Sommet du G20 Ă Bali
Bilan et perspectives ?
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Rappelons que le G20 est un forum intergouvernemental composé de 19 pays aux économies les plus développées et de l’Union européenne. Créé en 1999, il se réunissait au niveau ministériel, et ce n’est que le 15 Novembre 2008 qu’il s’est réuni à Washington sous forme de Sommet. En 2021, le G20 représentait 75% du commerce mondial, 80% du PIB mondial, et près des deux tiers de la population mondiale. Sont membres du G20 : Argentine, Afrique du Sud, Allemagne, Arabie saoudite, Australie, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, Etats-Unis, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Turquie.
Le dernier Sommet du G20 a eu lieu les 15 et 16 Novembre 2022 à Bali en Indonésie. Dans la déclaration finale, les dirigeants du G20 ont indiqué que le monde vit une époque de crises multidimensionnelles sans précédent. Outre les conséquences néfastes du changement climatique, le monde a connu les ravages de la pandémie du Covid-19, et la guerre meurtrière en Ukraine qui est toujours en cours. Selon le texte de la déclaration « la plupart des membres ont fermement condamné la guerre en Ukraine, et souligné qu’elle cause d’immenses souffrances humaines. Elle exacerbe les fragilités existantes de l’économie mondiale, freinant la croissance, augmentant l’inflation, perturbant les chaines d’approvisionnement ». En outre, elle augmente les risques pour la stabilité financière. La déclaration insiste sur le respect du droit international et le système multilatéral qui préserve la paix et la sécurité. Elle ajoute que l’emploi ou la menace d’emploi d’armes nucléaires est inadmissible. Le règlement pacifique des conflits, les efforts pour faire face aux crises, ainsi que la diplomatie et le dialogue sont essentiels. Les dirigeants du G20 ont indiqué qu’ils restent déterminés à aider les pays en développement, en particulier les Etats les moins avancés et les petits Etats insulaires.
Le Sommet du G20 a consacré une grande part à la lutte contre le changement climatique. Les dirigeants ont promis de poursuivre leurs efforts par limiter la hausse du changement climatique à 1,5° C d’ici la fin du siècle. Les pays du G20 qui représentent près de 80% des émissions de gaz à effet de serre, réitèrent leur engagement à atteindre l’objectif net zéro émission (la neutralité carbone) en 2050. Ils promettent aussi de renforcer leurs objectifs climatiques d’ici à 2030 dans leurs contributions déterminées à l’échelle nationale (NDC) remises à l’ONU. Les dirigeants reconnaissent aussi l’importance d’intensifier rapidement le déploiement de la production d’énergie propre, y compris les énergies renouvelables, ainsi que des mesures d’efficacité énergétique. Ils s’engagent également à accélérer les efforts vers la réduction progressive de l’énergie produite à partir du charbon. De même, ils rappellent leur engagement à mettre fin aux subventions inefficaces aux combustibles fossiles à moyen terme, tout en apportant un soutien ciblé aux pays les plus pauvres et les plus vulnérables. Par ailleurs, ils appellent à progresser lors de la Cop27 sur la question des pertes et dommages climatiques affectant les pays du Sud qui demandent un financement spécial.
Le Sommet a traité également de plusieurs autres sujets qui préoccupent la communauté internationale. Il préconise de développer les investissements publics et privés, de mettre en œuvre des réformes structurelles, de développer le commerce multilatéral, et d’améliorer la résilience des chaines d’approvisionnement mondiale afin d’assurer une croissance à long terme. Il a mis en exergue l’importance des Banques centrales qui doivent assurer la stabilité des prix, et a demandé aux Banques multilatérales de mobiliser et fournir des financements supplémentaires. Le Sommet insiste sur la sécurité alimentaire et énergétique dont doivent bénéficier les pays en développement. Le commerce des produits agricoles doit rester ouvert, transparent et inclusif. Le Sommet plaide pour une couverture sanitaire universelle et pour la réforme de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il encourage tous les pays à développer l’économie numérique en comblant la fracture à l’intérieur des pays et entre pays. Il demande la mise en œuvre des promesses de 81,6 MM de dollars sous forme de droits de tirages spéciaux (DTS) au profit des pays en développement.
En conclusion, il faut d’abord remarquer que le G20 malgré sa structure intergouvernementale, est un groupement informel ayant sélectionné les pays qui le composent d’une façon arbitraire. Il faudrait faire adhérer au G20 l’Union africaine à l’instar de l’Union européenne qui est déjà membre. De plus, ses recommandations ne sont pas contraignantes. Cependant, la présence des Chefs d’Etat à ces Sommets donne au G20 une importance particulière. C’est ainsi qu’au Sommet de Bali étaient présent les Chefs d’Etat de Chine, des Etats-Unis, de la France, et de l’Indonésie pays hôte. Par contre, le Président russe Vladimir Poutine n’était pas présent, et la Russie a été représentée par le ministre des Affaires étrangères Serguei Lavrov. Les discussions ont été très dures, mais un compromis a été trouvé pour l’établissement de la déclaration finale. La principale décision politique du Sommet de Bali a été la condamnation par la plupart des membres de la guerre en Ukraine, qui a sapé l’économie mondiale. L’autre décision est l’inadmissibilité de l’emploi ou la menace d’emploi d’armes nucléaires. Ces décisions montrent l’isolement de la Russie qui n’a pas été suffisamment défendue par ses partenaires du BRICS : Brésil, Inde, Chine, Afrique du Sud. Cependant malgré cette condamnation, la Russie a continué de bombarder plusieurs localités de l’Ukraine pendant et après le déroulement du G20. Il est difficile dans ces circonstances d’entamer des négociations entre les deux belligérants, d’autant plus que le Président ukrainien Volodymir Zelenski veut récupérer toutes les régions occupées par la Russie y compris la Crimée. Aussi faut-il s’attendre malheureusement à une continuation de la guerre en Ukraine pour une période indéterminée.
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