dollars le baril soit une baisse de plus de 20%. En effet, la Chine est le premier importateur mondial de pétrole et sa consommation représente 14% de la consommation de la planète. A cela s’ajoute le désaccord entre l’Arabie saoudite et la Russie qui n’ont pas pu s’entendre sur la baisse de la production mondiale de pétrole.
Concernant les prévisions économiques pour l’année 2020, les experts envisagent deux scénarios. Le premier prévoit un pic de l’épidémie en Chine au premier trimestre, avec une baisse au trimestre suivant. Si la diffusion de l’épidémie dans le monde restant est contenue, la baisse de l’économie mondiale ne sera que de 0,5%, soit une croissance de 2,4% au lieu de 2,9%. Dans cette hypothèse, le commerce mondial baisserait de 1,4% au premier trimestre, et -0,9% au second semestre. Le second scénario prévoit une contagion du virus largement diffusée dans le monde et difficilement contrôlée. Dans ce cas, la baisse de la croissance mondiale serait de 1,5% et celle du commerce mondial de 3%. Dans cette hypothèse plusieurs pays entreront en récession.
Cependant un autre facteur entrera en jeu pour le premier ou le second scénario, c’est la manière dont l’épidémie sera gérée par les pouvoirs publics, et le comportement de la population quant au suivi des recommandations pour éviter d’attraper le virus. Plus généralement, ce sont les pays les plus liés économiquement à la Chine qui seront les plus touchés, à savoir le Japon, la Corée du Sud et l’Australie. L’Amérique du Nord et l’Europe seront relativement moins concernés par le ralentissement chinois. Quant à l’Afrique, ce sont surtout les pays africains exportateurs de pétrole qui subiront les plus grosses pertes.
Face à cette situation alarmante, la priorité est de lutter contre la propagation de l’épidémie à l’ensemble de la planète. Les gouvernements ne doivent pas hésiter à prendre des mesures de confinement de grande envergure si nécessaire, à sensibiliser la population sur les précautions pour éviter la contagion, et à édicter toutes dispositions pour l’accueil des malades dans les hôpitaux. Ils doivent également initier des plans de relance économique. D’ores et déjà, la Réserve fédérale américaine a annoncé qu’elle allait injecter quotidiennement au moins 150 milliards de dollars dans le marché monétaire. La Banque centrale européenne et le G7 Finances vont se réunir cette semaine pour annoncer des mesures de relance. L’Italie a pris les devants en annonçant des dépenses de 3,6 milliards d’euros pour soutenir les entreprises et les salariés affectés par l’épidémie. L’Union européenne de son côté a créé un fonds pour soutenir l’économie d’un montant de 25 milliards d’euros.
Notre pays le Maroc, bien que moins touché ressent les effets de l’épidémie sur son économie. Les premiers secteurs exposés sont le tourisme, le transport et l’événementiel. La perte du nombre de touristes est estimé à plus de 50.000 pour les mois de Février et Mars 2020. Pour le transport aérien la RAM estime la baisse de trafic à plus de 30% du 1er Mars au 31 Mai 2020. Quant à l’événementiel, toutes les grandes manifestations ont été annulées, dont le stratégique Salon de l’agriculture de Meknès (SIAM). Le commerce extérieur marocain subit aussi les conséquences de l’épidémie notamment avec la Chine, d’où sont importés le thé vert, les produits industriels légers, les textiles, les produits mécaniques et électroniques. A noter que dans le cadre des efforts du gouvernement pour anticiper les répercussions économiques de la crise sanitaire du Covid-19, le ministère de l’économie et des finances a annoncé le 11 Mars 2020 la mise en place d’un Comité de veille économique qui regroupe plusieurs ministères ainsi que les représentants du secteur privé.
En conclusion, les leçons qu’on peut tirer de cette grave crise sanitaire sont multiples. Tout d’abord la priorité à accorder à la santé humaine par la formation, l’équipement des hôpitaux, et la recherche scientifique. Cette crise a montré que la mondialisation est réelle, et que tout événement important dans un pays a une répercussion sur les autres pays. D’où la nécessité de préserver le multilatéralisme et la solidarité internationale. Au lieu que chaque pays prenne des mesures nationales, il vaudrait mieux plus de concertation sur le plan régional et international, en coordination avec le G20, le FMI et la Banque mondiale. Rappelons que le G20 avait pris un part très active dans la résolution de la crise financière mondiale 2008-2009. Enfin, cette crise démontre l’importance de la recherche/développement dans les sciences médicales, et l’obligation de travailler ensemble pour trouver les solutions.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI