Relations Maroc-Union européenne
Quels enjeux ?
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Rappelons tout d’abord que les relations entre le Maroc et l’Union européenne sont très anciennes et très approfondies. Elles ont commencé en 1969 par un Accord commercial, suivi d’un Accord de Coopération en 1976 et d’un Accord d’Association en 1996. Enfin le Maroc a obtenu en 2008 le Statut avancé par lequel il bénéficie de toutes les attributions des pays membres, sauf la participation aux institutions politiques de l’Union. Le Statut avancé prévoit un dialogue politique, une zone de libre-échange pour les produits industriels effective depuis 2012, une aide financière, et une coopération économique et culturelle. Les produits agricoles et de pêches font l’objet d’Accords particuliers qui ont été ratifiés en 2019 et étendus officiellement aux Provinces du Sud du Maroc. Les services font l’objet de négociations en cours dans le cadre de l’ALECA : Accord de libre échange complet et approfondi.
Le 24 Février 2021, l’Ambassadrice de l’Union européenne au Maroc Claudia Wiedey a organisé dans sa résidence un point de presse pour faire le bilan 2020 des relations avec le Maroc et des perspectives d’avenir. Elle a félicité le Maroc pour sa bonne gestion de la pandémie du Covid-19, et indiqué le soutien financier de l’Union européenne au Maroc qui s’est élevé à 450 millions d’euros au bénéfice de la santé, de la protection sociale et de l’éducation. Au niveau des échanges commerciaux en 2020, l’Union européenne est toujours le premier partenaire du Maroc avec 35 milliards d’euros d’échanges. Le Maroc a importé de l’Union européenne 20 milliards d’euros et exporté 15 milliards d’euros. Pour les produits agricoles, les échanges se sont élevés à 4,7 milliards d’euros. Le Maroc a exporté pour ces produits sur l’Union européenne 2,5 milliards d’euros et importé pour 2,2 milliards d’euros.
Elle a rappelé la communication de l’Union européenne du 9 Février 2021 relative au nouvel agenda pour la Méditerranée qui s’applique au Maroc. Cet agenda a sélectionné plusieurs thèmes de coopération tels que le développement humain, la bonne gouvernance, l’Etat de droit, la résilience, la prospérité, la transition numérique, la paix et la sécurité, la migration et la mobilité, et la transition écologique. Pour la période 2021-2027, l’Instrument de voisinage prévoit un budget de 7 milliards d’euros permettant une mobilisation de 30 milliards d’euros en investissements publics et privés dans la région. Pour le Maroc, le Conseil d’Association de Juin 2019 a défini 4 espaces de coopération : politique et sécurité, économique et sociale, les valeurs, et les connaissances partagées. Il a sélectionné également 2 axes d’intervention : environnement et changement climatique, mobilité et migration. Le Maroc et l’Union européenne se sont mis d’accord sur des projets phares tels que le Fonds Mohamed VI pour les investissements stratégiques, les énergies renouvelables, l’agriculture durable, et la protection sociale.
Dans une interview à l’Agence Europe le 24 Février 2021, le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita a qualifié le nouvel agenda de l’Union européenne pour la Méditerranée de pertinent et novateur, et s’est félicité que l’Union européenne a fait un effort pour consulter les pays concernés avant la finalisation de l’agenda. Pour ce qui est du programme Maroc, il a noté une convergence entre les priorités nationales et les priorités de l’Union européenne. Dans une autre interview à la même Agence Europe, il a été plus critique vis-à-vis de l’Union européenne. Concernant l’inclusion du Maroc dans la liste grise des paradis fiscaux, selon le ministre le Maroc n’a pas été traité comme un partenaire et que ses spécificités n’ont pas été prises en compte. Heureusement, le Maroc a été retiré de cette liste, et cet incident doit donner lieu à une plus grande logique de concertation dans l’avenir. Le ministre a également affirmé que la migration est un phénomène naturel entre les deux rives, et qu’elle doit donner lieu à une approche concertée. Il a ajouté que le Maroc lutte contre les réseaux de trafic pour rendre la route ouest de la migration la moins utilisée. Enfin que la migration vers l’Europe est minoritaire par rapport à la migration inter-africaine. Après la reconnaissance par les Etats-Unis de la marocanité du Sahara, le ministre a lancé un appel à l’Union européenne pour « sortir de sa zone de confort » et soutenir « une tendance internationale ». En effet, outre l’installation de 20 Consulats étrangers dans les Provinces du Sud, 42 pays qui ont participé à la Conférence ministérielle du 15 Janvier 2021 ont soutenu le plan d’autonomie marocain, et une lettre portant 250 signatures en provenance de 25 pays a été envoyée le 26 Février 2021 au Président Biden, saluant la décision américaine de reconnaissance de la marocanité du Sahara et lui demandant d’appuyer l’initiative marocaine d’autonomie. En attendant une décision collective de l’Union européenne, rien ne s’oppose à ce que des pays membres de l’Union décident à titre bilatéral la reconnaissance de la marocanité du Sahara.
En conclusion, les relations entre le Maroc et l’Union européenne sont d’ordre stratégique tant sur le plan politique, économique et culturel. Elles doivent être basées sur la confiance, la concertation et le partenariat d’égal à égal. Sur le plan politique, la reconnaissance par l’Union européenne de la marocanité du Sahara après les Etats-Unis, constituerait une avancée considérable pour la résolution définitive de cette question. L’Europe y aurait intérêt dans la mesure où une telle décision permettrait la stabilisation du Sud de la Méditerranée. Elle permettrait également l’intégration et la prospérité du Maghreb, et donc l’augmentation des échanges et des investissements entre les deux rives. Sur le plan économique, la crise du Covid-19 a ouvert des opportunités nouvelles pour la délocalisation en Afrique du Nord des entreprises européennes implantées en Asie, bénéficiant ainsi d’une plus grande proximité.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI