Vision 2020 de la CGEM
Quelle appréciation ?
Par Jawad Kerdoudi Consultant économiste
Président de l’IMRI
La CGEM a dévoilé le 19 Janvier 2011 sa vision 2020 de l’économie marocaine. On ne peut que féliciter l’organisation patronale de sortir du conjoncturel pour envisager l’avenir et tracer une feuille de route pour les entreprises marocaines. L’approche décennale est bonne, car du point de vue économique, elle n’est ni trop courte ni trop lointaine. La CGEM invite à un débat national sur sa vision, ce que doivent faire toutes les forces vives de la nation aussi bien du secteur public que privé. Avant de décliner les défis à relever, la CGEM fixe les objectifs pour 2020 qui sont : croissance moyenne annuelle de 6,5%, PIB par habitant : 5.000 $, taux de couverture des échanges extérieurs 90%, création de 250.000 à 300.000 emplois par an, PIB régional minimum équivalent à celui de 60% du Grand Casablanca. Si ces objectifs sont atteints, la structure souhaitable du PIB marocain en 2020 serait de 10% pour l’agriculture, 30% pour l’industrie et 60% pour les services.
La vision 2020 de la CGEM a relevé cinq défis pour atteindre les objectifs escomptés. Le premier défi est d’augmenter le taux de croissance moyen de 5% durant la dernière décennie, à 6,5% en moyenne pour la prochaine. En effet seul un taux de croissance moyen de 6,5% permettrait d’atteindre l’objectif d’un PIB de 5.000 dollars par habitant. Le deuxième défi est le rééquilibrage du modèle de développement de l’économie marocaine. En effet, la croissance au Maroc s’est davantage appuyée sur la consommation (75%), au détriment de l’exportation et des investissements. Il est absolument nécessaire d’augmenter le taux de couverture de la balance commerciale qui n’atteint même pas 50% actuellement. Pour cela, il faut réduire les importations (notamment les produits agricoles et de consommation), et augmenter les exportations par le renforcement de la production exportable, la diversification des marchés, et la multiplication des entreprises exportatrices. Pour augmenter les investissements tant nationaux qu’étrangers, il y a lieu d’améliorer le climat des affaires, et d’attirer le maximum d’investissements étrangers qui sont indispensables pour booster la croissance.
Le troisième défi pour atteindre les objectifs 2020 de la CGEM est la diversification des composantes sectorielles de la croissance. En effet, trois secteurs seulement ont été très dynamiques durant la dernière décennie : le secteur financier (+9,6% par an), les télécoms (+7,5%) et les BTP (+7,3%). La CGEM préconise de dynamiser d’autres secteurs tels que les services de santé, l’éducation, les services aux entreprises, et l’industrie d’extraction. La prochaine décennie doit également préparer l’émergence de nouveaux secteurs de pointe tels que la microélectronique, les biotechnologies et la nanotechnologie. La CGEM a relève le quatrième défi qui est le déséquilibre de la contribution des régions dans la richesse du pays. En effet, alors que le Grand Casablanca contribue à 18,8% du PIB total, la région de Taza-Al Hoceima-Taouanate ne contribue qu’à hauteur de 2,7%. Pour atteindre l’objectif minimum de 60% du PIB du Grand Casablanca par toutes les régions du Maroc, il y a lieu de mettre en place une véritable politique de régionalisation avancée. Pour cela, il faudra prévoir un système de péréquation et d’incitations pour développer l’aménagement du territoire, en vue de mettre en place une vision intégrée de développement de chacune des régions. Les régions doivent également se spécialiser à travers des pôles de compétitivité, tout en développant leur marketing à l’international.
Le cinquième défi et non des moindres, est le problème de l’emploi. Pour faire face à la demande, suite à l’évolution démographique, il faut créer entre 250.00 à 300.000 emplois par an, à savoir le doublement du rythme actuel. Pour atteindre cet important objectif, la CGEM préconise une panoplie de mesures, telles que le renforcement de la compétitivité des entreprises, la promotion de l’éducation et de la formation professionnelle, l’encouragement de l’innovation par la recherche et le développement, la diffusion des techniques de l’information, l’amélioration du climat des affaires, la réforme de la justice, le développement de l’épargne, la promotion du développement durable.
En conclusion, on ne peut que souscrire aux objectifs de la vision 2020 de la CGEM. Certes, ces objectifs sont très ambitieux, mais les seuls capables d’assurer un véritable développement économique, et d’éviter une grave crise sociale. Pour les atteindre, il faut une forte volonté aussi bien des pouvoirs publics que du secteur privé pour mettre en pratique les mesures nécessaires. Une coopération très étroite public-privé est à mettre en œuvre pour concevoir et réaliser les politiques à même d’atteindre les objectifs escomptés. Il faudrait évaluer d’année en année les progrès réalisés, afin de modifier si nécessaire l’angle de tir. Pour cela, un changement de la gouvernance publique est indispensable. Il faut enfin mettre en place le plus rapidement possible le Conseil Economique et Social qui est l’institution idoine pour définir et mettre en œuvre la stratégie de développement économique du pays à moyen et long terme, sans oublier le Plan de régionalisation avancée qui tarde à voir le jour.
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