Le terrorisme en Afrique
Inauguration à Rabat du Bureau des Nations-Unies
pour contrer le terrorisme
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Le terrorisme défini comme l’emploi de la terreur à des fins idéologiques, politiques ou religieuses, sévit partout dans le monde avec des pertes humaines et matérielles considérables.
Une étude du Think Tank français Fondapol a indiqué qu’entre 1979 et 2019 soit une période de 40 ans, 37.796 attentats terroristes ont eu lieu dans 81 pays occasionnant 169.096 morts. Contrairement aux dires des médias, 89,2% de ces attentats ont eu lieu dans des pays musulmans causant 91,2% de victimes. Les causes de ces attentats sont multiples, mais force est de constater que les plus nombreux et les plus meurtriers ont trait à l’idéologie salafiste qui prône le retour à l’Islam des origines, la constitution d’un Califat islamique régi par la Charia, et le rejet de l’Occident. Le classement macabre des principales organisations terroristes place l’Etat islamique ou Daesh au premier rang, suivis des Talibans particulièrement actifs en Afghanistan, de Boko Haram au Nigeria, d’Al Qaida partout dans le monde, des Shababs en Somalie et du Front Al Nosra en Syrie et au Liban.
Les instruments de mort utilisés par les terroristes sont soit des armes blanches, des armes à feu, des explosifs, des véhicules-béliers ou piégés, enfin des ceintures explosives. Il faut ajouter les actes de piraterie notamment dans le Corne de l’Afrique ainsi que la prise d’otages. Du fait d’un puissant lavage de cerveau, les terroristes notamment les kamikazes font preuve d’une grande détermination en sacrifiant leur vie. Les victimes des attentats terroristes sont majoritairement des civils : 46,3% selon le Think Tank Fondapol. Enfin, le développement du terrorisme a beaucoup bénéficié des réseaux sociaux qui sont utilisés pour la diffusion de l’idéologie salafiste et le recrutement des futurs terroristes.
L’Afrique n’a pas été épargné par le terrorisme djihadiste. Les régions les plus touchées par ce fléau sont le Sahel, une bande au sud du Sahara qui s’étend de l’Atlantique à la mer rouge. C’est une zone très dangereuse où se déroulent outre le terrorisme, des trafics de tous genres, notamment des armes, des êtres humains et de la drogue. Les pays qui souffrent du terrorisme dans cette zone sont principalement la Mauritanie, le Burkina-Faso, le Mali, le Niger et le Tchad. Ces pays ont constitué le G5 Sahel pour lutter contre le terrorisme, qui est accompagné par la France (opérations Serval et Barkane), et l’ONU (Minusma). L’autre région où sévit le terrorisme est la Corne de l’Afrique qui est composée des Comores, Djibouti, l’Erythrée, le Kenya, la Somalie, le Soudan, la Tanzanie et l’Ouganda. Outre les autorités locales, les Etats-Unis sont très présent à travers « The combined joint Task-Horn of Africa ». La troisième région où sévit le terrorisme est le bassin du Lac Tchad avec le Cameroun, le Niger, le Tchad et le Nigeria où sévit le sinistre Boko Haram qui s’attaque aux écolières. Enfin la quatrième région est l’Afrique du Nord où sévit l’AQMI (Al Qaida au Maghreb islamique).
L’Union africaine (UA) s’est mobilisée très tôt pour lutter contre le terrorisme qui sévit dans la plupart des pays du continent. Dès Juillet 1999, a été signée par membres de l’UA la Convention sur la prévention et la lutte contre le terrorisme. Un plan d’action de cette Convention a été établi en 2002 et mis en œuvre en 2004. Plus globalement, l’UA a créé en 2003 le Conseil de paix et de sécurité qui intervient également sur la problématique du terrorisme. De retour dans l’Union africaine en Janvier 2017, le Maroc a été sollicité pour accueillir le Bureau des Nations Unies pour contrer le terrorisme en Afrique. Ce choix a été motivé par l’efficacité des services de sécurité marocains, et notamment du Bureau Central d’investigation judiciaire créé en 2015 et surnommé « le FBI marocain ». Le Maroc a donné son accord de siège en Octobre 2020, et l’inauguration du Bureau a eu lieu à Rabat le 24 Juin 2021. Le nouveau Bureau œuvrera à élaborer et à mettre en œuvre des programmes visant principalement le renforcement des capacités et le développement des compétences dans le domaine de la lutte anti-terroriste. Les axes de travail de ce Bureau porteront sur la sécurité, les enquêtes et poursuites, la gestion des prisons et des frontières, le désengagement, la réhabilitation et la réinsertion des délinquants. Il dispensera également des formations de qualité au profit des Etats africains.
En conclusion, il est indispensable d’éradiquer le terrorisme djihadiste en Afrique. Aucun développement du continent ne pourra avoir lieu sans mettre fin à ce fléau, et sans assurer la stabilité et la paix. Pour parvenir à un résultat concret le plus rapidement possible, il faut une étroite coopération entre les autorités locales de chaque pays, l’Union africaine et les grandes puissances occidentales notamment les Etats-Unis et la France. Outre les mesures sécuritaires qui sont incontournables, il faut mettre en place à l’instar du Maroc, les moyens pour assurer une éducation de qualité à tous, lutter contre l’idéologie salafiste, et promouvoir le développement économique et social orienté particulièrement vers les jeunes.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI