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COVID 19 : COMMENT RENFORCER LA RESILIENCE DE VOTRE ENTREPRISE

Par Mr Omar FILALI
Fondateur et Directeur général de Navitas Consulting

La crise engendrée par la pandémie du Covid 19 est une circonstance sans pareil pour le milieu des affaires. Comment gérer son entreprise dans un monde économique en mode dégradé ? Quelles sont les priorités du moment et quelle stratégie pour la relance, sont autant de questions auxquelles tente de répondre M. Omar Filali, Consultant Sénior et fondateur de Navitas Consulting. Entretien

La Vie Eco : Dans le contexte actuel quelle lecture faites vous de l’environnement des affaires ?

Omar Filali : La situation que nous vivons est sans précédent. Le système économique mondial est quasiment à l’arrêt. Nous observons, face à la pandémie, l’impuissance de certaines économies nanties à sauver des vies et l’incapacité de leurs systèmes sanitaires à prévenir ce genre de risque et trouver des solutions efficaces. Cela interpelle une réflexion sur le rôle de la culture dans la capacité à gérer les crises. Dans le cas présent, les nations qui privilégient le groupe par rapport à l’individu se sont distinguées dans la maîtrise de la courbe épidémique et la protection de leurs populations. Cependant, la culture n’est que l’une des causes ayant contribué à contenir la maladie et l’on constate qu’en plus d’un système sanitaire et thérapeutique fort, la technologie a contribué de manière significative à ces réussites. A l’échelle de notre pays, cette crise nous rappelle que le Royaume est un pays efficacement administré et que la capillarité du système bureaucratique, au bon sens du terme,participe, aujourd’hui, à sauver des vies dans les villes, les douars et les ksars les plus reculés. Notre culture arabo-berbère imprégnée des valeurs de l’Islam privilégie le groupe par rapport à l’individu. Et la restriction des libertés individuelles est plutôt bien perçue par les populations malgré quelques troubles mineurs localisés et en marge du consensus national. En quelques jours, nous avons été capables de légiférer et de mettre en œuvre des actions proactives et courageuses pour protéger la population : fermeture des frontières, arrêt du trafic aérien, fermeture des écoles, restriction progressive des déplacements urbains et interurbains. Nous observerons certainement avec attention l’efficacité de ces actions dans le temps.

* Quelle est selon vous la réaction des entreprises face à cette situation inédite ?
Aucun entrepreneur, ni aucun décideur n’a été formé ni entraîné à faire face à une telle catastrophe. C’est pour cela que nous avons lancé un sondage auprès d’une centaine d’opérateurs pour voir comment les managers ont réagi et dans quelle mesure leurs organisations respectives étaient plus ou moins préparées. Il s’agit de savoir quelles sont les actions menées pour riposter à ce phénomène catastrophique inédit. Nous publierons les résultats de ce sondage durant la seconde décade de ce mois sur www.navitasconsulting.net et les partagerons avec les répondants et les médias. Les premiers résultats indiquent que des entreprises d’une certaine taille disposaient de plans de crise génériques ou spécifiques, qu’elles ont dû s’adapter à la situation. Quant aux entreprises de moindre envergure et à l’exception d’une minorité d’entre elles, celles-ci ont subi l’impact de la pandémie de plein fouet avec un arrêt brutal de leurs activités ou une baisse drastique de leur chiffre d’affaires. Il est à signaler aussi que de rares entreprises ont anticipé la présente crise et pris des mesures de manière proactive grâce à leur contact avec certains pays touchés de plein fouet par la pandémie.

* Comment gérer selon vous l’entreprise dans ce climat économique ?
L’incertitude de l’environnement met l’entreprise face à une situation complexe. Le mode de gestion doit rapidement passer d’une organisation hiérarchique et / ou fonctionnelle à un mode de gestion par projet. Certains secteurs économiques fonctionnent naturellement en mode projet (ESN, BTP par exemple). D’autres devront adapter leurs procédures et processus au contexte nouveau. Parallèlement à cela, l’entreprise devra accélérer sa digitalisation et dématérialiser ses processus clés de manière à encourager le télétravail. Ici, l’organisation (l’allocation de ressources à long terme), la coordination (l’allocation tactique des ressources) et la communication efficaces jouent un rôle clé.

* Quelles sont les priorités auxquelles il faut s’atteler pour tenir le cap ?
Tout d’abord, il est nécessaire de garantir la sécurité sanitaire des équipes. La protection sanitaire passe par une sensibilisation efficace et permanente et une discipline de fer dans l’exécution du plan d’hygiène sanitaire de l’entreprise. La sécurisation sanitaire des équipes passe également par l’encouragement du télétravail. Les collaborateurs pour lesquels il est nécessaire d’être présents sur le lieu du travail devront, autant que se peut et chaque soir, retourner chez eux avec leurs ordinateurs et l’ensemble des documents ou autres matériels essentiels pour l’exercice de leurs fonctions. Une fois la sécurité des collaborateurs garantie, il y a lieu de mettre en branle un plan de crise piloté par une cellule idoine dont le rôle est de s’assurer de la continuité des activités. Les capacités d’accès à distance seront certainement éprouvées par la multiplication des connexions. Il sera nécessaire de vérifier que les accès sont sécurisés et suffisants. Pour les capacités des réseaux, tenir compte des vidéoconférences qui sont généralement plus consommatrices de débit que les autres liaisons. Si nécessaire, pour les entreprises pour lesquelles les communications téléphoniques sont importantes, il serait utile d’étendre les réseaux IP (Internet Protocol) aux personnes travaillant en mode éloigné. Le plan de continuité devra également intégrer une coordination parfaite avec les prestataires tout en vérifiant leur capacité à gérer leur propre continuité et en recherchant des partenaires alternatifs en cas de défaillance.

* Quels sont à votre avis les scénarios de sortie de crise ?
En l’absence de données factuelles, il serait hasardeux de se prononcer sur les scénarios de sortie de crise. Mais nous pouvons contribuer à la réflexion en proposant une démarche pouvant aboutir à une meilleure visibilité. Nous nous intéresserons à l’analyse de quelques signaux faibles. Le premier signal est l’indication par le ministère de la Santé de l’émergence de foyers familiaux. Ce phénomène a poussé les autorités sanitaires à devenir plus proactives sur le terrain de la lutte contre la maladie. Le second signal est l’instauration du port du masque. Ces deux signaux vont dans le sens d’un resserrement des mesures sanitaires. Troisième signal, c’est la décélération des cas déclarés entre le 7 et le 9 avril. Vu ces éléments, l’on pourrait, sous toutes réserves, imaginer une levée des mesures sanitaires progressivement à partir de la fin mai. D’ici là, il va falloir être à l’écoute des statistiques des cas déclarés et détecter une éventuelle reprise des contagions notamment en raison du défaut de maîtrise des cas asymptomatiques. Si tout se passe bien, le rétablissement progressif du système de transport interurbain et urbain devrait intervenir entre la deuxième décade de juin et la mi-août. Puis progressivement, l’on procéderait à l’ouverture des frontières de manière prudente en commençant par les pays indemnes. Le retour à la normale au plan économique ne pourrait se faire que progressivement à partir de fin août et pourrait s’étaler sur toute l’année 2021.Bien entendu, ceci demeure un scénario dépendant de plusieurs hypothèses de travail que l’on devra valider au fur et à mesure de l’avancement dans le temps.

* Quelles stratégies à mettre en œuvre pour la relance ?
Pour la relance, un seul maître mot : la préparation. Pour les entreprises contraintes de lutter pour leur survie, celles-ci devront reconsidérer leur modèle de création de valeur et envisager de nouvelles possibilités de rebondir de manière créative. Si ce n’est pas réalisable, il sera prioritaire de limiter les dégâts et notamment au vu des risques juridiques et financiers qu’elles encourent. Pour les entreprises en situation de continuité, il va falloir renforcer les positions sur leur marché et défendre leur territoire. Une revue du business model devrait permettre d’identifier les produits, biens ou services, les plus viables ou à développer. Peut-être cette crise a-t-elle révélé de nouvelles opportunités et de nouveaux risques qu’il faudra analyser. Par la suite, il va falloir envisager plusieurs scénarios de déconfinement (progressif, stop and go ou localisé) et préparer des plans d’actions idoines.

Enseignements
‘’Dans tous les cas, cette crise aura été pleine de leçons à retenir’’, souligne le consultant. Il met en exergue, à ce sujet, les points suivants :
1/ Ca n’arrive pas qu’aux autres. L’effet papillon d’un évènement sans intérêt à des milliers de kilomètres peut avoir des effets catastrophiques
2/ Le plan de continuité d’activité n’est pas un luxe. Toutes les entreprises y compris les plus petites devraient se doter de plan en cas de rupture soudaine d’activité
3/ Gérer la relation et non la transaction. Beaucoup d’entreprises auront dépassé ce cap difficile grâce au maintien d’une relation équilibrée avec leurs clients et fournisseurs
4/ Changer. La digitalisation forcée a démontré qu’il est possible de changer, de tout remettre en cause lorsque cela se révèle nécessaire
5/ Le capital humain. L’Homme est au cœur du système entreprise et c’est grâce aux hommes et aux femmes qui la composent que l’on peut envisager l’avenir.

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