FORUM IMRI CASABLANCA
«Le conflit en Ukraine : Quel impact sur le monde, le Maroc et l’Afrique ?»
HĂ´tel du Grand Mogador - Casablanca
Exposé introductif
Jawad Kerdoudi Président de l’IMRI
Pour ceux qui ne connaissent pas l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales), c’est un Institut indépendant spécialisé dans les relations internationales. Au sein de l’IMRI est respectée la diversité des opinions de chaque membre. Cependant, l’IMRI promeut les valeurs de démocratie, de libéralisme, de respect des droits de l’Homme, de l’Etat de droit, des libertés, d’égalité hommes/femmes, et de recherche de la paix. C’est donc en toute objectivité et sans parti pris que l’IMRI a choisi pour son Forum annuel le conflit armé en Ukraine.
Dans ce discours d’ouverture du Forum, je vais me contenter de relater les faits, afin de ne pas orienter les débats où chaque intervenant peut exprimer librement son opinion. Pour comprendre ce conflit, il y a lieu de revenir brièvement à l’histoire. Dès les années 1920, l’Ukraine faisait partie de l’URSS sous l’appellation République socialiste soviétique d’Ukraine. Le 5 Février 1954, Nikita Khroutchev Premier secrétaire du Comité central du parti communiste transfère la Crimée à l’Ukraine, à l’occasion du 300ème anniversaire de la signature du Traité qui marque le rattachement de l’Ukraine à l’Empire russe. En 1991, l’Ukraine proclame son indépendance suite à la dislocation de l’URSS. L’Ukraine entretient de bonnes relations avec la Fédération de Russie jusqu’à la Révolution de Maiden (18-23 Février 2014) qui aboutit à la formation d’un gouvernement ukrainien pro-européen. Il s’en est suivi l’annexion de la Crimée par la Russie le 18 Mars 2014, et le déclenchement d’un conflit armé au Donbass à l’Est de l’Ukraine où une partie de la population est russophone. Entretemps, l’Ukraine a manifesté son souhait d’adhérer à l’Union européenne et à l’OTAN.
Fin 2021, les relations entre la Russie et l’Ukraine se sont aggravées avec un grand déploiement de l’armée russe à la frontière de l’Ukraine, suivi par l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 Février 2022. Les raisons de cette invasion invoquées par le Président Poutine sont : l’élargissement de l’OTAN aux anciennes Républiques soviétiques, le risque d’encerclement de la Russie par l’OTAN si l’Ukraine y adhère, et la non-application des Accords de Minsk pour tenir compte de population russophone du Donbass. Le premier plan du Président Poutine était d’occuper l’Ukraine dans sa totalité, et de remplacer le Président ukrainien Volodymir Zelenski par un nouveau président pro-russe. Ce plan a échoué, suite à l’échec de la conquête de la capitale Kiev, dû à la résistance héroïque des militaires et des civils ukrainiens contre l’occupant. Le Président russe a retiré ses troupes vers l’Est et le Sud de l’Ukraine où les combats continuent valeur aujourd’hui. Le 21 Septembre 2022, il décrète une mobilisation partielle de 300.000 soldats pour renforcer l’armée russe en Ukraine, et déclare que « le but de l’Ouest est d’affaiblir, de diviser et détruire la Russie ». Il annonce également l’organisation de référendums d’annexion à la Russie dans quatre régions ukrainiennes sous contrôle militaire de la Russie. Les pertes humaines et matérielles sont considérables, avec des millions d’ukrainiens déplacés, et des milliers de morts et de blessés.
L’Occident a condamné vigoureusement l’occupation russe de l’Ukraine qu’il considère contraire au droit international, a pris des sanctions très sévères contre la Russie, et a fourni des armes lourdes et des renseignements à l’Ukraine. Dans son discours à l’ONU du 20 Septembre 2022, le Président Macron a accusé la Russie de provoquer un retour « des impérialismes et des colonialismes » en envahissant l’Ukraine. Le lendemain, le Président Biden a accusé la Russie d’avoir « violé d’une manière éhontée » les principes fondateurs de la Charte des Nations Unies. L’OTAN n’a pas pris part directement au conflit en Ukraine, pour éviter le risque de guerre nucléaire, dont a menacé à plusieurs reprises le Président Poutine. Malheureusement, le conflit armé en Ukraine a entrainé une résurgence de la guerre froide entre l’Occident (Amérique du Nord, Europe, Australie) et le bloc de l’Est (Chine, Russie, Iran). Cependant les pays émergents ont adopté une position de neutralité entre les deux blocs. C’est le cas de la Turquie, de l’Inde, de l’Afrique du Sud et du Brésil. La position du reste du monde a été motivée par les intérêts que chaque pays a avec l’une et l’autre partie. L’Afrique est divisée en deux : 28 pays ont condamné l’occupation russe, et 25 se sont abstenus ou n’ont pas pris au vote comme c’est le cas du Maroc, lors du vote de la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU du 2 Mars 2022. Le même phénomène a eu lieu en Asie, Moyen-Orient et Amérique.
Sur le plan économique le conflit en Ukraine a entrainé une augmentation considérable des prix des produits alimentaires et énergétiques (pétrole et gaz) occasionnant une inflation de 6,6% dans les pays avancés et 9,6% dans les pays émergents. Le Président Biden dans son discours à l’ONU a indiqué que 193 millions de personnes dans le monde sont confrontés à une insécurité alimentaire aigue. Il a déclaré que les Etats-Unis vont consacrer 2,9 milliards de dollars à l’aide humanitaire et à la sécurité alimentaire. La croissance de l’économie mondiale qui était de 6,1% en 2021 va tomber à 3,2% en 2022 et 2,9% en 2023. Il est prévu pour l’Afrique une croissance de 3,8% en 2022 et 4,0% en 2023. Quant au Maroc, l’inflation a atteint 8% au mois d’Août 2022, et la croissance 1% suite à une mauvaise campagne agricole en plus du conflit ukrainien.
En conclusion, on ne peut que déplorer ce conflit armé en Ukraine qui a occasionné des pertes humaines et matérielles considérables, ainsi qu’un affaiblissement de la croissance économique mondiale. Ce conflit a également réveillé la guerre froide qu’on pensait révolue en 1991 avec la chute de l’URSS. Il aurait pu être évité, si l’ONU dont la vocation est la recherche de la paix entre les Nations, avait des pouvoirs réels pour anticiper et régler les conflits avant leur déclenchement. D’où la nécessité d’une réforme profonde de cette institution, dont la structure ne correspond plus au monde du XXIème siècle.
Toutes ces questions vont être approfondies lors de ce Forum, animé par d’éminents Experts de la société civile, en vue d’établir des recommandations à envoyer aux décideurs politiques et économiques. Il est entendu que tous les avis émis dans ce Forum n’engagent que leurs auteurs.
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