Assaut du Capitole
La résilience de la démocratie américaine
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Les élections présidentielles américaines du 3 Novembre 2020 ont donné une large victoire au démocrate Joe Biden contre le président sortant Donald Trump. C’est ainsi que Joe Biden a obtenu plus 7 millions de voix que son concurrent, et s’est adjugé le vote de 306 grands électeurs contre 232 pour son adversaire républicain. Donald Trump n’a cessé depuis la proclamation des résultats de contester l’élection faussée d’après lui par de nombreuses fraudes. Ses avocats ont déposé une cinquantaine de recours juridiques qui ont été tous rejetés par les tribunaux y compris la Cour Suprême. Le 14 Décembre 2020 le Collège électoral a officialisé la victoire de Joe Biden. Selon la procédure en cours aux Etats-Unis, le Congrès s’est réuni au Capitole le 6 Janvier 2021 pour certifier les résultats du vote du Collège électoral.
Quelques jours avant la session du Congrès du 6 Janvier, Donald Trump demande au Vice-Président Mike Pence en tant que président du Sénat de rejeter la victoire du président élu Joe Biden, et multiplie les tweets pour appeler à un rassemblement de ses supporteurs à Washington D.C. Au matin du 6 Janvier, il harangue la foule réunie devant la Maison Blanche à « marcher sur le Capitole » en protestation contre le résultat de l’élection présidentielle de 2020. Alors que le Congrès était en session au Capitole pour le décompte des voix du Collège électoral, plusieurs émeutiers débordent les forces de l’ordre en cassant des vitres et en enfonçant des portes, et réussissent à pénétrer à l’intérieur du bâtiment.
Les Sénateurs, les membres de la Chambre des représentants ainsi que les journalistes sont évacués pour assurer leur sécurité. Les émeutiers prennent d’assaut les bureaux de la présidente de la Chambre, et la salle de Congrès où se déroulait la session de décompte des voix. La Garde nationale arrive en renfort sur les lieux, et permet aux forces de l’ordre de reprendre le contrôle du bâtiment en fin d’après-midi forçant les émeutiers à quitter le Capitole. La séance du Congrès reprend dans la nuit, et après la fin du décompte, Mike Pence prononce la victoire de Joe Biden élu 46ème Président des Etats-Unis par 306 voix contre 232.
L’assaut du Capitole a été qualifié à juste titre comme une tentative de coup d’Etat, d’insurrection, de sédition, a heureusement échoué mais avec un bilan lourd : 5 morts, 56 blessés, et une centaine d’arrestations. Parmi les émeutiers certains brandissaient des drapeaux nazis et des drapeaux des Etats confédérés, appartenant à des mouvements radicaux d’extrême droite à l’instar de QAnon, Three Percenters, Oath Keepers, Blue Lives Matter et Proud Boys. Alors qu’il en était le principal investigateur par son discours du matin du 6 Janvier, le lendemain Donald Trump change de ton et se dit « scandalisé par la violence, l’anarchie et la pagaille et promet que les fauteurs de troubles seront punis ». Cela n’empêche pas Twitter le 8 Janvier de bannir le compte personnel de Donald Trump ainsi que le compte officiel présidentiel. Plusieurs parlementaires démocrates envisagent de leur côté de lancer le 11 Janvier une procédure d’impeachment à l’encontre de Donald Trump afin de l’empêcher de se présenter à nouveau aux élections présidentielles de 2024.
Ainsi la démocratie américaine a montré sa résilience, en désignant Joe Biden légitimement élu à la présidence des Etats-Unis suite aux élections présidentielles du 3 Novembre, malgré tous les obstacles mis en œuvre par le président sortant. Elle sort également renforcée par les élections sénatoriales en Géorgie du 6 Janvier qui ont donné la victoire au démocrate Raphael Warnock premier Noir à représenter un Etat du Sud au Sénat. De même a été élu le démocrate Jon Ossof qui sera le premier Sénateur Juif à représenter la Georgie dans la capitale fédérale. Cette double victoire permettra aux démocrates de reprendre le contrôle du Sénat. Le Président Biden peut compter à la fois sur la Chambre des Représentants et sur le Sénat pour mettre en application son programme présidentiel et notamment réconcilier la société américaine.
En conclusion, on n’assiste pas seulement aux Etats-Unis, mais aussi en Europe dans l’Est et en Amérique Latine à la montée du populisme qui fait fi de l’égalité civique, de l’état de droit, et des libertés. Selon Winston Churchill la démocratie « est le moins mauvais de tous les systèmes politiques ». Pour la défendre, il faut lutter d’une façon implacable contre les extrémistes aussi bien de droite que de gauche. Il faut favoriser la classe moyenne qui est le socle sur lequel repose toute société. D’où la nécessité dans chaque pays de combattre les inégalités raciales, sociales et territoriales, par la promotion d’une éducation de qualité, la création d’emplois, l’élimination de certains effets néfastes de la mondialisation, et une fiscalité juste et équitable.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI