Les Relations extérieures du Maroc
Bilan de l’année 2021 et Perspectives 2022
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
La diplomatie marocaine sous la Haute autorité du Roi Mohammed VI a été très active en 2021. Le point d’orgue de cette année a été la défense du Sahara marocain. Le cap à suivre a été fixé par le Discours Royal de la Marche verte du 6 Novembre 2021. Le Souverain a indiqué les progrès réalisés dans la défense de notre intégrité territoriale, en citant l’action des Forces Armées Royales du 13 Novembre 2020, pour libérer la circulation des personnes et des marchandises au point de passage de Guerguerat reliant le Maroc à la Mauritanie. L’autre élément positif a été le 10 Décembre 2020 la reconnaissance de la marocanité du Sahara par les Etats-Unis. A ajouter la décision de 24 pays d’ouvrir un Consulat à Laayoune ou Dakhla. Enfin le Souverain a été très clair vis-à-vis de « Ceux qui affichent des positions floues ou ambivalentes, nous déclarons que le Maroc n’engagera avec eux aucune démarche d’ordre économique ou commerciale qui exclurait le Sahara marocain ».
Il y a lieu de rappeler la résolution 2602 (2021) de l’ONU qui a prorogé le mandat de la Minurso jusqu’au 31 Octobre 2022. En outre, le Conseil de sécurité s’est félicité de la nomination de M. Staffan de Mistura Envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara, en remplacement de M. Horst Köhler. La résolution de l’ONU a souligné qu’il convient de parvenir à une solution politique réaliste, pragmatique durable, qui repose sur le compromis, et qui est mutuellement acceptable. La résolution indique que le Conseil de sécurité s’est félicité que le Maroc, la Mauritanie, l’Algérie et le Polisario restent engagés dans le processus de négociation. Le Conseil constate avec une profonde inquiétude la rupture du cessez-le-feu en Novembre 2021 par le Front Polisario. Les Etats-Unis et la France ont considéré que le Plan d’autonomie présenté en 2007 par le Maroc constitue une base sérieuse et crédible de discussion en vue de la reprise du dialogue.
Devant les avancées au profit du Maroc de la question du Sahara, l’Algérie principal soutien du Polisario, a adopté pendant l’année 2021 de nombreuses actions hostiles à notre pays. Au moment où le Maroc a multiplié les initiatives pour apaiser les relations avec son voisin de l’Est, l’Algérie a opté pour l’escalade et la tension. Le Souverain marocain dans plusieurs de ses discours a tendu la main à l’Algérie pour discuter et régler le contentieux bilatéral. Malheureusement, l’Algérie a répondu par la rupture des relations diplomatiques avec le Maroc le 24 Août 2021. Quelques temps après, le 22 Septembre 2021 l’Algérie a également annoncé la fermeture immédiate de son espace aérien à tous les avions civils et militaires marocains. Enfin le 31 Octobre 2021, le Président algérien ordonne la rupture du contrat du gazoduc passant par le Maroc.
Les relations du Maroc avec l’Espagne ont été perturbées du fait de l’accueil le 18 Avril 2021 par le gouvernement de Madrid de Brahim Ghali, secrétaire général du Polisario, sous une fausse identité alors qu’il est recherché par la justice espagnole. Brahim Ghali a reçu des soins médicaux dans un hôpital espagnol, a été entendu par un juge espagnol, et a regagné l’Algérie le 2 Juin 2021. L’Espagne a tenté d’impliquer l’Union européenne dans ce conflit bilatéral suite au passage d’un grand nombre d’immigrés du Maroc à Sebta. Finalement le Président du gouvernement espagnol Pedro Sanchez a procédé à un remaniement ministériel le 10 Juillet 2021, et a remplacé la ministre des affaires étrangères Gonzales Laya responsable de l’affaire Brahim Ghali. Quelques mois après cette crise, Pedro Sanchez a déclaré qu’il considère le Maroc comme un allié stratégique. Les relations entre les deux pays sont en cours de normalisation.
Un autre différend a eu lieu en 2021 entre le Maroc et l’Allemagne du fait de l’ambiguïté de ses positions sur l’affaire du Sahara. En effet, le Représentant de l’Allemagne aux Nations-Unies à New York a demandé la réunion urgente du Conseil de sécurité pour examiner la décision américaine de reconnaître la marocanité du Sahara. En outre le Maroc n’a pas été invité à la première conférence de Berlin sur la Libye, alors qu’il a joué un grand rôle pour la formation des institutions de ce pays membre de l’UMA. Quelques mois après, la tension est de nouveau montée suite à la divulgation d’un rapport des renseignements allemands mettant en garde contre l’émergence d’une « nouvelle Turquie en Méditerranée » en visant le Maroc, qui a rappelé son ambassadrice à Berlin. Le nouveau gouvernement allemand présidé par le social-démocrate Olaf Scholz a modifié la position vis-à-vis du Maroc. Le ministère allemand des affaires étrangères a indiqué que « Du point de vue du gouvernement allemand, les deux pays ont un intérêt à revenir aux relations traditionnellement bonnes et étendues ». Le site de la diplomatie allemande indique aussi « Qu’avec son plan d’autonomie soumis en 2007, le Maroc a apporté une importante contribution pour trouver un accord ». Côté marocain, le ministre des affaires étrangères a dit « apprécier les positions constructives faites récemment par le nouveau gouvernement allemand, et permettent une relance de la coopération bilatérale et le retour à la normale des relations diplomatiques entre les deux pays ».
Un an après la signature le 22 Décembre 2020 de l’Accord d’Abraham entre le Maroc, les Etats-Unis et Israël, le Maroc a reçu le ministre des affaires étrangères israélien Ya?r Lapid, et le ministre de la défense Benny Gantz. Ces deux visites ont permis d’approfondir les relations économiques et sécuritaires entre les deux pays. Dans une interview accordée au Journal l’Economiste du 24 Décembre 2021, le ministre des affaires étrangères israélien Ya?r Lapid a déclaré « Je suis un partisan de la solution à deux Etats » concernant le conflit israélo-palestinien. Rappelons que le communiqué du Cabinet Royal du 10 Décembre 2020 a indiqué que « Le Maroc place toujours la question palestinienne au même rang que la question du Sahara marocain, et insiste sur la nécessité de préserver le statut spécial de la ville d’Al Qods, notamment son cachet musulman ».
En conclusion, on peut considérer que l’année 2021 a été bénéfique pour la question du Sahara marocain tant au niveau de l’ONU, qu’à celui des relations bilatérales avec l’Allemagne et l’Espagne. En effet, la politique de fermeté a adoptée vis-à-vis de ces deux derniers pays, a permis de modifier en notre faveur leur position sur le Sahara. Rien n’empêche maintenant de reprendre les relations normales avec ces deux grands pays européens. D’autre part, devant les menaces de guerre proférées par l’Algérie vis-à-vis du Maroc, ce dernier s’est rapproché de la grande puissance américaine et de l’Etat d’Israël où vivent un million d’israéliens d’origine marocaine. L’Algérie devra réfléchir à deux fois avant d’attaquer le Maroc militairement. De toutes façons, une guerre entre les deux pays serait catastrophique. Aussi, tout en maintenant une politique de fermeté vis-à-vis du voisin de l’Est, le Maroc doit continuer à défendre diplomatiquement sa cause nationale, notamment en soutenant les réunions avec Staffan de Mistura en présence des autres participants : Algérie, Mauritanie, Polisario. Il devra également continuer à développer les Provinces du Sud et à promouvoir la régionalisation avancée. Dans le cadre de ses relations avec Israël, le Maroc devrait convaincre les israéliens d’ouvrir des négociations avec les Palestiniens afin de concrétiser la solution à deux Etats. Le Maroc a remporté une dernière victoire avant la fin de l’année 2021. En effet, le 25 Décembre 2021, la Ligue arabe a recommandé l’adoption de la carte complète du Maroc.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI