Suspension de la contribution américaine à l’OMS
Quel avenir pour les organisations internationales ?
Par Jawad KERDOUDI
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Après avoir menacé le 8 Avril 2020 de suspendre la contribution des Etats-Unis à l’OMS (Organisation mondiale de la Santé) Donald Trump est passé à l’acte le 14 Avril 2020. Le Président américain reproche à l’OMS une mauvaise gestion de la pandémie du coronavirus, de fausses informations sur la transmission et la mortalité du Covid-19, et enfin sa complaisance vis-à-vis de la Chine.
Rappelons que l’OMS qui est une filiale de l’ONU a été créée en 1948 pour servir d’autorité directrice et coordinatrice en matière de santé internationale. Actuellement, l’OMS compte 194 Etats membres et est dirigé par l’Ethiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus. Son financement est assuré par deux sources principales : les contributions obligatoires des pays membres, et les contributions volontaires en provenance des gouvernements, des organisations philanthropiques et des dons privés. Les Etats-Unis sont le premier contributeur de l’OMS avec une enveloppe d’environ 500 millions de dollars, loin de la Chine qui ne contribue qu’à raison de 60 millions de dollars. Concrètement, l’OMS coordonne les efforts internationaux sur des questions telles que la recherche de vaccins, l’achat d’équipements de protection individuelle pour le personnel de santé, et la fourniture d’assistance technique et d’experts pour aider les pays à faible revenu à lutter contre les pandémies.
L’OMS a commis peut être des erreurs dans la gestion de la crise du coronavirus, mais Donald Trump lui-même déclarait en Février 2020 que « le risque de contamination est très faible et qu’il n’y a pas de raison de paniquer ». Il apparaît que le Président américain cherche à rediriger vers l’OMS les accusations d’impréparation de son administration face à la pandémie qui a provoqué 25.000 décès aux Etats-Unis au 14 Avril 2020. Ce qu’on peut reprocher le plus à Donald Trump, c’est sa décision de suspendre la contribution américaine en pleine épidémie du coronavirus qui frappe le monde entier. C’est ce qu’exprime António Guterres Secrétaire de l’ONU qui a déclaré « Ce n’est pas le moment de réduire le financement de l’OMS combattent le coronavirus, une fois tournée la page de l’épidémie, il y aura un temps pour revenir et pour comprendre comment une telle maladie a pu répandre sa dévastation aussi rapidement à travers le monde ». La réaction internationale fût unanime pour regretter ou déplorer la décision du Président américain. Ce fût le cas de l’Union africaine et de l’Union européenne, mais aussi celle des pays comme l’Allemagne, la Chine, la France et la Russie. Le Directeur de l’OMS a dénoncé pour sa part les Etats qui politisent le virus. Ce qu’il faut espérer, c’est que l’OMS ne réduise pas ses efforts dans les mois à venir, surtout que la pandémie est à ses débuts en Afrique qui a besoin d’aide en personnel médical et équipements pour juguler le virus.
L’OMS n’est pas la seule victime de Donald Trump. Durant la campagne électorale, le Président américain avec son slogan « America first » n’a cessé d’attaquer les organisations internationales et de fustiger le multilatéralisme et l’aide au développement. C’est ainsi qu’il a considéré que l’ONU « ne sert à rien et coûte cher ». Dès sa prise de fonctions en Janvier 2017 il a exigé la renégociation de l’ALENA, accord de libre-échange américain qui regroupe les Etats-Unis, le Canada et le Mexique. Il a fait retirer les Etats-Unis du TPP, traité de libre-échange Asie-Pacifique que Barack Obama avait signé avec 11 pays asiatiques pour contrebalancer l’influence de la Chine. En Juin 2017, il a retiré les Etats-Unis de l’Accord de Paris sur la lutte contre le changement climatique, le qualifiant de « très injuste » du fait « qu’il va permettre aux autres nations de prendre avantage sur l’industrie américaine ». En Mai 2008, ce fut le tour de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien, le qualifiant de « pire traité jamais négocié par les Etats-Unis ». En Août 2018, il s’est attaqué à l’OMC (Organisation mondiale du Commerce) qu’il a accusé de « traiter très mal les Etats-Unis ». En Décembre 2018, il a retiré les Etats-Unis de l’UNESCO l’accusant de prendre des résolutions anti-israéliennes. Enfin en Décembre 2019, il a refusé de designer les juges américains pour paralyser l’ORD (Organe de règlement des différends de l’OMC).
La Communauté internationale ne peut rester sans réaction devant l’offensive de Donald Trump contre les organisations internationales. Ces institutions sont indispensables pour lutter contre les fléaux qui concernent le monde entier, comme le changement climatique et les pandémies. Elles sont nécessaires également pour réglementer le commerce international pour défendre les intérêts des pays petits et moyens. Elles contribuent comme l’UNESCO à la diffusion sur le plan mondial de la culture, de l’éducation et de la science. Elles sont aussi comme l’ONU le seul lieu où tous les dirigeants du monde se rencontrent une fois par an pour discuter des questions communes. Elles ont été créées dans un élan généreux insufflé alors par les Etats-Unis à l’issue de la seconde guerre mondiale. Après cette pandémie du coronavirus comparé par certains à une troisième guerre mondiale, il y a lieu de réfléchir à la régénération des organisations internationales en les réformant, et en révisant leur mode de financement pour ne plus dépendre d’un seul Etat. La réforme la plus urgente est celle de l’ONU où le droit de véto de cinq pays au Conseil de sécurité n’est plus possible. Ce sera certes difficile si Donald Trump est réélu à la présidence des Etats-Unis en Novembre prochain. Mais même avec lui, il faut passer outre en conjuguant les efforts de l’Afrique, de l’Asie et de l’Europe. C’est l’avenir de toute l’humanité qui est en jeu.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI