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La guerre d’Ukraine
Quelles leçons peut-on en tirer ?

Par Jawad KERDOUDI
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)


Rappelons que l’Ukraine dans les années 1920 faisait partie de l’URSS sous le statut de République socialiste soviétique d’Ukraine. Après la dislocation de l’URSS, l’Ukraine a gagné son indépendance le 24 Août 1991. Le 5 Décembre 1994, l’Ukraine abandonne ses armes nucléaires en échange de garanties sur sa sécurité et son intégrité territoriale dont la Russie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni sont les garants. La révolution de Maïden du 18 au 23 Février 2014 aboutit à la destitution du président pro-russe Viktor Ianoukovytch, et à la formation d’un gouvernement pro-européen. Très rapidement une crise éclate entre les territoires majoritairement russophones du sud-est du pays, et le nouveau pouvoir central de Kiev. La Russie riposte à cette situation en annexant la Crimée le 18 Mars 2014, et en soutenant les séparatistes russophones dans la guerre du Donbass à l’est de l’Ukraine. En 2021 suite à montée progressive des tensions, la Russie masse une importante force armée aux frontières de l’Ukraine. Le 21 Février 2022 le Président Poutine reconnait l’indépendance des républiques populaires autoproclamées de Donetsk et Lougansk dans la région du Donbass. Enfin l’armée russe envahit l’Ukraine le 24 Février 2022 par une offensive aérienne, maritime et terrestre.

L’attaque militaire de la Russie est la plus importante qu’ait connue l’Europe depuis la seconde guerre mondiale. La Russie est accusée par les Occidentaux de mener une guerre d’agression contre l’Ukraine. Cependant, les Etats-Unis et l’Union européenne refusent de s’impliquer directement dans le conflit, et se contentent de prendre des sanctions économiques, culturelles et sportives contre la Fédération de Russie, et de fournir des armes à l’Ukraine. Les exigences de la Russie pour un cessez-le feu sont le renversement du gouvernement ukrainien, la dissolution de son armée, la neutralité du pays, la reconnaissance de l’annexion de la Crimée et l’indépendance des deux républiques du Donbass. L’armée russe est accusée de crimes de guerre, notamment lors de frappes visant la population civile dans les villes encerclées. Le plan de départ de la Russie était de conquérir toute l’Ukraine et de renverser le régime du Président Volodymyr Zelensky. Mais l’armée et le peuple ukrainiens ont fait montre d’une résistance héroïque qui a empêché les forces russes de conquérir la capitale Kiev. L’armée russe s’est repositionnée à l’est et au sud avec comme objectif la conquête de l’intégralité du Donbass. En Russie, l’invasion est officiellement appelée « Opération militaire spéciale ». L’utilisation par la population russe du mot « guerre » ou « invasion » est réprimée par la loi et passible de prison, tandis que les réseaux sociaux ainsi que tous les médias locaux sont censurés. Le bilan des pertes humaines et matérielles après deux mois de guerre est effrayant. L’ONU estime à plus de cinq millions de réfugiés ukrainiens, et plus de 7,7 millions de personnes déplacées à l’intérieur de l’Ukraine. Sur le plan militaire, 2.500 à 3.000 soldats ukrainiens sont morts et quelque 10.000 blessés. La Russie a annoncé de son côté la mort de 1.351 soldats et 8.825 blessés. Rien que dans la ville de Marioupol les autorités ukrainiennes parlent de 20.000 morts. Ajouter à cela la destruction de villes ukrainiennes entières, des infrastructures et des matériels militaires, dont le naufrage du navire amiral russe Moskva.
Face à cette situation plusieurs leçons peuvent être tirées. La première est l’incapacité de l’ONU de jouer son rôle d’établissement d’une paix durable dans le monde. Dans le cas ukrainien, le Conseil de sécurité de l’ONU a rejeté le 25 Février 2022 un projet de résolution déplorant l’offensive militaire russe en Ukraine, et demandant le retrait des troupes russes. Ce projet a été rejeté du fait du véto de la Russie qui est un membre permanent du Conseil de sécurité. Le 2 Mars 2022, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté une résolution déplorant l’agression commise par la Russie contre l’Ukraine, et exige que la Russie retire immédiatement ses forces militaires du territoire ukrainien. Malgré l’adoption de ce texte par 141 pays sur 193, les résolutions de l’Assemblée générale ne sont pas contraignantes, et la Russie n’a donné aucune suite. De plus, malgré plusieurs appels téléphoniques du Secrétaire général de l’ONU António Guterres, Poutine n’a pas donné suite à ces appels. Finalement il a obtenu un rendez-vous à Moscou le 26 Avril 2022.
La seconde leçon à tirer de la guerre d’Ukraine est la menace que fait peser sur l’humanité les armes nucléaires. En effet le 28 Février 2022, le président Poutine a ordonné de mettre les forces de dissuasion de l’armée russe en régime spécial d’alerte, y compris les forces nucléaires. Le 20 Avril 2022, il a annoncé le premier tir d’essai d’un missile balistique intercontinental RS-28 Sarmat, d’une portée de 18.000 kilomètres et qui peut atteindre la vitesse de 7 kilomètres par seconde. Il peut emporter à son bord jusqu’à 10 ogives nucléaires. Tenant compte de la menace nucléaire, les Etats-Unis et l’Europe n’ont pas intervenu directement dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine.
La troisième leçon est le danger que représentent les régimes dictatoriaux disposant de l’arme nucléaire. Dans le cas ukrainien, Poutine a censuré tous les médias, menti à son peuple concernant la guerre d’Ukraine, et minimisé les pertes russes. Il décide seul en imposant la terreur tant au niveau de son gouvernement que de l’Assemblée fédérale la Douma d’Etat. D’où le risque qu’il peut enclencher une guerre nucléaire sans se référer aux autres institutions de l’Etat. D’ailleurs il n’hésite pas à faire disparaitre ou à emprisonner ses opposants politiques. En envahissent l’Ukraine, grand producteur de blé et de tournesol, il a provoqué une forte augmentation des prix de ces produits, qui peut se traduire par la famine dans certains pays pauvres.
En conclusion afin de remédier à ces dangers qui sont apparus avec la guerre d’Ukraine, il y a lieu de réformer l’ONU en supprimant le droit de véto, et en lui donnant les moyens d’assurer la paix dans le monde. Il faudrait également réglementer sur le plan international l’utilisation des armes de destruction massive en vue de leur élimination, car ils constituent une menace systémique de destruction de la planète. Enfin, il faut lutter contre les régimes dictatoriaux pour les démocratiser et les obliger à respecter l’Etat de droit et les droits de l’Homme.

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