Le Forum économique mondial de Davos
Quelle évaluation ?
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Rappelons tout d’abord que le Forum économique de Davos est une Fondation à but non lucratif, créée par le Professeur suisse d’économie Klaus M. Schwab en 1971. Au départ, la réunion annuelle à Davos était appelée « Forum européen de management », qui regroupait les dirigeants d’entreprises et les membres payants. Les sujets abordés concernaient principalement les questions de management. En 1974, le Forum a commencé à inviter les Chefs d’Etat et de gouvernement, ainsi que les dirigeants des grandes entreprises multinationales. L’objet du Forum est devenu plus ambitieux, puisqu’il a commencé à aborder les problèmes économiques et sociaux mondiaux. En 1987, il a adopté l’appellation « Forum économique mondial », et s’est ouvert partiellement à la société civile et aux ONG. A ce jour, le Forum compte plus de 1.000 entreprises partenaires dont l’Office chérifien des phosphates. Le Conseil de la Fondation compte 22 membres dont de hauts responsables publics et privés. Son objectif principal est d’améliorer l’état du monde par les réunions, les rapports, et les rencontres entre les grands décideurs publics et privés.
La dernière réunion en présentiel a eu lieu en 2020, alors que le Forum de 2021 s’est tenu d’une manière virtuelle du fait de la pandémie du Covid-19. L’édition 2022 en présentiel a réuni 2500 participants et a eu lieu du 22 au 26 Mai 2022 sur le thème « L’histoire à un tournant : politiques gouvernementales et stratégies d’affaires ». Une cinquantaine de chefs d’Etat ont participé à cette édition, en l’absence des présidents américain, chinois, et français. La présidente de la Commission européenne Ursule Von Der Leyen, le Chancelier allemand Olaf Scholz, l’Emir du Qatar Ben Hamad Al Tani, l’Emissaire américain pour le climat John Kerry étaient présent à ce Forum. Le Maroc était représenté par Mr Mohcine Jazouli, Ministre Délégué auprès du Chef du Gouvernement, chargé de l’investissement, de la convergence, et de l’évaluation des politiques publiques. Il a présenté les opportunités d’investissements au Maroc, notamment en ce qui concerne les énergies renouvelables dont l’hydrogène vert. Ce fût l’occasion pour lui de rencontrer les dirigeants des plus grandes entreprises mondiales regroupées en un seul endroit. La Russie n’a pas été invitée à cette édition du fait de la guerre d’Ukraine. Participent également au Forum 200 dirigeants d’ONG dont Greenpeace, des entrepreneurs sociaux, des universitaires, des organisations syndicales, et des représentants de la société civile. Les jeunes n’ont pas été oubliés puisque 100 membres de « Global Shaper » et « Young Global » ont été également invités.
La session 2002 s’est tenu dans un contexte mondial particulier avec la pandémie du Covid-19, la guerre d’Ukraine, et l’accélération de la crise climatique. Les défis à surmonter sont nombreux, tels que l’équité d’accès aux vaccins, et la meilleure façon de se préparer aux futures pandémies. Un autre défi est celui de la flambée des prix de l’énergie et des produits alimentaires suite à la guerre d’Ukraine. Enfin, les effets néfastes du changement climatique qui se traduisent par la multiplication des vagues de chaleur et des inondations. Tous ces fléaux ont amené l’organisation OXFAM à déclarer que « Un million de personnes risquent de tomber dans l’extrême pauvreté toutes les trente trois heures ». Il a été constaté également une forte croissance des inégalités sociales, avec paradoxalement une multiplication des milliardaires dans le monde. Les organisateurs de Forum ont prévu à l’ordre du jour six piliers thématiques : favoriser la coopération mondiale et régionale, assurer la reprise économique, construire des sociétés saines et équitables, préserve le climat, favoriser la transformation de l’industrie, et exploiter la puissance de la quatrième révolution industrielle.
Le Forum a donné la parole en tant que premier chef d’Etat intervenant, au président de l’Ukraine Volodymir Zeleneski. Ce dernier a demandé des sanctions maximales contre la Russie, et à ne plus faire aucun commerce avec elle. Il s’est demandé si dorénavant c’est la force brute qui gouvernera le monde, et qui imposera la soumission aux Etats plus faibles. Il a insisté sur la nécessité de ne pas donner à l’agresseur l’impression que le monde n’opposera pas de résistance adéquate. Enfin, il a signalé que la guerre d’Ukraine risque de provoquer la famine dans certains pays les moins développés. En effet dans le monde, 12% des exportations de céréales viennent d’Ukraine.
En conclusion, le Forum de Davos présente l’avantage de réunir de hauts responsables publics et privés qui font des recommandations pour résoudre les crises qui traversent actuellement le monde. Il leur permet aussi de se rencontrer, d’échanger des points de vue, et d’amorcer des courants d’affaires. Cependant, malgré les efforts d’ouverture à la société civile, le Forum de Davos est toujours perçu comme un Club fermé de personnes riches et puissantes. En effet, les frais d’inscription au Forum sont très élevés, et la participation n’est possible que sur invitation.
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