Les troubles en Algérie et en Tunisie : Quelles leçons à tirer pour les pays Arabes ?
Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI
Institut Marocaine des Relations Internationales
Les événements qui se sont déroulés en ce début de l’année 2011 en Algérie et Tunisie sont graves et interpellent le monde arabe dans son ensemble. Les causes principales de ces événements sont le manque de démocratie et de liberté, le chômage des jeunes, les inégalités sociales, la corruption, la pauvreté, le logement social déficient, pour résumer « un mal vivre » qui frappe la majorité de la population et surtout les jeunes.
Certes, la situation dans le monde arabe n’est pas le même pour tous les pays, et chacun a ses propres spécificités. Cependant on retrouve certains points communs. Prenons le problème de la démocratie et de la liberté. De là où on jette son regard, on ne voit que régimes autoritaires, où la démocratie est formelle, les libertés limitées, les droits de l’homme bafoués. Certains chefs d’Etat arabes s’accrochent à leur poste depuis des décennies, et tentent de pousser leur progéniture à prendre la succession. Dans beaucoup d’Etats arabes, la corruption est généralisée et les passe-droits sont monnaie courante. La presse y est le plus souvent muselée, et les médias publics utilisés principalement pour la propagande des dirigeants en place.
Sur le plan économique et social, ce n’est guère mieux. Le PIB par habitant dans les pays arabes est l’un des plus faibles du monde, sauf pour les pays pétroliers et gaziers qui bénéficient d’une manne providentielle, et dont ils ne font pas bénéficier leurs peuples. Les dirigeants et leur entourage s’accaparent la plus grande partie des richesses du pays dans le cadre d’une économie de rente, au détriment du reste de la population. L’analphabétisme et la médiocrité de l’enseignement ne permettent pas à la plupart des pays arabes de constituer une véritable classe moyenne, propre à assurer la stabilité sociale. Le résultat est une population généralement pauvre, mal éduquée, et frustrée.
A moins de prendre rapidement des mesures radicales, la plupart des pays arabes peuvent très bien connaître les troubles tels qu’ils se sont déroulés en Algérie et en Tunisie. Les dirigeants actuels arabes sans peine de connaître le même sont que Ben Ali, doivent accélérer la démocratisation de leur régime politique, l’élargissement des libertés individuelles et collectives, le respect des droits de l’homme. Ils ne doivent pas s’accrocher au pouvoir et doivent promouvoir la constitution de gouvernements crédibles, émanant d’élections libres et transparentes, avec tous les pouvoirs nécessaires pour gérer le pays. Ils doivent instaurer une séparation réelle du pouvoir judiciaire de l’exécutif, et lutter avec acharnement contre la corruption et les abus de droits. Il est indispensable d’éradiquer dans ces pays l’analphabétisme et d’améliorer la qualité de l’enseignement. Le développement économique et social doit être la priorité afin de permettre à la majorité de la population de bénéficier d’un emploi, d’un logement décent, et d’un niveau de vie convenable. Certes la tâche est difficile et rude, mais c’est le seul moyen d’éviter des troubles dommageables, des drames collectifs, et la marginalisation du monde arabe dans le concert des nations. Contrairement à ce que beaucoup pensent, le meilleur rempart contre l’extrémisme religieux n’est pas l’autoritarisme, mais le développement de la démocratie et de l’économie sociale.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI