FORUM IMRI CASABLANCA
« Le conflit en Ukraine : Quel impact sur le monde, le Maroc et l’Afrique ? »
23 et 24 Septembre 2022 (HĂ´tel grand Mogador)
RECOMMANDATIONS
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
RAPPEL DES FAITS
En 1991, l’Ukraine a proclamé son indépendance suite à la dislocation de l’URSS. L’Ukraine entretenait de bonnes relations avec la Fédération de la Russie jusqu’à la Révolution de Maïdan qui avait abouti à la formation d’un gouvernement pro-européen. L’Ukraine a manifesté alors son souhait d’adhérer à l’Union européenne et à l’OTAN. Il s’en est suivi l’annexion par la Russie de la Crimée le 28 Mars 2014, et le déclenchement d’un conflit armé au Donbass à l’Est de l’Ukraine, où une grande partie de la population est russophone. Fin 2021, les relations entre la Russie et l’Ukraine se sont aggravées avec un grand déploiement de l’armée russe à la frontière de l’Ukraine. Le 24 Février 2022, la Russie a envahi l’Ukraine causant des milliers de morts et de blessé, des millions de réfugiés et des pertes matérielles considérables. Le premier plan du Président Poutine était de conquérir toute l’Ukraine et de remplacer le Président Zelenski par un dirigeant pro-russe. Ayant échoué à prendre la capitale Kiev, l’armée russe s’est repliée à l’Est et au Sud de l’Ukraine. Alors que les combats continuent valeur aujourd’hui, l’armée ukrainienne a marqué des points par la reconquête d’un grand nombre de villes et villages obligeant l’armée russe à reculer. Le 21 Septembre 2022, le Président Poutine lance une mobilisation partielle de 300.000 réservistes.
RÉACTIONS INTERNATIONALES
L’Occident a condamné vigoureusement l’invasion russe de l’Ukraine qu’il considère contraire à la Charte de l’ONU et au droit international. Il a pris des sanctions très sévères contre la Russie et a fourni des armes légères et lourdes, ainsi que des renseignements militaires à l’Ukraine. Les pays émergents ont adopté une position de neutralité vis-à -vis du conflit, notamment la Turquie, l’Inde, l’Afrique du Sud et le Brésil. La Chine tout en ne condamnant pas l’invasion russe, a cependant affirmé son soutien à l’intégrité territoriale de tous les pays reconnus par l’ONU. Le reste du monde s’est également divisé entre condamnation ou soutien vis-à -vis de la Russie, en fonction de leurs propres intérêts. Le Maroc n’a pas pris part au vote de la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU du 2 Mars 2022, marquant aussi sa neutralité.
IMPACT ECONOMIQUE
Le conflit en Ukraine a entraîné une hausse considérable des prix des produits alimentaires (céréales, huiles alimentaires) et énergétiques (gaz et pétrole). Il a occasionné une inflation de 6,6% dans les pays avancés et 9,6% dans les pays émergents. C’est ainsi que près de 200 millions de personnes dans le monde sont confrontés à une insécurité alimentaire, du fait que la Russie et l’Ukraine sont de gros exportateurs de céréales. La croissance mondiale qui était de 6,1% en 2021 va tomber à 3,2% en 2022 et 2,9% en 2023. Il est prévu pour l’Afrique subsaharienne une croissance de 3,3% en 2022 et 3,4% en 2023. Quant au Maroc, Bank Al-Maghrib prévoit une inflation de 6,3% pour l’année 2022. La croissance de l’économie marocaine sera de 0,8% en 2022 suite à une mauvaise campagne agricole en plus du conflit ukrainien.
RECOMMANDATIONS
Le Forum a déploré le déclenchement de cette guerre en Ukraine qui a entrainé des pertes considérables tant sur le plan humain que matériel.
Il considère que la responsabilité de cette guerre est dûe à la fois à l’Occident et à la Fédération de Russie. L’Occident avec l’élargissement de l’OTAN aux anciennes Républiques soviétiques, et à l’encouragement de l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne et à l’OTAN. La Russie est également responsable en envahissant un pays reconnu par l’ONU dans ses frontières internationales, et ce contrairement au droit international.
Le Forum recommande la réforme de l’ONU, dont la principale tâche est la préservation de la paix dans le monde. Cette réforme doit donner à l’ONU plus de pouvoirs pour l’établissement de la paix, et aussi modifier la composition et les attributions du Conseil de sécurité, notamment le droit de véto accordé aux cinq membres permanents.
Le Forum appelle à l’ouverture le plus rapidement possible de négociations entre la Russie et l’Ukraine pour trouver un compromis qui puisse mettre fin à la guerre et eux souffrances subies par le peuple ukrainien.
Le Forum félicite l’ONU et la Turquie d’avoir débloqué l’exportation de céréales par la Russie et l’Ukraine, et les encourage à poursuive leur médiation pour hâter l’ouverture de négociations entre les deux belligérants.
Le Forum met en garde contre le risque de destruction de la planète par l’utilisation de l’arme nucléaire. Il regrette que le Président Poutine a menacé de l’utiliser à plusieurs reprises. Il exhorte l’ouverture de négociations à l’ONU, non seulement pour éviter la prolifération de l’arme nucléaire, mais pour un désarmement généralisé de tous les pays qui la possèdent.
Le Forum demande à la Banque mondiale, à la BAD, au FMI et à tous les bailleurs de fonds internationaux de surseoir au remboursement de la dette des pays en développement jusqu’à la fin de la guerre en Ukraine. Il les exhorte d’accorder des dons et des prêts à tous les pays qui ne peuvent plus faire face à l’augmentation considérable des prix des produits alimentaires et énergétiques, notamment face à la hausse du dollar. Une attention toute particulière doit être accordée aux pays africains non producteurs de gaz et de pétrole, pour leur permettre de financer leurs importations de produits alimentaires et énergétiques.
Pour le Maroc, le Forum recommande la création d’un Comité de veille économique mixte composé de l’Administration publique et du secteur privé (CGEM, GPBM) afin de suivre l’évolution de la situation économique, et d’identifier les mesures en terme d’accompagnement des secteurs impactés par la guerre en Ukraine. Il propose également la création d’un Fonde spécial pour la gestion des conséquences de la guerre en Ukraine. Il est regrettable que ces deux organismes n’ont pas été créés dès le déclenchement de la guerre Ukraine, à l’instar de la pandémie du Covid-19 où ils ont joué un rôle remarquable d’efficacité.
La guerre en Ukraine ne doit pas placer au second rang la lutte contre la pandémie du Covid-19, et le changement climatique qui se manifeste partout dans le monde par des inondations, des incendies, et par la sécheresse. Il ne faut pas non plus occulter les autres défis, tels que le terrorisme qui sévit dans les pays du Sahel, l’immigration clandestine qui cause la perte de centaines de vies, le statut condamnable des femmes en Iran, la situation sanitaire préoccupante en Afrique, les problèmes au Moyen-Orient, notamment la question palestinienne qui est toujours dans l’impasse.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI