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La nouvelle Constitution algérienne
Quelle évaluation ?

Par Jawad KERDOUDI
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)


Un référendum a eu lieu Dimanche 1er Novembre 2020 afin de permettre à la population algérienne de se prononcer sur une révision de la constitution. Le corps électoral a enregistré 23,5 millions d’inscrits, alors que le nombre de votants n’a été que de 5,5 millions, il en résulte un taux de participation de 23,70%. La révision de la constitution a été adoptée par 66,80% des votants, alors que les votes négatifs ont atteint 33,20%.

Le taux de participation de 23,70% est le plus faible de toutes les élections et les référendums qui ont eu lieu en Algérie depuis l’indépendance. Pour expliquer ce faible taux il faut revenir aux événements qui ont eu lieu en Algérie en 2019. En effet depuis le 16 Février 2019 s’est déclanché le « Hirak » qui désigne une série de manifestations populaires de grande envergure. Elles ont eu pour cause la candidature de Abdelaziz Bouteflika pour un cinquième mandat. Les revendications des manifestants concernent la mise en place d’une deuxième République, la lutte contre la corruption, la dissolution du FLN, et la libération de tous les détenus d’opinion. En outre, les manifestants réclament le départ de tous les dignitaires du régime, et la mise en œuvre de profondes réformes. Le Hirak ayant pris beaucoup d’ampleur, a conduit Bouteflika à démissionner le 2 Avril 2019. Ce fût Abdelkader Bensalah en tant que Président du Conseil de la nation qui a assuré la présidence par intérim. Les manifestants continuent cependant à se mobiliser en réclamant une période de transition pour convoquer une Assemblée constituante ou des législatives anticipées. L’armée rejette toute transition et procède à l’arrestation de plusieurs dignitaires du régime dont Said Bouteflika, ainsi que les opposants et autres figures du mouvement dont des journalistes et des activistes. Le Président par intérim annonce l’organisation des élections présidentielles qui ont eu lieu le 12 Décembre 2019, et qui ont donné la victoire à Abdelmajid Tebboune qui a été plusieurs fois ministre et Premier ministre sous la présidence de Bouteflika. Le Chef d’état-major de l’armée algérienne Ahmed Gaid Salah qui a joué un grand rôle pendant toute la période du Hirak est mort le 23 Décembre 2019.
Le Président Tebboune qui essaie de récupérer le Hirak décrète que le 22 février de chaque année sera fêté en tant que « Journée nationale de la fraternité et de la cohésion entre le peuple et son armée pour la démocratie ». Malgré cette annonce, les manifestations reprennent les 21 et 22 Février 2020, jusqu’au 17 Mars 2020, date à laquelle le Président Tebboune « interdit toutes les marches et rassemblements quelque soient leurs motifs » pour cause de pandémie du coronavirus qui a frappé également l’Algérie. Ceci alors que les poursuites et les procès continuent contre les militants, les journalistes et les partisans du mouvement du Hirak appuyés par de nouvelles lois criminalisant la diffusion de « fausses nouvelles » et les « discours de haine ».
Ayant promis une nouvelle constitution, le Président Tebboune met en place le 8 Janvier 2020 une Commission d’experts de 17 membres dont une majorité de professeurs de droit constitutionnel, chargée d’émettre des propositions pour une nouvelle constitution. L’avant-projet de la révision de la constitution est publié le 7 Mai 2020. Le 24 Août 2020 Tebboune fixe la date du référendum le 1er Novembre 2020, jour anniversaire du début de la guerre d’indépendance de l’Algérie. Au 12 Septembre 2020, le projet de constitution a été adopté par le Conseil des ministres, l’Assemblée populaire nationale et le Conseil de la nation. Le projet de révision de la constitution prévoit de désigner le Chef de l’exécutif « Premier ministre » si le parti présidentiel détient la majorité parlementaire ou « Chef de gouvernement » si un autre parti détient la majorité. Le Chef de l’exécutif est responsable devant l’Assemblée qui peut le renverser par une motion de censure. Le projet prévoit la limitation des mandats présidentiels à deux, ainsi que la limitation du mandat de député à une réélection.
L’immunité parlementaire des députés ne concerne que l’exercice de leurs fonctions. Par ailleurs le Hirak serait inscrit en préambule de la constitution, et l’armée autorisée à participer à des théâtres d’opérations à l’étranger. L’autorité nationale indépendante des élections (ANIE) est constitutionnalisée et la possibilité de légiférer par ordonnance durant les vacances parlementaires est abrogée. Le texte propose également un renforcement des droits et libertés publiques, et l’abrogation de l’article limitant la participation des binationaux à la vie publique. De fait la nouvelle constitution maintient l’essentiel du régime présidentiel et élargit même les prérogatives de l’armée.
En conclusion, l’abstention record du peuple algérien (76,3%) au scrutin du 1er Novembre 2020 constitue un désaveu cinglant au président Abdelmajid Tebboune qui avait fait de la révision de la constitution son projet phare. Les protestataires du Hirak ont rejeté sur « le fond et la forme » une initiative perçue comme un « changement de façade ». La collusion entre l’armée et certains partis politiques (FLN et RND) a résisté jusqu’à maintenant au Hirak, qui réclame le démantèlement du système mis en place depuis 1962. Cependant, l’avenir politique de l’Algérie est incertain surtout que le Chef de l’Etat a été transféré le 28 Octobre 2020 en Allemagne pour des examens médicaux approfondis après l’annonce de cas suspects de la maladie du Covid 19 dans son entourage.

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