Islam et Occident
Pour une compréhension réciproque
Par Jawad Kerdoudi Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
L’antagonisme entre l’Islam et l’Occident ne date pas d’aujourd’hui. Il a été marqué tout au long de l’histoire par des conflits à répétition. L’Islam dès son apparition au VIIème a connu une expansion extraordinaire, qui l’a mené jusqu’à l’Europe méridionale englobant l’Espagne, le Portugal, le sud de la France et la lisière occidentale de l’Italie. L’Occident chrétien devant le succès grandissant de cette nouvelle religion monothéiste, entreprit des croisades dans les lieux saints du XIème au XIIIème siècle. La riposte de l’Islam se fit par l’Empire Ottoman qui régna sur plusieurs pays d’Europe du XIIIème au XXème siècle. Le colonolisme européen de son côté s’empara à partir du XIXème siècle de plusieurs pays musulmans, qui ne conquirent leur indépendance qu’au XXème siècle.
Le XXème siècle connût une trêve relative entre l’Islam et l’Occident qui a été rompue par les attentats du 11 Septembre 2001 aux Etats-Unis. Aussi durant la dernière décennie, une crispation persistante entre les deux parties s’est développée particulièrement en Europe et aux Etats-Unis. On peut citer à titre d’exemple les attentats terroristes à Madrid et à Londres d’un côté, et les provocations contre l’Islam de l’autre côté. C’est ainsi que des caricatures contre le Prophète Mohamed ont été publiées en 2006 au Danemark, et qui ont été reprises par d’autres organes de presse étrangers. Des mesures d’interdiction de la construction de minarets ont été prises en Suisse, tandis que le Belgique et la France ont légiféré contre le port de la « Burqua », voile qui couvre tout le visage de la femme. Plus grave encore, un pasteur américain de Floride a menacé de brûler des exemplaires du Coran le 11 Septembre 2010. D’autre part, une opposition très forte est née à New-York contre le projet de construction d’un Centre culturel musulman comprenant une mosquée dans le quartier de « Ground zéro », où ont eu lieu les attentats du 11 Septembre 2001.
Outre l’histoire lointaine, on peut expliquer l’antagonisme Islam/Occident par plusieurs raisons. Tout d’abord des raisons politiques. Le monde musulman a été et reste outré par l’appui inconditionnel accordé à Israël par l’Occident dans le conflit israélo-arabe. Ce drame qui dure plus d’un demi-siècle est très sensible dans toutes les sociétés musulmanes, et seule sa solution définitive pourra améliorer les relations entre l’Occident et le monde musulman. L’invasion américaine de l’Irak et de l’Afghanistan est également ressentie comme une provocation en terre d’Islam, et plusieurs jeunes musulmans sont allés combattre les troupes d’occupation dans ces pays. Outre ces raisons objectives, le monde musulman a souffert de l’arrogance des Etats-Unis du temps de l’ex-président Bush, qui a mis le feu aux poudres par ses déclarations intempestives. D’autres raisons sont économiques et sociales. Sur le plan économique, alors que l’Occident bénéficie d’une prospérité relative, la plupart des pays musulmans vivent dans la pauvreté et la misère. Enfin sur le plan social, la liberté des mœurs en Occident, et surtout les autorisations de mariage d’homosexuels sont très mal comprises par les pays musulmans.
Que faire pour diminuer la tension entre l’Islam et l’Occident ?
On peut placer en premier lieu la résolution du conflit israélo-arabe et la fin de l’occupation militaire de l’Irak et de l’Afghanistan. Une lueur d’espoir est née avec l’élection à la présidence américaine de Barack Obama. Ce dernier, contrairement à l’ex-président Bush veut rétablir de bonnes relations avec le monde musulman. Il s’active pour la résolution du conflit israélo-palestinien, et a promis l’évacuation prochaine des troupes américaines d’Irak et d’Afghanistan. C’est ainsi qu’à la veille de l’anniversaire du 11 Septembre 2001, il a lancé un appel à la tolérance religieuse. Il a indiqué clairement que l’ennemi de l’Amérique est « Al Qaida » et non l’Islam. Il a condamné fermement la menace du pasteur de Floride de brûler des exemplaires du Coran, et affirmé que les musulmans comme les autres croyants ont le droit de construire des lieux de culte aux Etats-Unis. Sur le plan économique, il a pris plusieurs initiatives pour développer l’entreprenariat dans le monde musulman.
Les pays musulmans doivent également faire leur auto-critique. Ils doivent intensifier partout l’éducation et le développement économique et social, qui seuls peuvent permettre l’instauration de la démocratie, de l’Etat de droit, et du respect des libertés individuelles et collectives. Ils doivent condamner plus fermement les actes terroristes, et prendre toutes mesures pour lutter contre l’intégrisme et le fanatisme à l’intérieur comme à l’extérieur de leur pays. Sur le plan médiatique, ils doivent développer les efforts pour mieux faire connaître l’Islam, religion de paix et de tolérance. L’Organisation de la Conférence islamique (OCI), doit sortir de son mutisme, et jouer d’une façon plus dynamique son rôle de « défense des intérêts et du progrès des musulmans dans le monde ».
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI