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La débâcle américaine en Afghanistan
Causes et perspectives ?

Par Jawad KERDOUDI
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

Les Talibans sont des fondamentalistes originaires de l’ethnie des Pachtounes dans le Sud de l’Afghanistan. C’est le plus grand groupe estimé à 42% de la population, suivi des Tadjiks (27%), des Hazaras et Ouzbeks (9% chacun). Leur credo est le retour à un Islam rigoriste, en appliquant la Charia (loi islamique) en vue d’établir un Emirat islamique en Afghanistan. Fondé en 1994, le mouvement des Talibans a réussi à prendre le pouvoir à Kaboul de 1996 à 2001. Au pouvoir, il a appliqué son programme constitué d’interdiction des moyens audio-visuels modernes, du sport et des arts, avec une forte discrimination vis-à-vis des femmes qui doivent se couvrir entièrement le corps, et en leur interdisant l’accès à l’école et au travail.

Chassés du pouvoir par une coalition militaire dirigée par les Américains à la suite des attentats du 11 Septembre 2001, ils continuèrent à s’opposer au nouveau régime instauré par les Occidentaux. Ces derniers tentèrent d’établir la démocratie et de reconstruire l’Etat afghan, faisant du « Nation building » en établissant une Constitution à l’américaine qui fût adoptée en 2004. En 2014, les Américains imposèrent « un Chef de l’exécutif » Abdollah Abdollah d’origine Tadjik contrebalançant le président Pachtoune Ashraf Ghani. L’erreur commise par les Américains est d’avoir voulu imposer leur vision du monde à un pays ultra-conservateur. Leur seconde erreur est d’avoir négligé le capital humain par l’éducation et la formation, en concentrant leurs efforts sur la constitution d’une armée afghane forte de 300.000 soldats. Cependant l’instabilité a continué à sévir dans ce pays, alors que la corruption s’est partout généralisée même au niveau de l’armée afghane.

Les Etats-Unis sous la présidence de Donald Trump ont voulu se désengager de l’Afghanistan, en entamant des négociations avec les Talibans, qui ont abouti à l’Accord de Doha du 29 Février 2020 prévoyant le départ des troupes américaines au mois de Mai 2021. La seule contrepartie obtenue par les Américains est que les Talibans empêcheraient Al Qaida d’opérer sur le territoire contrôlé par eux. Le Président Biden qui a pris ses fonctions le 20 Janvier 2021 a confirmé le retrait des troupes américaines d’Afghanistan, mais en reculant la date au 31 Août 2021. Dès le mois de Mai 2021, les Talibans lancèrent une offensive contre l’armée afghane qui n’opposa aucune résistance, du fait qu’elle était affaiblie par une mauvaise gouvernance et par la corruption. Les Talibans prirent possession des postes frontaliers, des capitales provinciales, et même de la capitale Kaboul le 15 Août 2021. Le Président Ashraf Ghani a fui Kaboul avant l’arrivée des Talibans.

A partir du Lundi 16 Août 2021, l’évacuation de diplomates, d’étrangers, et d’Afghans ayant travaillé pour des pays étrangers, s’est poursuivie dans l’urgence et dans des conditions chaotiques. Le Président Biden a envoyé des renforts militaires pour sécuriser l’aéroport de Kaboul, seule porte de sortie pour quitter l’Afghanistan. Tous les vols commerciaux ont été annulés, et des milliers d’Afghans se sont rués vers l’aéroport. Une vidéo largement diffusée a montré des personnes courant près d’un avion de transport militaire américain, qui roulait pour décoller, alors que certaines personnes tentaient de s’accrocher à ses flancs ou à ses roues. Les avions des Etats-Unis et leurs alliées ont évacué plus de 123.000 personnes, mais n’ont pas pu évacuer tous ceux qui voulaient partir, le dernier avion américain a quitté l’Aéroport de Kaboul le lundi 30 Août.

Cette guerre d’Afghanistan qui a duré vingt ans a été un grand échec pour les Etats-Unis et leur a coûté très cher tant sur le plan humain que matériel. Les pertes humaines sont de 2.500 morts et le coût de la guerre est évalué à 2000 milliards de dollars, sans compter la destruction d’avions, d’hélicoptères, et de matériel militaire opérée avant le départ des troupes. La grande leçon qu’on peut tirer de ce cas, est qu’on ne peut pas imposer le régime démocratique de l’extérieur. La démocratie ne peut être établie que de l’intérieur par l’éducation qui doit ouvrir les esprits et écarter tout ethnocentrisme. La deuxième leçon est que le monde musulman est traversé actuellement par un mouvement radical qui projette une image détestable de l’islam dans le monde. Malheureusement les pays musulmans restent silencieux devant les dérives de l’islam politique, en laissant la charge aux Occidentaux de le réprimer. En tous cas, il faut être intransigeant avec le nouveau régime taliban, et ne lui accorder ni aide, ni reconnaissance si les droits de l’homme, et surtout de la femme ne sont pas respectés par ce régime.

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