Le Sommet Israélo-Palestinien de Washington
Quelles chances de succès ?
Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Les efforts du Président Barack Obama ont finalement abouti à l’organisation d’un Sommet le 2 Septembre 2010 à Washington pour la reprise des négociations directes entre Israéliens et Palestiniens. Ont participé à ce Sommet outre le Président américain, le Premier ministre Benyamin Netanyahou, le Président palestinien Mahmoud Abbas ainsi que le Président d’Egypte et le Roi de Jordanie. On peut remarquer l’absence de l’Union européenne, qui n’est représentée que par Tony Blair dans le cadre du Quartette : Etats-Unis, Russie, Union européenne, ONU.
Ce n’est pas la première fois qu’Israéliens et Palestiniens se rencontrent pour négocier dans le conflit que les oppose depuis soixante ans. En effet dès 1993, l’Accord d’Oslo a permis la création de l’Autorité Palestinienne chargée d’administrer la Cisjordanie et la bande de Gaza dans le cadre d’une autonomie limitée. S’en est suivi en 1997 l’Accord d’Hebron qui a prévu le retrait des forces israéliennes de cette ville. Le Mémorandum de Wye River a donné lieu à un redéploiement des forces israéliennes et à la fixation d’un accord définitif en 1999. En 2000, le Sommet de Camp David a échoué du fait principalement de l’absence d’un accord sur le statut de Jérusalem. Le Quartette a émis en 2003 une Feuille de route recommandant l’arrêt de la violence par les Palestiniens, et la fin de la colonisation juive dans les territoires occupés. La Conférence d’Annapolis de 2007 n’a pas donné de résultats concrets. Enfin toute négociation entre Israéliens et Palestiniens a été interrompue après l’agression israélienne sur Gaza pendant l’hiver 2008-2009. Dès son accession à la présidence américaine, le Président Barack Obama, a mis la résolution du conflit israélo-palestinien parmi ses priorités. Il a nommé Georges Mitchell comme son envoyé spécial au Moyen-Orient. Ce diplomate chevronné n’a cessé depuis sa nomination à faire la navette entre les dirigeants israéliens et palestiniens, afin de les amener à reprendre les négociations directes.
Quelles sont les chances de succès du Sommet de Washington ?
Les Américains ont prévu un délai d’un an pour parvenir à un accord définitif. Après le Sommet de Washington, une nouvelle réunion est prévue les 14 et 15 Septembre 2010 à Charm El Cheikh en Egypte. Le Président Abbas et le Premier ministre Netanyahou ont prévu de se rencontrer par la suite tous les quinze jours pour faire le point des négociations. Il faut dire que les obstacles sont très importants. Durant les soixante dernières années du conflit israélo-palestinien, les problèmes se sont accumulés et sont devenus de plus en plus complexes. Le premier problème à résoudre est celui des colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. En effet après la Guerre des six jours en 1967, Israël a occupé le Sinaï, la bande de Gaza, Jérusalem-Est et le plateau du Golan. Si les problèmes de Sinaï et de la bande de Gaza ont été résolus en 1979 et en 2005, la Cisjordanie et Jérusalem-Est continuent d’être parsemés de nombreuses colonies Israéliennes. Certes, le gouvernement israélien a prononcé un moratoire pour de nouvelles implantations jusqu’au 26 Septembre 2010, mais n’a pris aucun engagement au-delà de cette date. Le Président Mahmoud Abbas a répété à plusieurs reprises que si Israël reprend la colonisation après le 26 Septembre 2010, les Palestiniens se retireront des négociations. Déjà Ce premier obstacle risque de faire capoter les pourparlers.
Le deuxième problème très sensible est celui du statut de Jérusalem. Après l’occupation de cette dernière ville par Israël en 1967, le Parlement Israélien l’a érigé en 1980 en « capitale éternelle de l’Etat juif ». Les Palestiniens de son côté veulent faire de Jérusalem-Est la capitale de leur futur Etat. Une autre question importante à résoudre est celle du contrôle de lieux saints chrétiens, musulmans et juifs. Non moins important est le problème des réfugiés palestiniens qui sont au nombre de quatre à cinq millions. En effet, suite à la guerre israélo-arabe de 1949 et aux autres guerres qui ont suivi, les Palestiniens ont dû s’exiler de leur terre natale vers principalement les pays arabes voisins : Liban, Jordanie, Syrie. La Résistance palestinienne n’a cessé durant les soixante dernières années à réclamer le droit au retour de ces exilés vers leur patrie d’origine. Netanyahou de son côté veut que les Palestiniens reconnaissent Israël comme « Etat-nation du peuple juif », d’où le refus du retour massif des réfugiés palestiniens en Israël. Le quatrième problème et non des moindres est la délimitation des frontières du futur Etat palestinien. Le Président Mahmoud Abbas demande la constitution d’un Etat palestinien viable sur la base des frontières d’avant 1967. Israël du fait des importantes colonies juives (230.000 en Cisjordanie) et pour des raisons de sécurité, souhaite une rectification des frontières de 1967, d’autant plus qu’il a construit un mur de protection qui empiète sur le territoire palestinien.
Comme on le voit les obstacles sont nombreux, auxquels il faut ajouter les extrémistes des deux bords : l’extrême-droite israélienne qui fait partie du gouvernement Netanyahou, et le Hamas qui contrôle la bande de Gaza, et qui ne reconnaît pas Israël. C’est pourquoi on ne peut écarter un certain scepticisme quant à des résultats concrets d’ici une année. Aussi, faut-il une pression très forte de la communauté internationale sur les deux parties pour les amener à faire des concessions. La clé de ces négociations est entre les mains des Etats-Unis, qui seuls ont les moyens de faire pression sur Israël pour l’amener à faire des concessions. Si les Etats-Unis se contentent d’un rôle d’observateur, les négociations seront vouées à l’échec. L’Union européenne peut également jouer un certain rôle, bien qu’elle ait été écartée en ce début des négociations. Le prochain Sommet de l’Union pour la Méditerranée en Novembre 2010 à Barcelone pourrait être l’occasion de s’impliquer davantage dans la résolution du problème israélo-palestinien. On peut recommander également qu’à l’issue des négociations bilatérales entre Israéliens et Palestiniens, une Conférence internationale sous l’égide des Etats-Unis et du Quartette puisse se réunir, pour apporter un point final aux négociations et contribuer à solutionner les questions non résolues.
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