Relations entre le Maroc et l’Espagne
Pour une liaison fixe entre les deux pays
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Les relations entre le Maroc et l’Espagne ont connu une grave crise diplomatique le 18 Avril 2021, date de l’accueil en Espagne pour des soins médicaux de Brahim Ghali, Chef des séparatistes du Polisario, avec un faux passeport et une fausse identité, alors qu’il était poursuivi par la justice espagnole. L’issue de la crise qui a duré presque une année, a eu lieu le 18 Mars 2022 par un message du Président du gouvernement espagnol Pedro Sanchez au Roi Mohammed VI. Ce message indique entre autres que le gouvernement espagnol « considère l’initiative marocaine présentée par le Maroc en 2007 à l’ONU comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible, pour la résolution du conflit du Sahara ». Ce message a été suivi par une visite officielle au Maroc du Président Pedro Sanchez le 7 Avril 2022, où il a été reçu par le Roi Mohammed VI qui l’a invité pour la rupture du Jeûne.
La visite au Maroc du Président Pedro Sanchez a donné lieu à une Déclaration conjointe où plusieurs points ont été abordés. Cette déclaration indique que le Maroc et l’Espagne veulent ouvrir une nouvelle page dans les relations bilatérales, basée sur la transparence, le dialogue permanent, le respect mutuel, et la mise en œuvre des engagements et accords signés. Elle établit une feuille de route durable et ambitieuse qui sera concrétisée lors la Réunion de Haut niveau qui aura lieu avant la fin de cette année 2022. La déclaration confirme le soutien espagnol au plan d’autonomie présenté par le Maroc, et indique que les futurs relations entre le Maroc et l’Espagne seront basées sur la confiance, la concertation, et la suppression d’actes unilatéraux ou de faits accomplis. Elle décide la normalisation de la circulation des personnes et des marchandises au niveau terrestre et maritime, notamment les liaisons maritimes en lien avec l’opération « Marhaba » des Résidents Marocains à l’étranger. Un Groupe de travail sera rapidement mis sur pied pour la délimitation des espaces maritimes des deux pays sur la façade Atlantique.
D’autres thèmes ont été abordés, tels que la gestion des espaces aériens, et le renforcement de la coopération dans le domaine de la migration clandestine, qui fera l’objet d’une approche globale et équilibrée. La déclaration insiste sur la coopération sectorielle entre les deux pays sur le plan économique, commercial, énergétique, industriel, et culturel. Elle préconise la facilitation des échanges économiques et des liaisons entre les deux pays, ainsi que le domaine de l’éducation, de la formation professionnelle et de l’enseignement supérieur. Une place importante sera réservée à la coopération culturelle et aux sports, avec un nouvel élan pour dynamiser la Fondation des Trois Cultures. Cette dernière a été créée en 1998 avec un siège à Séville, et qui vise à promouvoir le dialogue, la paix et la tolérance entre les peuples et les cultures de la Méditerranée. Enfin, les deux pays entameront la mise à jour du Traité de bon voisinage, d’amitié et de coopération signée en 1991.
Rappelons que l’Espagne est le premier client et fournisseur du Maroc, et que les échanges ont doublé pendant les dix dernières années avec une croissance annuelle de 10%. D’autre part, environ 1.000 entreprises espagnoles se sont installées au Maroc, dont une majorité de PME. Enfin, la communauté marocaine en Espagne est estimée à 811.000 personnes. Afin de développer davantage les relations, il y a lieu de relancer le projet de liaison fixe entre les deux pays. La jonction entre le Maroc et l’Espagne permettrait d’établir un lien direct entre l’Afrique et l’Europe, et un moyen de transport plus rapide que le bateau et moins couteux que l’avion. Le plus ancien projet de tunnel sous le détroit de Gibraltar date de 1869, suivi par plusieurs autres. Plus récemment, des accords bilatéraux ont été signés en 1979 par les Rois Hassan II et Juan Carlos pour mener les premières études de faisabilité. Un Comité mixte hispano-marocain a été chargé de la faisabilité d’une liaison fixe Afrique-Europe à travers le détroit de Gibraltar. Deux sociétés ont même été créées : l’une marocaine la SNED et l’autre espagnole la SECEG. Les études techniques détermineront le choix entre un pont ou un tunnel. Plusieurs bailleurs de fonds ont marqué dans le passé leur intérêt pour financer la liaison fixe entre le Maroc et l’Espagne, notamment la Banque mondiale, la Banque européenne d’investissement, des Fonds arabes, ainsi que la Banque africaine de développement. Un projet à plus court terme pourrait être concrétisé, à savoir l’utilisation du Gazoduc Maroc/Espagne pour le transport de gaz dans les deux sens.
En conclusion, on ne peut que se réjouir du rétablissement des relations entre le Maroc et l’Espagne, deux pays voisins qui ont partagé une histoire commune. L’avenir de ces relations est très prometteur surtout si on arrive à vaincre les résistances pour la construction d’une liaison fixe entre les deux pays.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI