Invasion de l’Ukraine par la Russie
Poutine menace d’utiliser les forces de dissuasion
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Rappelons que l’Ukraine a proclamé son indépendance le 24 Août 1991 suite à la chute de l’URSS. La société ukrainienne est divisée entre la partie pro-européenne (l’ouest du pays) et celle russophile (à l’est du pays). En 1999 Vladimir Poutine devient la figure centrale de l’exécutif de la Fédération de Russie, comme président du gouvernement et président de la Fédération. Poutine considère que la chute de l’URSS est la plus grande catastrophe géopolitique du 20ème siècle. Il impose un régime autoritaire à l’intérieur de la Russie, et multiplie les efforts à l’extérieur pour redonner à son pays l’influence qu’il avait du temps de l’URSS. C’est ainsi qu’il a aidé la Crimée, juridiquement une province de l’Ukraine mais à majorité russophile, à proclamer son indépendance le 11 Mars 2014 et à la rattacher à la Fédération de Russie le 18 Mars 2014. Les Etats-Unis et l’Europe ont pris des sanctions économiques contre la Russie, mais sans réplique militaire. Toujours en 2014, le Donbass, région à l’Est de l’Ukraine, est la proie d’un conflit armé entre les séparatistes russophones et le gouvernement central qu’ils ne reconnaissent pas. Deux entités ont été proclamées : la République populaire de Donetsk et la République populaire de Louhansk.
Pour faire pression sur l’Ukraine, la Russie a procédé à partir du 1er Décembre 2021 à un déploiement massif de son armée qui atteint 150.000 hommes à la frontière Est de l’Ukraine. Des négociations ont eu lieu à Genève entre les Etats-Unis et la Russie sans aboutir à un résultat. Les Occidentaux accusent la Russie de vouloir envahir l’Ukraine, ce que Moscou nie à plusieurs reprises. Poutine réclame la non-adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et la fin de son élargissement militaire aux frontières de la Russie. En outre, elle exige des garanties écrites pour sa sécurité. Washington répond que l’Ukraine, comme tout autre pays européen a le droit de demander son adhésion à l’OTAN.
L’Europe a été absente pendant les discussions entre les Etats-Unis et la Russie. Ce qui a poussé Emmanuel Macron président actuel du Conseil de l’Union européenne à se rendre à Moscou le 7 Février 2022, puis à Kiev pour tenter une désescalade du conflit. Il s’est entretenu également à plusieurs reprises avec le président américain Joe Biden, le Chancelier allemand Olaf Scholz, et les dirigeants de l’Union européenne. L’intervention de Emmanuel Macon n’a pas abouti, d’autant plus que le 21 Février 2022 Poutine a reconnu officiellement les Républiques de Donetsk et de Louhansk.
Malgré ses dénégations, Vladimir Poutine ordonne à son armée d’envahir l’Ukraine le 24 Février 2022 avec une offensive aérienne, maritime et terrestre. Alors qu’on pensait que l’offensive allait se limiter au Donbass, elle a concerné l’ensemble du territoire ukrainien. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a été qualifiée de guerre d’agression par l’Occident, et déplorée par la grande majorité de la communauté internationale. Le Maroc par un communiqué du Ministère des affaires étrangères a affirmé son attachement au principe de non-recours à la force pour le règlement des différends entre Etats, et son soutien à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de tous les Etats membres de l’ONU. L’OTAN n’a pas intervenu militairement en Ukraine, car ce dernier pays n’est pas membre de l’Organisation. D’autre part, l’Occident n’a pas voulu se confronter directement avec la Russie, pour éviter une guerre nucléaire. Par contre, des sanctions très lourdes ont été imposées à la Russie sur le plan individuel (interdiction de visa, et gel des biens) pour un grand nombre de responsables russes, y compris Vladimir Poutine et Serguei Lavrov ministre des affaires étrangères. Des sanctions financières ont été également prises pour isoler la Russie de la finance internationale, notamment l’expulsion de la Russie du mécanisme SWIFT. Des armements ont été envoyés à l’Ukraine dont des missiles et des lances roquettes, et un renforcement des effectifs militaires dans les anciens pays satellites de l’ex-URSS. Les villes touchées par les bombardements sont la capitale Kiev, ainsi que plusieurs autres villes à l’est et au sud.
Les attaques russes se concentrent sur les infrastructures militaires, les systèmes de défense anti-aérienne, les systèmes informatiques, et les bases aériennes. Les pertes provisoires sont estimées à 198 civiles tués dont 3 enfants, 1115 blessés, et 368.000 réfugiés dont 150.000 en Pologne.
Le 27 Février 2022, le Président Poutine a annoncé la mise des forces de dissuasion de l’armée russe en régime spécial d’alerte au combat. Il a justifié cette annonce par les déclarations belliqueuses des dirigeants de l’OTAN, les sanctions économiques très lourdes à l’encontre de la Russie, et les armements fournis à l’Ukraine. Une autre explication qu’il n’a pas mentionnée, est la résistance héroïque des ukrainiens qui ont été mobilisés par le président Volodymyr Zelenski. Il faut signaler que la Russie dispose de 6255 ogives nucléaires contre 5550 pour les Etats-Unis, 300 pour la France et 200 pour le Royaume Uni.
En conclusion, on ne peut que condamner l’invasion injustifiée de l’Ukraine par la Russie, qui est contraire à la Charte des Nations Unies et au droit international. La menace de Poutine de recourir aux armes de dissuasion est très grave, car elle peut provoquer une catastrophe planétaire. Il n’est pas pensable que Poutine va utiliser l’arme nucléaire, car si la Russie l’utilise, elle sera également détruite. Il faudrait actualiser le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires signé le 7 Juillet 2017, et qui n’a été ratifié à ce jour que par 50 Etats. Il n’est malheureusement applicable qu’aux pays signataires, dont aucune des puissances nucléaires. La menace de Poutine a poussé l’Allemagne à se réarmer en consacrant 2% de son PIB au budget militaire. Cette menace de Poutine est également contradictoire avec la proposition de la Russie de tenir des pourparlers avec l’Ukraine à la frontière avec la Biélorussie. Il faut réformer l’ONU, notamment la composition du Conseil de sécurité et le droit de véto accordé aux cinq membres permanents. Comme on pouvait s’y attendre, la résolution du Conseil de sécurité sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie, n’a pas été adoptée du fait du véto de la Russie. Souhaitons que les pourparlers entre la Russie et l’Ukraine puissent aboutir, afin d’éviter le prolongement de la guerre en Ukraine, et son extension à l’Europe et même au monde entier si l’arme nucléaire est utilisée.
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