Relations internationales
Quelles perspectives pour 2022 ?
Par Jawad KERDOUDI
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
L’année 2021 a été très mouvementée sur le plan international. La principale préoccupation aussi bien des Etats que des populations a été la pandémie du Covid-19 qui est apparue en Chine en Décembre 2019. A fin Décembre 2021, on déplore dans le monde 305 millions de contaminations et 5,5 millions de morts. La principale difficulté pour lutter contre cette pandémie est l’apparition de nouveaux variants du virus, le dernier étant Omicron qui se propage d’une façon très rapide. Grâce au travail des scientifiques, plusieurs vaccins ont été fabriqués qui ont permis une vaccination de masse. Cependant alors que l’Europe a vacciné complètement 60% de sa population, l’Afrique n’a vacciné que 8% du fait du manque de vaccins. Sur le plan économique, l’économie mondiale a connu une régression de 3,3% en 2020, et a progressé de 6% en 2021.
Les autres faits marquants de l’année 2021 ont concerné la lutte contre le changement climatique, avec l’organisation du 1er au 13 Novembre de la Cop26 à Glasgow (Ecosse) qui a eu des résultats mitigés. L’immigration clandestine a continué principalement vers l’Europe avec son lot de souffrances et de drames humains. Aucune solution globale n’a été trouvée pour mettre fin à ce fléau. Aux Etats-Unis, conformément à sa campagne électorale, le Président Biden a replacé son pays sur la scène internationale, et resserré ses relations avec ses alliés européens et asiatiques. Cependant, une tâche a assombri son image suite au départ précipité des troupes américaines, et le retour des Talibans en Afghanistan. A mettre à son crédit une vidéoconférence sur la démocratie, les 9 et 10 Décembre, mais qui a été mal préparée et qui a débouché sur des résultats mineurs.
Comme son prédécesseur Donald Trump, Biden a continué à considérer la Chine comme le premier adversaire des Etats-Unis dans la course à la première puissance mondiale. Les différends entre les deux pays sont multiples, notamment le statut de Taiwan que la Chine veut récupérer, et qui bénéficie de la protection des Etats-Unis. Biden a également adopté une attitude ferme vis-à-vis de la Russie à qui il reproche le non respect des droits de l’homme, et les tentatives de déstabilisation de l’Ukraine. La Russie a massé des troupes à la frontière Est de l’Ukraine, et propose de les retirer si les Etats-Unis prennent l’engagement de ne pas intégrer l’Ukraine dans l’OTAN. Les négociations sont en cours à Genève.
Le premier Janvier 2021 a été marqué par l’entrée en vigueur de la ZLECA (Zone de libre-échange continentale africaine). Cependant l’année 2021 a connu la régression de la démocratie en Afrique, suite à plusieurs coups d’Etat militaires en Guinée, Soudan et Mali. Le Moyen-Orient est resté une région instable, avec le conflit israélo-palestinien dans l’impasse, la guerre au Yémen, le terrorisme en Syrie et en Irak, l’activisme de l’Iran à travers ses ramifications au Liban, Irak et Yémen. Quant à l’Europe, l’année 2021 a été marquée par le Brexit (sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne), le changement politique en Allemagne avec l’élection d’un nouveau Chancelier socio-démocrate, et la montée de l’extrémisme notamment en France avec le candidat aux élections présidentielles Eric Zemmour. La France a pris la présidence du Conseil de l’Union européenne pour six mois, avec un programme très ambitieux du Président Macron.
Tenant compte de ce bilan de l’année 2021, quelles sont les perspectives pour 2022 ?
La première préoccupation de l’année nouvelle doit être la sortie de la pandémie du Covid-19. Pour cela, il est indispensable d’accélérer la vaccination en Afrique, car l’immunité collective ne peut être obtenue qu’au niveau mondial. Il y a lieu d’accélérer les livraisons COVAX (Vaccins gratuits) et lever les brevets de fabrication des vaccins pour permettre à tous les pays de les fabriquer sur place. Les progrès de la vaccination dans le monde vont permettre la levée des restrictions de mobilité, et accroître la croissance en 2022 que le FMI prévoit actuellement à 4,4%. Pour le changement climatique, il y a lieu de préparer dès maintenant la Cop27 qui aura lieu à Charm-el-Cheikh en Egypte du 7 au 18 Novembre 2022. Il faut aussi contrôler l’utilisation par les pays signataires de la Cop26 de la consommation d’énergies fossiles, qui sont le principal émetteur de gaz à effet de serre. Pour limiter l’immigration clandestine, outre les mesures sécuritaires, il faut aider économiquement les pays pourvoyeurs d’immigrés.
En ce qui concerne l’Afrique, il faut parfaire la ZLECA en déterminant les règles d’origine, et accélérer le dépôt des listes négatives. L’Union africaine et les unions régionales doivent être intransigeantes concernant les coups d’Etat militaires. Il y a lieu de réduire la confrontation entre les Etats-Unis d’une part et la Chine et la Russie d’autre part, car ces trois grandes puissances disposent de l’arme atomique, et son utilisation serait catastrophique pour la planète entière. Il faut favoriser la coopération entre ces puissances dans les secteurs du changement climatique, de l’immigration, et de la lutte contre le terrorisme. L’Union européenne, à condition de parfaire son unité, pourrait jouer un rôle d’intermédiaire entre les Etats-Unis, la Chine et la Russie. L’Organisation des Nations Unies est à réformer, car sa gouvernance n’est plus adaptée à la situation actuelle du monde, notamment son Conseil de sécurité. Il y a lieu également de lutter contre les démocratures qui fleurissent un peu partout dans le monde, et qui tout en ayant certains attributs de la démocratie, comme le pluripartisme, sont dirigées d’une façon autoritaire voire dictatoriale.
En conclusion, le monde en ce début de l’année 2022 est confronté à quatre grands fléaux : la pandémie du Covid-19, le changement climatique, l’immigration clandestine, et les atteintes à la démocratie. Il faut se ressaisir pour trouver des solutions à ces grands problèmes. On a besoin pour cela de dirigeants politiques de grande envergure, qui suscitent le respect et qui évitent les écarts de langage.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI