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Les coups d’Etat militaires en Afrique
Recul de la démocratie

Par Jawad KERDOUDI
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

On pensait que l’ère des coups d’Etat militaires en Afrique était révolue. Ce n’est pas le cas, puisque le continent a connu six coups d’Etat militaires en moins de trois années. Sur le plan chronologique, c’est au Soudan qu’a eu lieu le premier coup d’Etat militaire le 11 Avril 2019 lorsque Omar El Bechir qui est resté au pouvoir pendant trente ans, a été renversé par l’armée à la suite de quatre mois de manifestations populaires. Actuellement le Soudan est dirigé par un militaire Abdel Fattah Al-Burhan qui préside le Conseil de souveraineté et de transition et qui est de facto le Chef de l’Etat.

En Afrique de l’Ouest, Ibrahim Boubakar Keita élu à la présidence du Mali le 11 Août 2013, a été arrêté par les militaires le 18 Août 2020, qui l’ont obligé à démissionner le lendemain. Le 25 Septembre 2020, le Colonel Major Bah N’Daw est désigné comme président de la Transition. Mais le 24 Mai 2021 le Colonel Assimi Goïta Président du CNSP (Conseil national pour le salut du peuple) procède à l’arrestation de Bah N’Daw et devient le président de la Transition. Le Mali a ainsi connu deux coups d’Etat militaires en dix mois.
De son côté la Guinée a connu le même processus. Alpha Canoté qui a été élu le 15 Novembre 2010 à la présidence a modifié la Constitution en Mars 2020 pour exercer un troisième mandat. Après de nombreuses manifestations populaires contre le régime, les Forces spéciales ont renversé Alpha Condé le 5 Septembre 2021. Le Colonel Mamadi Doumbouya qui a conduit le coup d’Etat contre Alpha Condé le 17 Septembre 2021 devient président du Comité national du rassemblement pour le développement et président de la Transition.
Au Tchad, le président Hissène Habré est renversé du pouvoir en 1990 par Idriss Déby, qui est un officier soutenu par la France, et qui prend le titre du président du Conseil d’Etat. L’année suivante, il est désigné président de la République, fonction qu’il conserve pendant trente ans. Il mène pendant sa présidence une lutte efficace contre le terrorisme jihadiste, notamment contre Boko Haram, ce qui lui a valu le titre de maréchal du Tachad. Le 20 Avril 2021, il est blessé mortellement face à une rébellion du Front pour l’alternance et la concorde venue de Libye. Son fils Mahamat Idriss Deby lui succède à la tête du Conseil militaire de Transition.
Le Burkina Faso est le dernier pays à connaître un coup d’Etat militaire pendant ces trois dernières années. Le 30 Novembre 2015, à la suite des élections présidentielles et législatives, Roch Marc Christian Kaboré est élu au premier tour président du Burkina Faso. Le nouveau président doit rapidement faire face à des attaques jihadistes dans le Nord du pays à la frontière avec le Mali. Sur le plan intérieur le président Kaboré fait également l’objet d’une vive contestation populaire. En six ans, les violences ont fait plusieurs milliers de morts dont beaucoup de civils. Les 23 et 24 Janvier 2022 un coup d’Etat militaire a été déclenché par le Lieutenant-Colonel Paul-Henri Sandaogo Damba président du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration.
On peut expliquer la multiplicité des coups d’Etat en Afrique par les éléments suivants. Les Chefs d’Etat élus manquent de probité, et ne respectent pas les Constituions qui limitent la présidence à deux mandats. La gouvernance de ces dirigeants est mauvaise et ne satisfait pas la population au niveau de la croissance qui est faible, et du chômage qui est élevé. De plus, ces dirigeants n’arrivent pas à endiguer les attaques terroristes d’Al Qaida et de Daesh qui font beaucoup de victimes civiles. La population supporte mal l’ingérence des puissances étrangères qui envoient des troupes armées pour lutter contre le terrorisme, avec de faibles résultats. C’est le cas notamment de la France, ancienne puissance coloniale. C’est ainsi que les nouveaux dirigeants du Mali ont demandé le départ des troupes danoises, ainsi que l’ambassadeur de France, et veulent réviser l’Accord de défense avec la France. En conséquence les coups d’Etat militaires an Afrique ne donnent pas lieu à des protestations populaires, sauf au Soudan.
Pour prévenir les coups d’Etat militaires, la Communauté des Etats Ouest-Africains (CDEAO) suspend systématiquement tout pays membre qui ne respecte pas l’ordre constitutionnel. C’est ainsi qu’elle a suspendu le Mali, la Guinée et le Burkina Faso. Elle envoie des missions dans les pays concernés pour hâter la date des élections afin d’élire un nouveau président. Elle peut également décider des sanctions contre les pays récalcitrants. Certes ces mesures sont nécessaires mais pas suffisantes. Pour promouvoir la démocratie en Afrique, il faut éduquer le peuple, consolider les institutions, assurer une bonne gestion des politiques publiques, et lutter éfficacement contre le terrorisme qui est un grand facteur d’instabilité.

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