Prochain Sommet de la Ligue Arabe Ă Alger
Quelles perspectives ?
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Rappelons tout d’abord que la Ligue Arabe a été créée le 22 Mars 1945 par la signature au Caire de sa Charte par six pays fondateurs : Syrie, Liban, Irak, Transjordanie, Arabie saoudite, Yémen. La Ligue Arabe comprend actuellement vingt deux membres dont notre pays le Maroc qui a adhéré en 1958. Dans son discours du 10 Avril 1947, Feu Sa Majesté le Roi Mohammed V avait déclaré à Tanger le souhait du Maroc d’adhérer à la Ligue Arabe « devenue un organisme important qui joue un grand rôle dans la politique mondiale ».
Malheureusement, la Ligue Arabe d’aujourd’hui est très divisée avec des conflits inter-membres. C’est le cas du conflit entre l’Algérie et le Maroc sur la question du Sahara marocain. La Tunisie s’est également alignée sur la position algérienne en recevant officiellement à Tunis le chef des séparatistes du Polisario. Un différend est né également entre l’Egypte et l’Algérie, qui a marqué son soutien au Haut barrage que l’Ethiopie veut construire sur le Nil. La Syrie a été suspendue de la Ligue Arabe suite au « Printemps Arabe ». Le Soudan a subi une partition avec la création de la République du Soudan du Sud. Enfin, le Liban est dans une situation politique et économique désastreuse, ainsi que la Libye.
Cette situation déplorable est dûe à l’absence d’une vision commune, et à l’esprit de compromis pour résoudre les questions en suspens. Le bilan de la Ligue Arabe durant ses 77 ans d’existence est maigre. La cause en est également dans la structure de la Ligue, qui a très peu de pouvoirs et dont toute décision doit être prise à l’unanimité des pays membres. La Ligue Arabe n’est pas parvenue à établir un marché commun avec la libre circulation des personnes, des biens et des services. Au contraire pour se déplacer d’un pays à l’autre, il est souvent nécessaire d’obtenir un visa. La Ligue Arabe ne s’est pas construite sur des valeurs communes telles que la démocratie, le respect des droits de l’homme, l’Etat de droit, la liberté d’expression, l’égalité Hommes/Femmes. Au contraire, chaque pays membre ne défend que ses intérêts propres sans prendre en compte l’intérêt commun.
Le Sommet de la Ligue Arabe qui ne s’est pas réuni en 2020 et 2021 à cause de la pandémie du Covid-19, va finalement se tenir les 1er et 2 Novembre 2022 à Alger. Le plan diabolique de l’Algérie était au départ de se servir de ce Sommet pour redorer son blason et défendre ses intérêts spécifiques. C’est ainsi qu’elle pensait tenir le Sommet sans la présence du Maroc avec lequel elle avait rompu les relations diplomatiques. Elle comptait également dénoncer les pays arabes qui ont normalisé leurs relations avec Israël, et réintégrer la Syrie au sein de la Ligue. Enfin elle souhaitait obtenir de certains pays arabes un soutien à son protégé le Polisario. Pour préparer le Sommet d’Alger, un Conseil de la Ligue Arabe réuni au niveau des ministres des affaires étrangères, a eu lieu au Caire les 6 et 7 Septembre 2022. Ce Conseil a posé des conditions à l’Algérie pour la tenue du Sommet à Alger. Il a insisté sur la présence du Maroc éminent membre de la Ligue, le retrait de la Syrie de ce Sommet, ainsi que celui de la question du Sahara qui est gérée par l’ONU. Le Conseil a en outre demandé à l’Algérie de clarifier sa position vis-à -vis de l’Iran, et de son soutien à l’Ethiopie.
Le Représentant de l’Algérie a accepté toutes ces conditions, notamment l’envoi du ministre algérien de la justice au Maroc portant l’invitation officielle au Maroc pour le Sommet. Notre ministre des Affaires étrangères Mr Nasser Bourita a exigé « un engagement de responsabilité, loin de tous les calculs étroits ou de logique dépassée ». Il a insisté sur la nécessité de consolider la confiance entre les membres de la Ligue, construire un système collectif moderne, et offrir des conditions objectives d’inter-coopération. Tout en recommandant l’adoption d’approches réalistes et pragmatiques, il a réaffirmé le soutien irrévocable du Maroc aux droits légitimes du peuple palestinien, avec la création d’un Etat Palestinien indépendant et viable avec Al Qods comme capitale. Il a en outre rappelé le rôle de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Président du Comité Al Qods, pour préserver à cette ville son caractère religieux, culturel, juridique et historique. Il a mis aussi en exergue les efforts de Bayt Al Mal Al Qods, financé principalement par le Maroc, pour la mise en œuvre d’actions concrètes en faveur des habitants de la ville sainte.
En conclusion, on ne peut malheureusement pas s’attendre à des résultats importants et concrets de ce Sommet d’Alger, du fait que le pays hôte ne brille pas par ses qualités de rassembleur. Tout dépend également du niveau de présence des pays membres : Chef d’Etat, Chef de gouvernement, Ministre des Affaires étrangères, Ambassadeur à Alger. Au-delà de ce Sommet, il faut réviser la Charte de la Ligue Arabe pour la rendre plus efficace.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI