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La conférence internationale de Paris sur la Libye
Quel rôle pour le Maroc ?

Par Jawad KERDOUDI

Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

Lors du Printemps arabe de 2011, la Libye comme les autres pays arabes a connu le 17 Février 2011 un soulèvement à Benghazi contre le régime de Mouammar Kadhafi. Ce dernier a envoyé l’armée pour écraser le soulèvement. La France et le Royaume-Uni suite à une résolution de l’ONU, ont procédé à des frappes aériennes en Libye. Il s’en est suivi la capture et le meurtre de Kadhafi en Octobre 2011. Depuis cette date, le pays a connu une instabilité chronique et un grand désordre du fait que les milices très nombreuses n’ont pas été désarmées. De plus deux pouvoirs se sont installés, à Tripoli avec le Congrès général national, et à Tobrouk avec la Chambre des représentants sous l’autorité du maréchal Khalifa Haftar. Une guerre civile a éclaté en 2014 entre les deux pouvoirs, qui s’est arrêtée le 23 Octobre 2020 grâce aux efforts de l’ONU et de plusieurs pays. Plus de 20.000 mercenaires et combattants étrangers sont stationnés à travers le pays : russes, syriens, tchadiens, turcs et soudanais.

Afin de soutenir la mise en œuvre d’un processus politique défini et mené par les Libyens, sous l’égide des Nations Unies, en mesure d’apporter une solution politique à la crise libyenne, le président Emmanuel Macron a convoqué une conférence internationale à Paris le 12 Novembre 2021. Ont participé à cette conférence la chancelière de la République fédérale d’Allemagne, le président du Conseil des ministres italiens, le président du Conseil présidentiel de transition de Libye, le premier ministre libyen et le secrétaire général de l’ONU. Ont participé également 23 pays dont le Maroc ainsi que les Représentants de l’Union africaine, l’Union européenne, la Ligue des Etats arabes et le secrétaire exécutif du G5 Sahel.
La déclaration finale de la conférence de Paris sur la Libye réaffirme le plein respect de la souveraineté, de l’indépendance, de l’intégrité territoriale et de l’unité nationale de la Libye, et s’oppose à toute ingérence étrangère dans les affaires du pays. Elle insiste sur la tenue des élections présidentielles et législatives du 24 Décembre 2021. La conférence de Paris rappelle la création de la Haute Commission de réconciliation, et appelle toutes les parties prenantes à s’engager véritablement en faveur de la réconciliation nationale. Elle exprime son soutien aux efforts réalisés par la MANUL (Mission d’appui des Nations Unies en Libye) et la HNEC (Haute Commission électorale nationale) qui a confirmé l’inscription de 2,8 millions de Libyens sur les listes électorales. Elle recommande que les institutions libyennes doivent être unifiées, et que le nouveau parlement doit s’atteler à l’élaboration d’une Constitution permanente. De même, des mesures spécifiques doivent être prises pour garantir une véritable représentation des femmes et pour associer la société civile. La conférence de Paris exprime son soutien au « Plan d’action pour le retrait des mercenaires, des combattants étrangers et des forces étrangères du territoire libyen ». Elle appelle à mettre en œuvre les sanctions du Conseil de sécurité pour faire face à toutes les violations de l’embargo sur les armes vis-à-vis de la Libye.

Elle se félicite des initiatives en cours de la Libye pour assurer le DDR (Désarmement, démobilisation, et réinsertion) des groupes armés et des acteurs non-étatiques. De même qu’elle réaffirme la nécessité de combattre le terrorisme en Libye par tous les moyens. La conférence de Paris recommande l’unification de la Banque Centrale de Libye, une gestion transparente et une répartition équitable des richesses, ainsi que la fourniture de services publics dans tout le pays. De même, elle insiste sur le respect de la préservation et l’unité des institutions libyennes notamment la compagnie pétrolière nationale. Elle recommande également l’adoption d’un budget national équilibré et consensuel afin d’améliorer la gouvernance, la transparence, et la responsabilité. La conférence de Paris rappelle que les autorités libyennes ont l’obligation de respecter pleinement le droit international des droits de l’Homme et le droit international humanitaire, et qu’elle condamne toutes les violences et les mauvais traitements à l’encontre des migrants.

Notre pays le Maroc s’est impliqué dans une solution politique à la crise libyenne dès 2015, en organisant une conférence à Skhirat le 17 Décembre 2015 entre les Représentants du Congrès général national (Tripoli) et la Chambre des représentants (Tobrouk). Les Accords de Skhirat prévoient la formation d’un gouvernement et la mise en place d’un Conseil présidentiel et d’un Haut Conseil d’Etat. La vision marocaine est que tout règlement de la crise libyenne ne peut être qu’une solution inter-libyenne, le Maroc ne soutenant aucune partie contre l’autre. D’ailleurs, le Conseil de sécurité de l’ONU considère les Accords de Skhirat comme le « seul cadre viable pour mettre un terme à la crise politique en Libye ». Ceci alors que d’autres pays ont soutenu le pouvoir installé à Tripoli (Turquie et Qatar) et certains le pouvoir installé à Tobrouk (Egypte, Emirats Arabes Unis, Russie). L’implication du Maroc a continué avec les arrangements de Bouznika du 6 Octobre 2020 sur les postes souverains, le Congrès parlementaire libyen de Tanger du 23 Novembre 2020, et l’engagement de Rabat du 1er Octobre 2021 entre Chambre des Représentants et Haut Conseil d’Etat pour respecter la date des élections fixées au 24 Décembre 2021. Le rôle du Royaume est hautement salué et apprécié aussi bien par la communauté internationale, les Nations Unies, et les Libyens eux-mêmes.

En conclusion, on ne peut que déplorer la situation de la Libye durant la dernière décennie. Les premiers responsables sont la France et le Royaume-Uni, qui ont outrepassé le mandat de l’ONU, et sont repartis sans se soucier du suivi de leurs attaques. Les autres responsables sont la Russie et la Turquie qui envahissent les pays faillis pour augmenter leur influence internationale et s’assurer une part des richesses du pays. Ils vont jusqu’à utiliser des mercenaires : des Syriens par la Turquie et le groupe Wagner par la Russie. D’autres pays soutiennent une partie contre l’autre : Egypte, Emirats Arabes Unis et Qatar. Les terroristes islamistes (Daesh et Al Qa?da) sont également à l’affût et s’installent dans les pays faillis pour commettre des attentats. Le droit international n’a pas été respecté puisque l’embargo sur les armes a été violé à plusieurs reprises. Les milices armées n’ont pas été désarmées après le soulèvement de 2011. De ce fait, la Libye a traversé une décennie noire avec beaucoup de souffrances du peuple libyen. Le seul espoir qui reste pour le moment est la tenue effective les élections présidentielles et législatives le 24 Décembre prochain, afin d’assurer la stabilité politique et la sécurité, car durant la dernière décennie la Libye a été le principal émetteur de migrants vers l’Europe, et le pourvoyeur d’armes pour les terroristes.

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