Relations internationales
Quelles perspectives pour 2021 ?
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Le monde a été frappé en 2020 par une grave crise sanitaire qui a eu des répercussions considérables sur le plan économique et social. Né en Décembre 2019 à Wuhan en Chine, le virus Covid 19 s’est propagé dans la quasi-totalité des pays de la planète. Très contagieux, il a contaminé au 3 Janvier 2021 plus de 84 millions de personnes en causant la mort de plus de 1,8 million de malades. Les pays le plus touchés au niveau de la contamination sont les Etats-Unis, l’Inde, le Brésil, la Russie et la France. Après avoir essayé plusieurs traitements, les scientifiques ont réussi dans un laps de temps très court la fabrication de vaccins anti-covid qui ont commencé à être inoculés au mois de Décembre 2020 dans plusieurs pays. L’impact de la pandémie a causé une récession de l’économie mondiale de -4,4% en 2020. On ne sait pas valeur aujourd’hui si les vaccins vont être efficaces pour stopper la pandémie. Dans sa dernière évaluation le FMI a prévu une croissance de l’économie mondiale en 2021 de +5,2%.
Outre la crise sanitaire qui sera une priorité pour tous les dirigeants du monde, l’année 2021 va être marquée par plusieurs événements. En Afrique, la ZLECA (Zone de Libre-échange Continentale africaine) est entrée en vigueur le 1er Janvier 2021. Son objectif est de parvenir à une libre circulation des biens et des services avec une suppression de 90% des droits de douane pendant une période de 5 à 15 ans. Le but principal est de promouvoir le commerce inter-africain qui n’est que 16% alors que le commerce inter-européen est de 67%. Les autres objectifs sont l’augmentation de la production industrielle, la création de chaînes de valeurs transnationales et l’amélioration de la compétitivité. Tous ces éléments vont contribuer à accélérer les IDE en Afrique. Cependant beaucoup de travail reste à faire tels que l’établissement des règles d’origine, les offres tarifaires que chaque pays doit soumettre, et le développement des infrastructures notamment des transports transnationaux.
Le 1er Janvier 2021 a été également la date de la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne. Rappelons que le Royaume-Uni avait adhéré au Marché Commun européen en 1973, mais le référendum du 23 Juin 2016 a opté pour le Brexit avec une faible majorité de 51,9%. Il a fallu quatre années de négociations laborieuses pour parvenir à l’Accord du 24 Décembre 2020 entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Cet Accord prévoit une zone de libre-échange entre les deux entités moyennant le respect par le Royaume-Uni des normes environnementales, sociales et fiscales, appliquées dans l’Union européenne. Cet Accord prévoit également le droit de pêche des européens dans les eaux territoriales britanniques pendant une période de 5 ans et demi, avec une diminution des prises de 25%. A noter que les services notamment financiers ne font pas partie de l’Accord. L’avenir montrera si le Brexit a été une bonne décision pour le Royaume-Uni. Quant à l’Union européenne, elle pourra profiter du Brexit pour approfondir son unité. Une avancée importante a été réalisée le 21 Juillet 2020 avec l’adoption d’un Plan de relance européen de 750 milliards d’euros dont 390 milliards sous forme de prêts, et 360 milliards sous forme de subventions aux pays membres qui ont le plus souffert du Covid 19. Ce plan sera financé pour la première fois par un emprunt en commun.
Le 20 Janvier 2021 entrera en fonctions à la présidence des Etats-Unis Joe Biden et Kamala Harris. Biden a en effet gagné les élections présidentielles du 3 Novembre 2020 et a été élu par le Collège électoral le 14 Décembre 2020 en emportant 306 grands électeurs. Fin connaisseur des relations internationales, il a présidé la Commission des affaires étrangères du Sénat en 2002. Il veut faire jouer aux Etats-Unis un rôle de premier plan "pour instaurer des règles, signer des accords et animer les institutions internationales, afin de faire progresser la sécurité et la prospérité collectives ". C’est ainsi qu’il va faire réintégrer les Etats-Unis dans l’Accord de Paris sur le climat, et compte investir 2.000 milliards de dollars dans les quatre ans pour un plan colossal de lutte contre le réchauffement climatique. Il va annuler la procédure de retrait des Etats-Unis de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Il s’est engagé à accueillir un Sommet mondial pour la démocratie dont l’objectif est de lutter contre la corruption, l’autoritarisme, et pour la promotion des droits de l’homme. Il veut renforcer le partenariat avec les alliés traditionnels des Etats-Unis, et notamment dans le cadre de l’OTAN.
Il considère la Chine comme le plus grand concurrent de l’Amérique, et a promis de conduire son pays à gagner la compétition en s’engageant à investir massivement dans les nouvelles technologies. Il prévoit de travailler avec ses alliés en désaccord avec Pékin pour mettre une pression collective sur son rival. Il souhaite mettre fin aux guerres au Moyen-Orient (Afghanistan, Irak, Yémen) et renouer avec l’Accord sur le nucléaire iranien si l’Iran respecte à la lettre les dispositions de cet accord. Sur le conflit israélo-palestinien il se déclare favorable à la solution à deux Etats, souhaite renouer avec les Palestiniens et renouveler le financement américain à l’UNRWA. Enfin il prévoit d’adopter une politique plus dure vis-à-vis de la Russie tout en poursuivant la voie de la réduction des armes stratégiques avec ce dernier pays.
Au début de l’année 2020, l’image de la Chine s’est un peu ternie du fait que le Covid 19 est né dans la province de Wuhan, et que des manquements de la part des autorités chinoises ont permis à l’épidémie de se transformer en pandémie avec des graves conséquences sur l’économie mondiale. Le leadership de la Chine semblait confronté à une profonde crise de confiance, du fait de la guerre commerciale avec les Etats-Unis, la répression énergique du mouvement démocratique à HongKong, et des conséquences économiques du Covid 19. Cependant en mettant en œuvre des mesures radicales, l’Etat chinois a rapidement contenu le Covid 19 et a remis l’économie sur la bonne voie avec une croissance de 1,9% en 2020 et 8,2% en 2021. En Novembre 2020, la Chine a signé le Partenariat régional économique global (RCEP) qui regroupe l’Asean, l’Indonésie, Singapour et le Vietnam ainsi que d’importants alliés américains : le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle Zélande. A noter que les Etats-Unis ne sont pas signataires de cet Accord. La Chine se trouve donc en ce début de l’année 2021 en position confortable pour étendre son influence dans le monde, et remobiliser son programme des nouvelles routes de la soie.
En conclusion, l’année 2021 sera marquée par l’espoir de mettre fin à la pandémie du Covid 19 grâce à la vaccination de masse. L’autre volet important sera la politique étrangère du Président Biden dans la mise en application de son programme relatif aux relations internationales.
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